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par Jean-François Jagielski

Septembre 1972

Septembre 72 : Le président de la République française Georges Pompidou révèle publiquement l’existence des négociations secrètes entre Américains et N-V. Cependant, la chose était déjà connue et presque de notoriété publique.

Aubrac rencontre Kissinger à Washington. Ce dernier  lui annonce qu’il a appris « sans plaisir » ses interventions auprès de l’O.N.U. Les Américains n’ont pu refuser la présence de l’instance internationale à la future conférence de janvier 1973 (dont le rôle paraît cependant pour le moins mineur) (Aubrac, 2000, p. 388).


3 septembre 72 : Au Cambodge, après des élections présidentielles qui voient la victoire du maréchal Lon Nol (voir 4 juin), les électeurs retournent aux urnes pour choisir une nouvelle assemblée nationale. Victoire écrasante (car truquée) du Parti social-républicain du président qui obtient 126 sièges sur 126. Pour autant, l’armée républicaine composée de 130 000 hommes se voit désormais aux prises et avec les forces du F.U.N.K. alliées aux Khmers rouges (50 000 hommes) et à celle des N-V (600 000 hommes) (Férier, 1993, p. 135). Pseudo victoire politique de Lon Lol mais situation militaire nettement défavorable et même assez catastrophique.


6 septembre 72 : Bunker est (enfin…) reçu par Thieu qui lui remet la lettre de Nixon du 28 août. Selon une habitude bien rôdée, aucune réponse immédiate (Kissinger 2, 1979, p. 1 375-  1 378).


7 septembre 72 : Nouvelle rencontre Bunker-Thieu. L’ambassadeur ressort avec une bonne impression, preuve que Thieu a daigné cette fois desserrer les dents… (Kissinger 2, 1979, p. 1 383)


7 - 9 septembre 72 : Au Cambodge, manifestations violentes dans plusieurs villes pour protester contre la hausse des prix.

Des soldats des F.A.R.K. (sihanoukistes) qui n'ont pas reçu leur solde se mutinent.


9 septembre 72 : Nguyen Phu Duc (Affaires étrangères) et Hoang Duc Nha (conseiller de Thieu) remettent à Bunker de nouvelles exigences s-v sur la composition du Comité de réconciliation nationale que les S-V veulent délibérément aussi vague que possible (Kissinger 2, 1979, pp. 1 382-1 383).


10 septembre 72 : Kissinger, en route pour Moscou, valide les nouvelles exigences s-v (Kissinger 2, 1979, p. 1 383).


11 septembre 72 : Un sondage Harris révèle que 55 % des Américains contre 32 sont favorables à la poursuite des bombardements massifs au S-V ; 62 % contre 22 sont pour le minage des ports n-v ; 47 % contre 35 s’opposent à tout gouvernement de coalition au S-V. ; 74 % ne veulent pas que le S-V tombe dans les mains des communistes.

Ce type de sondage renforce Nixon dans l’idée d’une politique dure envers le N-V, celle que ne soutient pas forcément Kissinger qui entend toujours négocier (Kissinger 2, 1979, p. 1 386 ; Nixon, 1978, p. 508). Le secrétaire d’État à la Sécurité nationale doit en fait faire face à une triple opposition intransigeante : celle de Nixon, celle de Thieu et celle de Le Duc Tho (voir 13, 15 et 16 septembre).


12 septembre 72 : Inculpation des « plombiers » du Watergate. Leurs « agendas » révèlent des liens avec des collaborateurs de la Maison Blanche.


13 septembre 72 : Entrevue secrète Kissinger-Le Duc Tho de trois heures qui n’aboutit pas (Hanhimäki, 2008, p. 62). Ce dernier ne refuse pas la proposition américaine au sujet du Comité de réconciliation nationale mais rejette toute idée de cessez-le-feu préalable (Kissinger 2, 1979, p. 1 383).


15 - 16 septembre 72 : Reprise des négociations secrètes à Choisy-le-Roi (et non à Gif-sur-Yvette comme l’indique Portes). Kissinger s’y rend en toute discrétion en partant de Grande-Bretagne. Il y présente un « plan d’ensemble, y compris le paragraphe que Thieu n’avait approuvé [au sujet du gouvernement de coalition, voir 17 et 18 août]. » Rien de bien neuf selon ses dires. Le Duc Tho rejette le tout mais présente un plan en 10 points. Une seule concession de sa part : « Elle avait pour caractéristique principale de priver d’une partie de son pouvoir le gouvernement de concorde nationale tel qu’il l’avait décrit. ».

Là où le 14 août, Le Duc Tho avait accepté que le gouvernement de Saigon reste en place jusqu’à la formation du gouvernement de concorde nationale, il propose que les deux gouvernements actuels restent en place,  même après la conclusion d’un accord. Thieu peut donc rester au pouvoir. Le gouvernement de concorde aurait pour seul rôle de faire respecter les points de l’accord et de mener la politique étrangère.

Kissinger, peu soutenu par Nixon et Thieu, ne veut s’engager avant les élections et botte en touche. Le Duc Tho veut une date pour signer l’accord, si possible le 15 octobre. Kissinger doit en référer au président et aux S-V qu’il sait hostile, l’un comme l’autre, à toute idée de cessez-le-feu. On assiste, selon les mots de Portes, à une véritable « partie de poker menteur » (Portes, 2016, pp. 115-116 ; Kissinger 2, 1979, pp. 1388-1390). Bunker ne parviendra pas à rencontrer Thieu avant le 17 septembre pour le mettre au courant de ce que Kissinger considère comme une avancée.


16 septembre 72 : L'A.R.V.N. reprend Quang Tri mais une grande partie de la province reste aux mains de l'A.P.N.V.

Thieu répond à la lettre de Nixon du 31 août. Il manifeste un accord sur les points généraux évoqués par Nixon mais enjoint les Américains à ne pas « continuer à faire, à tort et à travers, des concessions aux communistes ». Le ton de sa réponse est donc blessant (Kissinger 2, 1979, pp. 1 390-1 391).


17 septembre 72 : Thieu daigne à nouveau recevoir Bunker. Ce dernier peut enfin lui faire un compte rendu de l’entrevue Kissinger-Le Duc Tho du 15 et des discussions somme toutes décevantes de Kissinger lors de son séjour à Moscou (Kissinger 2, 1979, p. 1 391).

Au Cambodge, élections sénatoriales. Les 40 sièges à pourvoir sont totalement gagnés par le Parti social-républicain du président. Saukham Khoy est élu président du Sénat (Jennar, 1995, p. 132).


20 septembre 72 : Thieu déclare dans un discours prononcé à Hué : « Nul n’a le droit de négocier ou d’accepter de solution » à l’exception du peuple s-v (Kissinger 2, 1979, p. 1 391). Manière de dénigrer ouvertement et publiquement ce qui se passe lors des négociations secrètes en France.


23 septembre 72 : Kissinger adresse un message à Bunker qui doit convaincre Thieu que les divergences américano-s-v servent la cause d’Hanoi et l’incitent à devoir aller vite dans le processus de négociations. Cela est contre-productif et nuit aux efforts accomplis jusqu’ici par le secrétaire à la Sécurité nationale pour obtenir le meilleur accord possible (Kissinger 2, 1979, p. 1 391).


26 - 27 septembre 72 : Nouvelle réunion secrète, cette fois à Gif-Sur-Yvette au 108 avenue du général Leclerc, dans une habitation ayant appartenu à Fernand Léger, car Le Duc Tho et Kissinger sont « pistés » par les journalistes qui désormais connaissent le pavillon de Choisy-le-Roi du fait d’une indiscrétion n-v.

Les N-V, pressés par le temps (voir 15 - 16 septembre), présentent une « dernière offre » de gouvernement de coalition tripartite purement consultatif auprès des deux autres gouvernements (mais sans Thieu…), une sorte d’instance purement médiatrice. Les N-V veulent surtout un calendrier qu’ils baptisent « Sheydule ». Le Duc Tho laisse même entendre qu’après l’accord, les troupes n-v se retireraient du Laos et du Cambodge, avec libération des prisonniers de ces deux pays où, selon lui, il n’y en a pas puisque les troupes alliées s’en théoriquement sont retirées…

Des propositions que Nixon jugera une fois de plus inacceptables (Nixon, 1978, p. 508). On avance guère côté américain car Kissinger et Nixon évaluent la situation à l’aune des élections et de l’opinion publique qui pourrait être séduite par les offres n-v que tous deux considèrent comme fallacieuses (Portes, 2016, pp. 116-117 ; Kissinger 2, 1979, pp. 1 392-1 393). On décide quand même de se revoir le 8 octobre.


27 septembre 72 : Kissinger décide d’envoyer à nouveau Haig à Saigon pour faire un point avec Thieu sur les aspects qui doivent encore être revus lors de la prochaine négociation secrète : pour éviter la démission de Thieu, il faut accepter l’élection d’une Assemblée constituante plutôt que d’organiser des élections présidentielles ; il faut faire réviser la Constitution après la signature de l’accord par le Comité de réconciliation (sachant que le S-V y aurait un droit de veto puisque les décisions se prendraient à l’unanimité des voix). On décide de se revoir le 8 octobre (Kissinger 2, 1979, p. 1 394).


30 septembre 72 : Les Américains reçoivent une note d’Hanoi qui laissent pressentir qu’ils veulent parvenir à un accord pour le 30 octobre, qui serait décidé au cours de l’entrevue du 8 (Kissinger 2, 1979, p. 1 396).

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