Septembre 70 : Les opposants à la guerre aux U.S.A. ne renoncent pas. Selon Debouzy, « en septembre 1970 ils participèrent à une marche d’un genre très particulier lors de l’« opération R.A.W. » (Rapid American Withdrawal : retrait américain rapide) en simulant une mission search and destroy. Pendant 4 jours, entre Morristown dans le New Jersey et Valley Forge, en Pennsylvanie, lieu mythique de la Guerre d’Indépendance, ils montrèrent à leurs compatriotes ce qu’était la guerre menée au Vietnam. Cent cinquante anciens combattants simulèrent des attaques, des destructions, des arrestations, des brutalités dans les régions rurales et les petites villes qu’ils traversaient. » (Debouzy, 2003, p. 30)
Poursuite de l’opération Chenla 1 : il s'agit de dégager l'accès de la province de Kompong Thom (Nationale 6).
21 bataillons s-v sont engagés sur le territoire du Cambodge. Un bon quart des attaques aériennes s-v et de parachutage des troupes y sont concentrées (voir 14 septembre) (Shawcross, 1979, p. 180).
1er septembre 70 : Rejet de l’amendement McGovern-Hatfield déposé le 26 août par 55 voix contre 39 au Sénat (voir fin août). Mais selon Kissinger, « le vote ne permit pas non plus d’enterrer l’amendement. Celui-ci allait faire sa réapparition, de mois en mois, avec un nombre de partisans sans cesse croissant […] » (Kissinger 2, 1979, p. 1 026).
4 – 8 septembre 70 : Un groupe de vétérans américains appartenant aux V.V.A.W. organise un simulacre de mission search and destroy en organisant une marche dite Operation R.A.W. (Rapid American Withdrawal) qui les emmène de Morristown (New Jersey) jusqu’à Valley Forge. Ces manifestations au goût de guerre demeureront toutefois purement pacifiques. Si menace il y a, elle n’est que symbolique (Gibault in collectif, 1992, pp. 82-83).
7 septembre 70 : Après un long intervalle de silence depuis le 4 avril (voir 5 juillet), reprise des négociations entre Kissinger et Xuan Thuy (et non Le Duc Tho, jusqu’alors principal négociateur) au 11 rue Darthé à Choisy-Le-Roi, au sud de Paris.
Selon Kissinger qui s’attendait à un accueil glacial après l’invasion du Cambodge, le dialogue se renoue : « Il n’y eut pas d’invective. Le Cambodge fut à peine mentionné. » On prévoit même de se revoir. Kissinger a, a posteriori, la fausse impression que les N-V « allaient renoncer à exiger l’adoption d’un calendrier d’évacuation étalé sur six mois. » Il demande la reprise des négociations « pendant qu’il est encore temps » sous peine de devoir reprendre les combats. Nouveau recul américain, en parfaite contradiction avec ce qui avait été antérieurement promis à Thieu, car Kissinger propose, en cas de retrait mutuel, de ne laisser « au Vietnam ni forces résiduelles, ni bases, ni conseillers. »
Le conseiller à la Sécurité nationale avoue que cette proposition est « comique », au vu des pressions qui existent aux U.S.A. pour un retrait unilatéral. Il parle également « d’élections libres » alors qu’il sait que cette expression n’a aucun sens pour les N-V. Thuy exige qu’avant leur départ, les États-Unis se débarrassent de Thieu, sans quoi aucun accord n’est envisageable.
Ce que ne disent pas les N-V, c’est qu’ils sont en train de construire un nouveau plan de paix qui sera rendu publique le 17 septembre à Paris, présenté par la ministre des Affaires étrangères du G.R.P., Mme Nguyen Thi Binh (Kissinger 2, 1979, pp. 1 030-1 032).
9 septembre 70 : Second remaniement au G.R.U.N.K.. Sihanouk fait entrer au sein 7 vice-ministres ayant désormais rang et prérogatives de ministres. Il reconnaîtra que ces nominations lui ont été suggérées par Khieu Samphan, nommé lui-même au rang de vice-président du Conseil. Ils auraient dû en théorie rejoindre les « régions libérées » mais ont, en fait, été nommés pour former une majorité communiste et occuper les postes des titulaires en voyage ou résidant à l’étranger (Tong, 1972, pp. 209-210).
Lon Lol annonce que l’armée khmère compte désormais 138 000 hommes et pourra en avoir 210 00 dans un proche avenir (Sihanouk, 1979, p. 256).
12 septembre 70 : Arrivée à Phnom Penh du premier ambassadeur américain depuis 1965, Emory Swank.
14 septembre 70 : Des notes ultra secrètes préparées par Laird (Défense) émettent des craintes sur la portée réelle de l’engagement s-v au Cambodge (Shawcross, 1979, p. 180).
15 septembre 70 : Un groupe d’analyse présidé par Kissinger se penche sur la situation au Cambodge. L’engagement des S-V préoccupe les Américains par son ampleur et nuit au processus de vietnamisation en dégarnissant le SV où le retrait des troupes américaine suit son cours. On prévoit de se revoir le 16 octobre (Shawcross, 1979, pp. 180-181).
17 septembre 70 : Reprise des négociations officielles de Paris. Hanoi propose un retrait des troupes américaines sur une durée de 9 mois à partir du 30 juin 1971, sans retrait des troupes n-v présentes au Sud. Toutefois, on n’exige plus le départ du gouvernement Thieu.
La ministre des Affaires étrangères du G.R.P., Mme Nguyen Thi Binh rend publique un plan de paix en 8 points : retrait « immédiat » des Américains sur une durée de 9 mois (le retrait en 6 mois n’aurait été effectif qu’après signature d’un accord, c’est donc une fausse concession selon Kissinger) ; installation d’un gouvernement provisoire de coalition à Saigon composé de communistes du G.R.P., de neutres et de membres de l’actuel gouvernement mais sans Thieu, Ky et Thiem (ce gouvernement serait chargé de négocier un règlement avec le seul G.R.P.) ; envisager, après avoir accepté ces points, des discussions pour la restitution des prisonniers. Devant de telles exigences, les Américains les rejettent d’entrée car le retrait des troupes n-v du Sud n’est absolument pas envisagé dans ces propositions (Kissinger 2, 1979, pp. 1 032-1 033).
22 septembre 70 : Au Cambodge, un rapport de la C.I.A. dénonce le fait que des soldats de Lon Lol collaborent avec l’ennemi dans la province de Kampot. Le commandant local des troupes gouvernementales, comprenant qu’il ne faisait pas le poids, laisse les communistes parcourir les campagnes. En échange ces derniers n’attaquent pas les casernes. Des trafics d’armes lucratifs sont également organisés à destination des KR (Shawcross, 1979, pp. 253-254).
25 septembre 70 : Suite à la nomination récente des vice-ministres (voir 9 septembre), Sihanouk reconnaît l’accointance du G.R.U.N.K. avec le communisme en déclarant devant la presse : « Ils ne sont pas sihanoukistes, ils sont tous Khmers rouges. Le gouvernement est maintenant de tendance communisante, car sur dix-neuf ministres et vice-ministres dix sont Khmers rouges [...] Je donne tout aux Khmers rouges, ce sont des purs. » Fidèle à ses accoutumés revirements, il affirme : « Il ne peut y avoir maintenant que le socialisme marxiste. » Il reconnaît cependant en aparté : « Pour le moment, je leur suis encore indispensable, mais après la libération, je ne le serai peut-être plus. » (cité in Tong, 1972, p. 211) Il ne pense pas si bien dire…
27 septembre 70 : Réunion secrète entre Kissinger et les N-V. Blocage sur la question du retrait unilatéral américain fixée au 30 juin 1971, sans arrêt des combats ni au S-V, ni au Laos, ni au Cambodge. Selon les N-V, tous les États voisins du Vietnam doivent devenir neutres (Laos, Cambodge, Birmanie, Indonésie, Australie et Thaïlande). On discute des 8 points du G.R.P. (voir 17 septembre), sans la moindre convergence.
Kissinger note dans ses mémoires « […] il s’agissait, pour l’instant, d’obtenir de nous, sur place, une reddition sans condition et une désertion politique. » Pour les N-V, l’idée américaine d’un cessez-le-feu bilatéral sur place (soutenue par l’opposition ou certains membres du gouvernement américain) doit être abandonnée (Kissinger 2, 1979, pp. 1 033-1 035).