Septembre – décembre 67 : HCM, malade et politiquement affaibli, part se faire soigner en Chine. L’épouse de Chou En Laï lui rend plusieurs visites au nom de son époux et de Mao (Marangé, 2012, p. 332, note 106)
Le Duc Tho profite de cette absence pour tenter de se débarrasser de Giap. Depuis la vague d’arrestations démarrée en juillet, certains interrogatoires auraient nommément accusé le général de chercher à vouloir renverser la direction du Lao Dong. Mais Giap bénéficie de la protection de Le Duan, soucieux de continuer à obtenir l’aide militaire soviétique à la veille de l’offensive du Têt (Marangé, 2012, pp. 332-333).
1er septembre 67 : Au Cambodge, poursuite de la dégradation des relations sino-cambodgiennes liée à la Révolution culturelle (voir 17 août). Sihanouk interdit l'association de l'Amitié sino-khmère. Animée par Hun Nim et Phouk Chhay, elle distribuait le Petit Livre rouge de Mao Zedong. Sihanouk dénonce dans la presse ces « associations [qui] se sont transformées en organisme de propagande et de démolition du régime […] On allait jusqu’à apprendre à nos ouvriers, des chansons à la gloire de telle ou telle personnalité étrangère, et de cette révolution bénie qui apportera le bonheur à l’humanité. » Il est vrai que le régime de Phnom Penh est alors presque qualifié de réactionnaire (voir 11 septembre) (Tong, 1972, pp. 112-113)
2 septembre 67 : Élections sénatoriales au S-V.
3 septembre 67 : Selon Johnson, après une campagne électorale où 70 % du corps électoral s’est inscrit sur les listes, le processus s’est bien déroulé malgré les intimidations du VC (Johnson, 1972, p. 322).
Le général Nguyen Van Thieu est élu président du Sud-Vietnam (avec seulement 34,8 % des 83,8 % d’électeurs inscrits). Ky occupe la vice-présidence (Colby, 1992, pp. 217-219 ; noter au passage les divergences quant au nombre d’inscrits entre les écrits de Johnson et Colby…).
Selon Tran Van Don, c’est en fait un comité militaire secret qui détiendra la réalité du pouvoir au S-V, sans nécessairement tenir compte de la constitution mise en place le 1er avril. Sous la pression américaine, l’élection a été ouverte et plusieurs candidats s’y sont présentés. Les Américains ont donc suivi le processus électoral de près et ont même tenté de favoriser un autre candidat (probablement Ky) plus favorable à un gouvernement de coalition que Thieu. Ce dernier n’est finalement élu qu’avec 35 % des voix, ce qui est suffisant pour former avec Ky un gouvernement appelé « seconde république ».
Toujours sous la pression américaine, un premier ministre civil est désigné, Nguyen Van Loc, en fait un simple homme-lige de Ky. Les relations entre Thieu et Ky seront tendues et Loc fera souvent, bon gré mal gré, les frais de ces désaccords. Tran Van Don est élu quant à lui au Sénat (Tran Van Don, 1985, pp. 253-254).
4 septembre 67 : Au Cambodge, Lon Lol poursuit sa politique droitière. Il se débarrasse de Chau Seng (ministre de l’Économie) accusé de fomenter un coup d’État et obligé de s’exiler en France (Ponchaud, 2005, p. 179 ; Kane, 2007, pp. 75-76).
6 septembre 67 : McN annonce la création d’une barrière protectrice au sud de la D.M.Z. (MacNamara line). Elle vise à protéger des infiltrations vers le S-V (voir août 1966 et 29 août 1966) (Burns Siger, 1992, pp. 53-54).
Selon Johnson, de retour du Vietnam, les 22 observateurs américains (voir fin juin) rendent compte au président de leur mission électorale. Ils n’ont pas vu d’irrégularités majeures (Johnson, 1972, p. 322).
7 septembre 67 : McN est attaqué par une campagne de presse et notamment dans un article du sénateur républicain de l’Arizona Barry Goldwater, ancien candidat à la présidence, sévèrement battu par LBJ aux dernières élections. Il dénonce les dissensions entre le secrétaire à la Défense (« l’homme à qui il n’est encore jamais arrivé d’avoir raison au Vietnam ») et « les militaires [qui] semblent libres d’exprimer à haute voix leur opposition à sa personne ». L’auteur en conclut qu’« on sait maintenant avec certitude que la Maison Blanche est en train de lui retirer une partie du soutien qu’elle lui apportait. » (cité in McNamara, 1996, pp. 284-285)
8 septembre 67 : Marcovitch informe Mai Van Bo (délégué général du gouvernement n-v à Paris) de la venue le lendemain de Kissinger pour une dizaine de jours dans la capitale française. Le consul n-v confie à Marcovitch que s’il n’y avait pas de bombardements sur Hanoi durant cette période « quelque chose pouvait se passer ». Kissinger en informe l’administration américaine (McNamara, 1996, p. 289).
11 septembre 67 : Les N-V rejettent finalement toute tentative de rapprochement du fait de l’intensité des bombardements sur Haïphong. Leur réponse est nette : « C’est seulement après l’arrêt inconditionnel par les États-Unis des bombardements et de tout autre acte de guerre contre la République démocratique du Vietnam qu’il serait possible d’engager des conversations. » (McNamara, 1996, p. 289 ; Aubrac, 2000, p. 347).
Au Cambodge, suppression de tous les journaux à l'exception de 4 quotidiens placés sous le contrôle du ministère de l'Information. La liberté d'expression disparaît totalement du pays. Les abonnés au journal français Le Monde sont même fichés par la police. L'Association des étudiants khmers, animée par Phouk Chhay, est dissoute. Sihanouk réagit fermement dans la presse à l’offensive idéologique maoïste : « C’est la première attaque officielle de la Chine contre notre régime national et notre gouvernement ; c’est un acte d’ingérence extraordinaire dans nos affaires intérieures. La Chine conteste au Cambodge son droit d’être maître chez lui ; elle tente de dissocier le régime du peuple, et s’unit à ses ennemis. » (cité in Tong, 1972, p. 113)
12 septembre 67 : Helms (directeur de la C.I.A.) fait parvenir à Johnson un mémorandum personnel (et donc, sans en informer l’administration) accompagné d’un rapport de 33 pages. Ce rapport envisage l’échec et un retrait américain, sans que cela nuise pour autant à la sécurité des U.S.A. ou de l’Occident (McNamara, 1996, pp. 282-284).
McN, Rusk et Johnson se retrouvent pour parler du télégramme de Kissinger (voir 8 septembre). Johnson se dit prêt à arrêter les bombardements si cela conduisait à des discussions rapides et fructueuses. Rusk émet des réserves sur la portée d’une telle mesure : « Sommes-nous prêts à nous engager dans une série d’entretiens qui ne seront peut-être pas fructueux ? ». On s’oriente vers une position de compromis. Rusk et LBJ décident alors d’envoyer un message à Kissinger à remettre à Mai Van Bo (délégué n-v à Paris) par l’intermédiaire de Marcovitch (McNamara, 1996, pp. 289-290).
13 septembre 67 : Les avions américains frappent à nouveau autour de Hanoi et Haïphong. Kissinger fait savoir au gouvernement américain que Marcovitch en a assez de servir d’intermédiaire puisqu’à chaque fois qu’il apporte un message, Hanoi est bombardé. L’émissaire français fait savoir que si cet état de fait persiste, il n’est plus disposé à assumer sa fonction d’intermédiaire officieux (McNamara, 1996, p. 290).
Kissinger remet à Marcovitch la réponse américaine au message n-v du 11 : « J’ai en ma possession la réponse du gouvernement des États-Unis au message du 11 septembre. J’ai aussi reçu des commentaires sur ce message. En raison de son importance, et parce que les commentaires sont relatifs à d’autres discussions avec Hanoi que nous avons promis de ne pas révéler, j’ai pour instruction de le remettre personnellement. Je suis prêt à rencontrer M. Mai Van Bo en tout lieu et à toute heure, à sa convenance. » (cité in Aubrac, 2000, pp. 347-348) Refus catégorique de Mai Van Bo qui sait qu’Haïphong a été bombardée mais estime cependant vouloir « garder ce canal ouvert. » (Aubrac, 2000, p. 358)
Début de siège de Con Thien (nommée « colline des Anges » par les Américains, au sud de la D.M.Z.) par les forces communistes qui ont infiltré la D.M.Z. 3 divisions n-v sont engagées. Il s’agit d’une base militaire ayant servi de camp pour les forces spéciales de l'armée américaine puis pour les Marines. D’importants combats y auront lieu jusqu’en février 1968 et les opérations de dégagement s’y avèreront difficiles. Ces combats sont largement couverts par la presse américaine qui montre les difficultés auxquels sont confrontées les troupes américaines au Vietnam dans le cadre d’une guerre de siège.
15 septembre 67 : Les Chinois entament la réparation de l’ex-pont Paul Doumer à Hanoi. Selon le témoignage de De Quirielle (délégué général du gouvernement français au N-V), « la Chine apporta, ou plus exactement imposa son concours. Des panneaux à la gloire de Mao Zedong et des portraits du Grand Timonier fleurirent sur les échafaudages et les superstructures de l’ouvrage. Les Vietnamiens n’apprécièrent que médiocrement cette propagande mais ne purent ou n’osèrent écarter cet allié envahissant. » La circulation de cet axe essentiel vers la Chine sera rétablie provisoirement le 5 octobre (voir 25 octobre) (De Quirielle, 1992, p. 132).
16 septembre 67 : En séjour à Paris, Kissinger demande à rencontrer Mai Van Bo. Le gouvernement n-v refuse. Les interventions d’Aubrac et Marcovtich en sa faveur restent vaines (Aubrac, 2000, pp. 346-347).
16 septembre – 20 octobre 67 : Poursuite des entretiens indirects entre Aubrac, Marcovitch et Mai Van Bo. Kissinger essaie à nouveau à plusieurs reprises de rencontrer le représentant du N-V à Paris. En vain. Aubrac et Marcovitch sont las (Aubrac, 2000, p. 350)
21 septembre 67 : En complément de son acte fondateur (voir 19 - 20 décembre 1960) et de sa « Déclaration du Front national de libération sur l’indépendance et la neutralité du Sud-Vietnam » du 15 août 62, le F.N.L. adopte et publie un programme politique actualisé basé autour de 3 axes persistants : mener la guerre de libération contre les Américains à son terme ; unir toutes les couches sociales du Vietnam contre l’agresseur étranger ; réaliser des réformes sociales qui permettront la réunification du pays. Le F.N.L. y déclare alors qu’il est « l’unique représentant authentique » de la population du Sud-Vietnam. Son mot d’ordre est plus que jamais : « Unir tout le peuple, lutter contre l’agression américaine pour le salut national. »
26 septembre 67 : Lors d’un traditionnel déjeuner du mardi, Nick Katzenberg (sous-secrétaire d’État) propose de garder un « canal ouvert » aux négociations (Pennsylvania) et préconise de stopper les bombardements.
Rostow (secrétaire d’État à la Sécurité nationale) déclare de son côté : « Je ne vois aucun lien entre les bombardements et les négociations. » Le débat contradictoire au sein de l’administration se poursuit entre ceux qui sont plus ou moins favorables aux négociations (Rusk, Katzenbach, Rostow, Taylor, McN, Kissinger) et ceux qui sont contre (Fortas, Clifford). Katzenbach fait parvenir un mémorandum préconisant de garder ouvert le canal Pennsylvania (voir mi-juillet), ne sachant si Rusk acquiesce ni même si les N-V sont vraiment prêts à négocier. Il évoque « une chance, marginale, que ce choix puisse avoir un certain impact sur la recherche de la paix » et pense qu’il faut quand même poursuivre dans cette voie (McNamara, 1996, p. 290).
28 septembre 67 : En plus du siège de Con Thien (voir 13 septembre) toujours en cours, les N-V ont porté en septembre des attaques dans les zones frontalières avec le Laos et le Cambodge. Selon Johnson, leurs troupes « subirent de lourdes peines, mais nos services de renseignement nous avertirent que des batailles plus difficiles s’annonçaient. »
LBJ est inquiet et éprouve des scrupules : « Westmoreland disposait-il de tous les hommes et de toutes les fournitures nécessaires pour faire face à une offensive massive ? » Il envoie un message à Washington demandant que des mesures soient prises pour améliorer la situation. Il réclame l’envoi accéléré de la 101e division initialement prévue pour février 1968 et le déploiement de la 11e brigade. Tous les conseillers du président y sont favorables (Johnson, 1972, p. 449).
29 septembre 67 : Les premières troupes de combat thaïlandaises arrivent au Sud-Vietnam pour renforcer la coalition menée par les Américains.
Discours de LBJ à San Antonio (Californie). Il déclare dans ce qu’il est convenu d’appeler depuis lors la « formule de San Antonio » : « Les États-Unis sont disposés à arrêter tous les bombardements aériens et navals au Nord-Vietnam si cela peut amener rapidement des pourparlers productifs, et assure que pendant les discussions, le Nord-Vietnam ne mette pas à profit l’arrêt ou la limitation des bombardements. » (cité in Nguyen Phu Duc, 1996, p. 156). Pour la première fois, les U.S.A. ne mettent pas la cessation des hostilités au Sud comme condition préalable à la reprise des négociations. Mais Hanoi reste sourd à cette offre qui ignore, une fois de plus, l’existence du Vietcong. La « formule » telle qu’elle est présentée ici laisse tout à fait indifférents les mouvements étudiants qui contestent la guerre.
30 septembre 67 : Au Cambodge, Sihanouk, lors d'un meeting dans la circonscription de Hu Nim déclare, en sa présence, qu'il a « une face de Vietnamien ou de Chinois » et qu'il s'est « exclu de la communauté nationale ».