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par Jean-François Jagielski

Septembre 1944

Septembre 44 : Le général Pechkoff est nommé délégué du Comité français de libération nationale en Chine à Chungking. Diplomate, il représente alors la tendance gaulliste car, à cette époque, une autre délégation giraudiste est également présente dans la capitale chinoise. Ses attributions seront fixées par une instruction le 12 novembre (Bodinier, 1987, p. 19).

En France, les Indochinois émigrés constituent une « délégation des Indochinois en France » constituée pour la plupart d’intellectuels (voir 15 – 17 décembre) (Isoart, 1982, p. 50).


4 septembre 44 : Le général Mordant, chef de la résistance en Indochine, devient officiellement délégué général pour la libération de l’Indochine. Toutefois, atteint par la limite d’âge depuis le 23 juillet, c’est le général Aymé qui mettra en œuvre ses préconisations. Le plan prévoit de porter l’effort principal sur la Tonkin dans un engagement militaire classique. Le recours à la guérilla n’est envisagé qu’en dernier recours. Or le général Blaizot, délégué militaire du Comité d’action pour l’Indochine, ne partage pas cette conception et le fera savoir (voir 22 novembre) (Turpin, 2005, p. 52)


5 septembre 44 : La libération de l’Indochine devient une priorité gouvernementale lors de la première séance du Comité d’action pour l’Indochine : « Le général Blaizot [délégué militaire du Comité d’action pour l’Indochine], approuvé par le commandant De Langlade, souligne avec beaucoup d’insistance la rapidité des événements et l’urgence extrême qui existe maintenant à prendre les décisions indispensables, sous peine de nous condamner à l’échec total et même au ridicule. Le général Testard explique qu’il est indispensable de convaincre certaines personnalités que la question d’Indochine  n’est plus maintenant à ranger dans la deuxième urgence, mais dans la première. Il propose que le général Blaizot se rende à Paris auprès de M. Pleven [commissaire aux Colonies] et du général De Gaulle. » (cité in Turpin, 2005, p. 49) Jusqu’alors, De Gaulle ne s’occupait qu’épisodiquement des affaires indochinoises.


10 septembre 44 : Le général De Gaulle devient président du Conseil (jusqu’au 21 novembre 1945, puis reconduit).

Gouvernement De Gaulle 1 : Armées : André Diethelm ; Affaires étrangères : Georges Bidault (M.R.P.) ; Colonies : René Pleven (U.D.S.R.) (Bodin, 2004, p. 124).

Une instruction gouvernementale élaborée depuis juillet et visant à la reconquête de l’Indochine par la France libre repose sur deux options : ou une agression japonaise ou une invasion avec un débarquement. Une action combinée venue de Chine n’étant plus envisagée dans cette dernière version (Franchini 1, 1988, p. 178).

Bien qu’opposé à De Gaulle quant à un rapprochement avec Decoux (voir 5 juillet), le général Mordant est nommé délégué général au Comité d’action de l’Indochine qui vient d’être créé et est présidé par le commissaire aux Colonies René Pleven. C’est lui qui prend le commandement de l’action clandestine en Indochine (Zeller, 2021, p. 55). Il produit à cet effet une note assez irréaliste et, comme tout ce qui vient de métropole à l’époque, ignorante des réalités en Indochine : « Jusqu’à nouvel ordre, seuls les Français pourront être admis dans les rangs de la résistance […] mais les délégués [politiques régionaux] s’efforceront sans retard de rechercher et de faire rechercher les Annamites qualifiés susceptibles d’apporter leur concours aux échelons élevés […] Un des buts lointains de la résistance est d’associer la population toute entière, spécialement celle des villages, à la guérilla contre les Japonais. » (citée in Isoart, 1982, p. 38)

Pour l’heure, Decoux est toujours en place et sera confirmé par Paris (voir 14 novembre). Mordant, en fin de carrière, n’a donc pas beaucoup de moyens pour agir. Selon Devillers, 1988, p. 45 et Salan 1, 1970, p. 222, sa nomination aurait eu lieu le 3 pour le premier et le 12 pour le second (?).


12 septembre 44 : René Pleven (ministre des Colonies) préside pour la première fois le Comité d’action pour la libération de l’Indochine (Devillers, 1954, p. 118).


12 - 16 septembre 44 : Conférence de Québec : Churchill et Roosevelt ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la répartition des tâches dans le Pacifique en vue de la défaite du Japon. Le sort de l’Indochine n’est donc pas clairement  fixé : les Anglais veulent que la France s’y réinstalle ; les Américains y sont opposés. Les choses ne seront éclaircies que lors de la conférence de Postdam (voir 17 juillet – 2 août 45) (De Folin, 1993, p. 62).


13 septembre 44 : La libération du territoire métropolitain étant en bonne voie, la question de l’Indochine redevient une priorité gouvernementale. Le C.L.I. et la brigade de Madagascar atteignent l’effectif de deux divisions. L’une sur le modèle américain (blanche) et l’autre sur le modèle anglais (coloniale) (voir 25 octobre)  (Turpin, 2005, p. 66).


14 septembre 44 : Les Japonais actent leur futur coup de force. Le ministère des Affaires étrangères souhaite qu’il ait lieu au plus vite avec proclamation de l’indépendance de toute la péninsule indochinoise. Mais les militaires s’y opposent en raison des combats qui ont lieu actuellement aux Philippines. En quittant l’Indochine, l’ambassadeur Yeshisawa annonce à De Boisanger (conseiller diplomatique de Decoux) que si la bataille est perdue aux Philippines, son pays pourrait réviser sa politique à l’égard de l’Indochine. Ce qui sera fait en décembre (Isoart, 1982, p. 42).


15 septembre 44 : Un nouveau rapport (voir 18 juillet) de la direction générale des Services spéciaux de Chine adressé à Jacques Soustelle, La Laurentie et Pignon montre à nouveau l’ignorance des Français quant à la liaison entre le P.C.I. et le VM  (Ruscio, 1985, p. 56).


18 septembre 44 : Le nouveau commandant en chef (Mordant) fait connaître son « Plan général d’opération » dit « Plan A » : combats sur place pour conserver les terrains d’aviation sinon décrochage « en disputant le terrain pied à pied ». Une place plus grande est consacrée aux actions de l’aviation alliée et au rôle du Service Action dans les destructions à réaliser. Un espoir de pouvoir se maintenir dans le delta du Tonkin grâce à une aide alliée y figure. La zone du Tonkin où se trouvent les deux tiers des 35 000 soldats français est privilégiée. Les autres formations (12 000 hommes en Cochinchine et au Cambodge ; 9 000 en Annam et au Laos) doivent harceler le Japonais pour éviter qu’ils remontent au Nord. Ces directives ne cadrent pas tout à fait avec les directives gaulliennes plus ambitieuses mais totalement irréalistes. Le tout est transmis au général Blaizot fin novembre puis à Paris (Isoart, 1982, p. 112 ; Cadeau, 2019, p. 85).


19 et 26 septembre 44 : Le vice-amiral Fenard (chef de la Mission navale française aux U.S.A.) adresse deux mémorandums à l’amiral King, commandant en chef de la marine américaine. Les Français demandent l’envoi en Extrême-Orient d’une flotte de navires français. Les Américains, opposés à un retour de la France en Indochine, laisseront traîner ces demandes jusqu’au 10 janvier 1945. Les C.C.S. acceptent l’offre française de participation à la lutte antijaponaise mais en posant leurs conditions : une intégration à une task force anglo-américaine. Les Français devant d’eux-mêmes assurer leur ravitaillement en munitions, matériels et matières premières. Sous couvert de ce demi-refus, les Français obtiennent donc quand même l’autorisation d’entrer, mais du bout des lèvres, dans le conflit d’Extrême-Orient (Turpin, 2005, pp. 67-68).


20 septembre 44 : Le général Blaizot est nommé commandant des forces françaises en Extrême-Orient (Bodinier, 1987, p. 19).


25 septembre 44 : Une seconde instruction de Mordant (nouveau délégué général du Comité d’action en Indochine) fait part de ses inquiétudes quant à l’avenir de l’Indochine française menacée par l’anticolonialisme américain et les ambitions chinoises. Il confirme une seconde fois (voir 10 septembre) ses illusions : « C’est dire que rien ne sera fait sans la collaboration indigène et plus spécialement sans l’aide annamite. » (Isoart, 1982, p. 38)


Fin septembre 44 : Le Gouvernement républicain provisoire du Vietnam rejoint le Tonkin. 18 cadres vietminh en font partie.

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