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par Jean-François Jagielski

Octobre 1975

Début octobre 75 : Les KR voient en Sihanouk plus un ambassadeur qu’un chef d’État. Il a été désigné pour se rendre à l’O.N.U. dont le Cambodge ne fait plus partie depuis 1970. Il y prononce un discours fustigeant l’impérialisme américain (Ponchaud, 2005, p. 189).


6 octobre 75 : Intervention de Sihanouk à la tribune de l’Assemblée générale de l’O.N.U. en tant que chef d’État et président du F.U.N.K. Il remercie les pays qui ont reconnu son gouvernement en exil et tout spécialement les citoyens américains qui lui ont apporté de l’aide. Il proclame la continuité de la politique neutraliste au Cambodge. Il reprend les déclarations officielles du nouveau régime annonçant qu’ « aujourd’hui nous pouvons affirmer qu’une démocratie réellement populaire et une société nouvelle sont nées au Kampuchéa ; une société sans exploitation de l’homme par l’homme, sans disparité de fortune et sans autres plaies sociales. » (cité in Sikoeun, 2013, p. 197).


9 octobre 75 : Sur le chemin du retour, Sihanouk fait escale à Paris où il est reçu par Valéry Giscard d’Estaing dans l’après-midi. Même si le président l’apprécie peu, Sihanouk est satisfait de sa visite. Mais est fustigé par une campagne de presse contre son ancienne désinvolture à l’égard des souffrances de son peuple. Il accorde une longue interview publiée dans le journal Le Monde du 11 octobre dans laquelle il rappelle le principe de neutralité et de non-alignement et espère un progressif réchauffement diplomatique entre le France et son pays. Il repart alors pour le Cambodge (Ponchaud, 2005, p. 189).

Le comité permanent du P.C.K. se réunit pour former un gouvernement. C’est une démonstration de force de pouvoir en place que l’on va dénommer « le Centre ». Pol Pot, secrétaire général, est chargé des questions militaires et économiques. Nuon Chea, secrétaire-adjoint, est chargé du « travail du parti, du bien-être social [sic], de la culture, de la propagande et de l’éducation ». Ieng Sary dirige « les relations extérieures du parti et de l’État ». Khieu Samphan est « responsable du Front et du gouvernement royal » ainsi que de « la comptabilité et de la fixation des prix commerciaux ». Koy Thuon a « le commerce extérieur », Son Sen « l’état-major et la sécurité » (direction des affaires de sécurité du parti et donc du Santebal), Vorn Vet « l’industrie, les chemins de fer et la pêche », Khieu Tirith « la culture, le bien-être social et les affaires étrangères » (en partage avec son mari, Ieng Sary). Non Suon se voit confier l’agriculture. So Phim, pourtant numéro quatre dans la hiérarchie du comité permanent, est écarté (Biernan, 1998, p. 121).


10 octobre 75 : Dans le cadre du retour des intellectuels étrangers au Cambodge, arrivée à Phnom Penh d’une enseignante française venue de Chine, Laurence Picq, mariée à un futur cadre cambodgien du ministère des Affaires étrangères (Suong Sikoeun, futur directeur du Bureau d’information). Elle sera la seule Occidentale à connaître de près une des branches de la direction du KD et laissera un témoignage de son vécu publié en France en 1984 (Picq, 1985, pp. 15-16 ; Sikoeun, 2013, pp. 200-205).


11 octobre 75 : Dans une interview accordée au journal Le Monde, Sihanouk déclare : « La Chine est notre meilleure amie, mais elle n’est pas notre patronne. » (Sikoeun, 2013, p. 291). Ayant rencontré récemment Valéry Giscard d’Estaing (voir 9 octobre),  tout en défendant le régime des KR, il entend améliorer les relations diplomatiques entre la France et le Cambodge et réaffirme la neutralité de son pays. Il déclare par ailleurs au sujet de ses relations avec le régime : « Mes relations avec les Khmers rouges sont sans ambiguïté. Je leur ai dit, à la veille de la victoire : " Nous allons bientôt en finir. Maintenant ma mère est morte. Je peux me retirer. " Ils m'ont répondu que j'étais le président du Front uni et le chef de l'État, que nous devons rester unis. J'ai alors dit que je ne pouvais pas ne pas demeurer dans la famille cambodgienne dans laquelle ils me gardaient. » (Le Monde du 11 octobre 1975)


12 octobre 75 : Une seconde délégation militaire chinoise soumet à Phnom Penh pour approbation une première ébauche d’un plan d’assistance militaire. Elle est dirigée par le général Wang Shang Rong, chef adjoint de l’état-major de l’A.P.L. De son côté, le KD demande 10 000 tonnes d’aide militaire pour février ou mars 1976. La Chine s’engage à fournir 4 000 tonnes d’armement, 1 300 véhicules et une centaine de pièce d’artillerie et des obus. La commande sera par la suite encore augmentée (voir 6 février 1976) (Biernan, 1998, p. 156 ; Sikoeun, 2013, pp. 290-291).


24 - 25 octobre 75 : François Ponchaud, réfugié en Thaïlande où il recueille des témoignages, décrit dans le journal La Croix les horreurs du régime du KD : évacuation forcée des villes, massacre des soldats et des fonctionnaires des régimes antérieurs, exécutions systématiques, séparation des enfants d’avec leurs parents, collectivisme intégral, travaux forcés, famine... Il est difficilement entendu, notamment par l’intelligentsia française de gauche qui nie, dans un premier temps, la portée de ses propos.


31 octobre 75 : Accord entre le KD et la Thaïlande. Un communiqué conjoint reconnaît les frontières existantes entre les deux pays. Pour autant, des incidents frontaliers éclateront dès décembre.

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