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par Jean-François Jagielski

Octobre 1955

3 octobre 55 : Au Cambodge, début de la période connue sous le nom de « régime du Sangkum Reastr Niyum », du nom du parti unique au pouvoir. Le premier gouvernement du Sangkum est un gouvernement Sihanouk qui demeurera en place jusqu’au 5 janvier 1956 (Jennar, 1995, p. 150).


4 octobre 55 : Diem met fin à la mission parisienne de 4 conseillers à l’Assemblée de l’Union française, ce qui signifie le retrait définitif du S-V de l’Union française (De Folin, 1993, p. 305).


6 octobre 55 : Appuyés par les Américains, Diem et Nhu organisent, contrairement à ce qui avait été prévu par les accords de Genève, un référendum pour demander aux habitants de la région située au sud de 17e parallèle s’ils veulent le maintien de la monarchie ou une république (Tran Van Don, 1985, p. 87). Bao Daï, absent, est quant à lui toujours en France… Les résultats, gonflés, donne la victoire à Diem avec un score de 98,2 %.


7 octobre 55 : Saigon réaffirme à nouveau au gouvernement britannique (co-président de la Conférence de Genève) par une note son refus de reconnaître les accords de Genève (Chaffard, 1969, p. 205).


13 octobre 55 : Nouveau signe de la dégradation des relations franco-sud-vietnamiennes, Diem rappelle au pays sa délégation parisienne pour les relations commerciales entre la France et le S-V (voir juin et 29 novembre) (Chaffard, 1969, p. 197).


14 octobre 55 : La France signe un premier contrat commercial avec la R.D.V.N. d’un montant de 2 milliards de francs. Elle fournira des produits manufacturés et des pièces de rechange. La R.D.V.N. livrera du charbon, de la soie brute et des produits forestiers (Fall, 1960, p. 141).


18 octobre 55 : Bao Daï destitue Diem par décret depuis Cannes. Mesure blanche car l’empereur – qui plus est en exil volontaire – a perdu depuis longtemps toute autorité au Vietnam (Rignac, 2018, p. 137).

Au Cambodge, dans un article publié dans Le Nationaliste, Sihanouk décrit exactement, avec vingt ans d'avance, ce que sera le régime des Khmers Rouges si les communistes accèdent au pouvoir.


23 octobre 55 : Résultats du référendum au S-V et proclamation de la République.

En vertu des accords de l'Élysée et de la législation ultérieure qui a vu naître l'État du Vietnam en 1949 autour de la personne de Bao Daï, la position de chef d'État n'est ni permanente ni indéfinie. La souveraineté est présumée reposer uniquement sur le peuple. Par conséquent, le recours à un référendum voulu par Diem est conforme à l’esprit de la loi.

Diem lui-même n'a pas été élu à son poste. En utilisant la voie référendaire, il voit là une occasion de repousser les opposants qui l’accusent d’être un antidémocrate et un autocrate. Cet événement électoral donne également à Diem l'occasion de rehausser son prestige en battant Bao Daï dans un (pseudo) face-à-face électoral. Ayant déclaré son mépris pour les élections de juillet 1956 sur la réunification, Diem voit ici la première étape de la création d'un État à long terme lui permettant de gouverner seul le Sud-Vietnam. Il y voit aussi un moyen pour affirmer que le Sud-Vietnam allait finalement réunifier la nation sous une administration démocratique et libérer ses compatriotes du Nord de l'oppression communiste. Diem présente donc ce référendum (complètement truqué…) comme un premier pas vers la démocratie.

Bao Daï est déposé par ce référendum. Les résultats déclarent 5,7 millions de voix en faveur de la République contre seulement 63 017 (1,1 %)  en faveur de l’empire, soit 98,2 % de suffrages en faveur de Diem. Ce score est une pure falsification électorale, en partie organisées par Nhu et avalisées par les U.S.A. malgré une mise en garde de Lansdale absent au moment de la consultation : « Pendant mon absence, je ne veux pas lire soudainement que vous avez gagné par 99,99%. Je saurais alors qu'il est truqué ».

Néanmoins, les responsables américains au Vietnam se satisfont des résultats, car ils y voient une opportunité de renforcer le Sud-Vietnam et d'éviter une défaite annoncée face aux communistes. Le scrutin est contesté par Bao Dạï, qui a jusqu’alors passé une grande partie de son temps en France d’où il prône une monarchie de l’absence là où Diem présente un programme républicain. Comme le remarque Truong Vinh Le, cette victoire aurait pourtant été assurée pour Diem, sans fraude, après sa victoire sur les sectes, le soutien américain et sa lutte anti-communiste (Truong Vinh Le, 1989, p. 30).

L’ex-empereur est remplacé par Diem qui proclame la République du Sud-Vietnam. Bao Daï s’exile presque définitivement en France et n’aura désormais plus aucun rôle politique au Vietnam (Rignac, 2018, pp. 137-138).

Cette victoire apporte à Diem un soutien sans faille des États-Unis : le département d’État (Richardson, secrétaire-adjoint pour les Affaires asiatiques) et bon nombres de membres influents du Congrès (les sénateurs Humphrey et Kennedy) considèrent sans sourciller que « Diem est le meilleur espoir pour nous au Sud-Vietnam » (cité in Nguyen Phu Duc, 1996, p. 60).


26 octobre 55 : La République du Sud-Vietnam est proclamée (Viet-Nam Cong-Hoa). 9 pays la reconnaissent immédiatement. L’ancienne armée nationale vietnamienne (A.V.N.) devient l’armée républicaine du Vietnam (A.R.V.N.) (Cournil, Journoud, 2011, p. 68). Limitant d’entrée les libertés, la nouvelle constitution issue du référendum précise en son article 97 : « Au cours de la première législature, le président de la République peut décréter la suspension provisoire de l’exercice des libertés de circulation et de résidence, des libertés d’opinion et de presse, des libertés de réunion et d’association, de la liberté syndicale et du droit de grève, afin de satisfaire les exigences légitimes de la sécurité collective, de l’ordre public et de la défense nationale. » (cité in Chaffard, 1969, p. 213) L’autocratie diémiste possède désormais des fondements légaux mais basés sur un pseudo-référendum populaire entaché de fraudes, ce dont personne n’est vraiment dupe.


27 octobre 55 : Diem obtient, après l’avoir demandé depuis juin, la suppression du ministère des États associés. Désormais, les rapports entre la France et le S-V se feront par le biais d’un ministère des Affaires étrangères s-v (De Folin, 1993, p. 294). Cette décision sera actée définitivement le 9 décembre.

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