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par Jean-François Jagielski

Octobre 1944

Octobre 44 : Fort développement du Service Action (S.A.) dirigé par le commandant De Langlade visant à détruire le moment venu les installations stratégiques japonaises et à organiser des zones de guérilla (largages au Laos, Tonkin et sud-Annam).


6 octobre 44 : René Massigli, commissaire aux Affaires étrangères du C.F.L.N., rencontre son homologue britannique Anthony Eden. Il lui demande à quel théâtre d’opérations appartient l’Indochine. Or la question n’est toujours pas réglée avec les Américains, même si les Britanniques espèrent l’emporter sur ce point (voir 8 novembre) (Turpin, 2005, p. 69).


10 octobre 44 : Au cours d’un entretien avec Tchang Kaï Check, l’ambassadeur français Pechkoff observe que son interlocuteur manifeste un désir de rapprochement avec la France, tant du point de vue politique qu’économique. Concernant l’Indochine, Tchang confie une nouvelle fois : « Je tiens à vous affirmer une fois de plus que nous n’avons aucune visée, ni sur l’Indochine, ni sur son territoire. Je n’ai jamais varié sur ce sujet. Si nous pouvons vous aider à restaurer l’autorité française dans la colonie, nous le ferons volontiers. Au cas où des troupes françaises qui sont stationnées en Indochine, cédant à la pression japonaise, devaient se replier en Chine, elles y seront fraternellement accueillies. » L’avenir montrera que les choses vont être moins idylliques que ne le prétend le généralissime chinois (Turpin, 2005, p. 73).


11 octobre 44 : Un télégramme de René Pleven (commissaire aux Affaires étrangères du gouvernement provisoire) adressé à De Langlade (à Chungking) préconise de « ne créer aucun privilège en faveur d’aucun parti. Nous sommes prêts à collaborer avec tous ceux qui tendent à une large autonomie de l’Indochine dans un système fédéral avec ses conséquences de droit et de fait comme hors de discussion. » (cité in Turpin, 2005, p. 81) Une façon d’ignorer l’importance croissante du VM dont les exigences (voir 29 avril) vont bien au-delà de ce que la France est prête à accorder.


13 octobre 44 : Note de Roosevelt à Cordell Hull (secrétaire d’État). Le président demeure fidèle à la ligne qui veut chasser les Français d’Indochine, y compris ceux qui sont du côté de la Résistance : « A mon avis, nous devrions nous abstenir de faire quoi que ce soit pour les groupes de résistance [français] en Indochine. » Aucune aide matérielle qui fait cruellement défaut aux troupes françaises n’est donc à attendre de la part des U.S.A.

Côté anglais, on est beaucoup moins hostile au retour français en Indochine mais on ne répond pas à plusieurs reprises aux demandes en matériel et transport nécessaires à l’envoi d’un corps expéditionnaire français.


15 octobre 44 : Le vice-amiral Fenard (chef de la Mission navale française aux U.S.A.) produit une note confidentielle à l’adresse de Georges Bidault (Affaires étrangères) suite à un entretien qu’il a eu avec Roosevelt : « La situation de la race blanche sera après la défaite du Japon encore plus critique que dans le passé. Les idées d’indépendance sont devenues encore plus familières que dans le passé à toutes ces populations qui jusqu’ici soumises à l’autorité des pays européens. Ceci s’applique aux Indes néerlandaises et à l’Indochine. Je crois que si nous ne voulons pas être bientôt chassés par ces populations, il faut que nous trouvions une formule générale pour résoudre le problème de nos rapports entre les blancs et les jaunes. Ceci pourrait prendre la forme d’une organisation générale dans laquelle chaque pays continuerait à s’occuper des pays dont il s’occupe actuellement. Mais une ligne générale d’action commune à toutes les nations  colonisatrices pourrait déjà être trouvée, en prévoyant que,  dans un certain nombre d’années, variables suivant les cas, ces pays pourraient reprendre leur indépendance. Cette mesure ne serait prise qu’après certains délais, délais qui pourront varier considérablement, et qui seront fonction de l’état d’évolution des populations des différents pays. » (cité in Turpin, 2005, p. 70)


16 octobre 44 : La Maison Blanche confrontée à une question de l’O.S.S. sur l’aide à porter aux Français produit une fin de non-recevoir : « Ne rien faire à l’égard des groupes de résistance et n’entreprendre aucune action intéressant l’Indochine. » (Isoart, 1982, p. 27 et pp. 196-197).


20 octobre 44 : Le général Brossin de Saint Didier, chef de la Mission militaire française aux U.S.A., remet au général Marshall un mémorandum daté de ce jour relatif à la participation de la France en Extrême-Orient. Lors d’un entretien avec l’amiral Leahy, chef d’état-major auprès de Roosevelt, Marshall l’assure de son appui. Mais dans les faits, il ne se passera rien avant le 4 janvier 1945 faute de moyens de transport disponibles et de la mauvaise volonté de Roosevelt opposé au retour des Français en Indochine (Bodinier, 1987, p. 30).

Le général Brossin rencontre l’amiral Leahy, chef d’état-major de Roosevelt et président du Combined Chiefs of Staff qui dit vouloir soutenir cette initiative. Ce dernier se déclare sensible à l’offre française mais la rejette en prétextant ne pouvoir disperser des moyens de transport alliés. Même les bateaux français ne peuvent participer à cette tâche, sauf à assurer leur propre entretien et armement. Ce que les Français ne peuvent assumer seuls. Ils n’ont donc plus qu’à se tourner vers les Britanniques du South Est Area Command dirigé par Mountbatten mais dont le théâtre d’opération contre le Japon ne comprend pas l’Indochine du Nord réservé aux sino-américains. Les Français espèrent pouvoir jouer des dissensions entre Anglais et Américains sur cette question (Bodinier, 1987, pp. 29-30 ; Turpin, 2005, p. 68).


23 octobre 44 : Les trois Grands – les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union soviétique – reconnaissent officiellement le G.P.R.F.

Les relations entre le G.P.R.F. et le gouvernement de Tchang Kaï Check sont officiellement rétablies. La méfiance française à l’égard de la Chine  et de son dirigeant ne tarit pas pour autant. L’occupation du Tonkin par les troupes chinoises suite au traité de Postdam montrera que cette méfiance est tout à fait justifiée (Turpin, 2005, p. 73).


25 octobre 44 : Déclaration de De Gaulle lors d’une conférence de presse. Il évoque les colonies : « La politique française consiste à mener chacun de ces peuples à un développement qui lui permette de s’administrer, et plus tard de se gouverner lui-même […] Actuellement, nous constituons des troupes pour aller en Extrême-Orient sur la base des troupes coloniales et par engagement volontaire. » (cité in Isoart, 1982, p. 47 et Turpin, 2005, p. 66) Pour autant, le problème de transport de ces troupes est loin d’être réglé entre la France et ses alliés. L’improvisation et le manque de coordination règnent côté français. La question du shipping dépend, de plus, du Combined Chiefs of Staff (C.C.S.) qui mettra, du fait des Américains, une réelle mauvaise volonté à son accomplissement. D’où des retards considérables pour acheminer des troupes françaises vers lIndochine (Turpin, 2005, p. 67).


28 octobre 44 : Le général Aymé (chef de la résistance en Indochine) confirme que la mission de Decoux est de maintenir « vis-à-vis de l’ennemi une façade qui permette de protéger et de garder tous nos moyens français en Indochine. » (cité in Isoart, 1982, p. 109) Mais en même temps, Aymé informe Decoux de la nomination de Mordant au poste de délégué général au Comité d’action de l’Indochine, un homme que l’amiral juge incapable d’assumer de telles fonctions et que, par ailleurs, il exècre. Il n’entend donc pas se laisser déposséder de ses prérogatives et le fait savoir. Aymé demande à Decoux de ne plus communiquer avec Paris que par l'intermédiaire de Mordant qui, de son côté, n’a jamais été favorable à un rapprochement avec l’amiral. Ce dernier, stupéfait, évoque une « confusion des pouvoirs qui lui enlève le poids nécessaire pour négocier avec l'étranger » et demandera le 3 novembre au G.P.R.F. s'il a toujours sa confiance. Dans le cas contraire, il remettrait ses pouvoirs au général Aymé dans les trois semaines à venir (Raymond, 2013, p. 25 ; De Folin, 1993, p. 47 ; Zeller, 2021, p. 55 ; Turpin, 2005, pp. 56-57). A ce stade, la direction de l’Indochine est bicéphale, confiée à deux hommes qui se détestent cordialement, ce qui ne fait qu’ajouter de la confusion à la confusion (voir 14 novembre).


31 octobre 44 : Une note du colonel Tutenges (branche « Chine » du Service de Renseignement en Extrême-Orient) estime que c’est une « erreur » comme l’ont considéré certains «  de se servir des révolutionnaires annamites se trouvant en Chine aux fins de la libération de l’Indochine ». Il estime, à juste titre d’ailleurs, qu’ils sont pour la plupart des agents au service des Chinois (Isoart, 1982, pp. 38-39).

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