1er novembre 72 : Nguyen Phu Duc (ministre des Affaires étrangères s-v) se rend en Indonésie. Il est reçu par Suharto mais semble ici moins entendu qu’au Cambodge ou au Laos, pays limitrophes du S-V et donc directement impliqués dans le conflit (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 339).
2 novembre 72 : Déclaration de Nixon à la télévision. Il temporise face à une certaine exaspération de l’opinion publique pour la mise en place d’un cessez le feu : « Nous n’allons pas permettre qu’une date limite d’élection ou toute autre date limite nous contraigne à accepter un accord qui ne serait qu’une trêve temporaire, et non une paix durable. Nous signerons l’accord quand cet accord sera bon, pas un jour plus tôt. Et quand il sera bon, nous le signerons sans un jour de retard. »
En parallèle, Nixon maintient la pression militaire et maintient la poursuite des raids de B-52 sur le N-V établis depuis le 13 octobre, avec une progression allant de la zone démilitarisée en remontant vers le Nord (Nixon, 1978, p. 519).
4 novembre 72 : Après une période de silence, Hanoi annonce accepter la reprise des négociations pour le 14 ou toute autre date convenant aux Américains (Kissinger 2, 1979, p. 1 464).
7 novembre 72 : Réélection de Richard Nixon pour son deuxième mandat. Il l’emporte dans 49 États sur 50 avec 62 % des voix contre 37,5 % pour son adversaire, le démocrate McGovern, qui symbolisait l’opposition à la guerre. Les démocrates renforcent cependant leur majorité au Congrès, tant au Sénat (Démocrates : 57 sièges ; Républicains : 43 sièges) qu’à la Chambre des Représentants (Démocrates : 244 sièges ; Républicains : 191 sièges) (Portes, 2008, p. 261). Le président réélu ne bénéficie donc à nouveau d’aucune majorité parlementaire pour mener sa politique d’un point de vue budgétaire.
Selon Kissinger, malgré cette nette victoire, l’ambiance est franchement morose. Nixon est devenu « un personnage trop renfermé, trop inaccessible ; rares étaient les conseillers qui l’avaient personnellement rencontrés. » La cérémonie qui suit la victoire électorale est brève, sans chaleur. Haldeman (chef de cabinet) est chargé de demander les démissions des collaborateurs et une liste des documents demeurant à ce jour en leur possession. Selon Kissinger, « les assistants restèrent abasourdis. » Même attitude une heure plus tard avec les membres du Cabinet. Visiblement des têtes vont tomber (Kissinger 2, 1979, p. 1 465).
Les Américains répondent à la proposition d’Hanoi du 4 et proposent la date du 15, se donnant ainsi un nouveau délai pour que Haig puisse à nouveau rencontrer et convaincre Thieu. Il est demandé à Hanoi de cesser de révéler publiquement les termes de l’accord antérieur, « ce qui, selon les Américains, ne peut que rendre plus difficile la conclusion d’un accord final. » (Kissinger 2, 1979, p. 1 464)
8 novembre 72 : Hanoi demande à repousser la reprise des négociations au 20. Le Duc Tho étant officiellement « malade » (Kissinger 2, 1979, p. 1 465).
Rassemblement à la Maison Blanche pour fêter la victoire de Nixon mais ce dernier, selon Kissinger, « loin d’exprimer l’enthousiasme paraissait lointain et sévère comme si la période la plus dure de sa vie venait de s’ouvrir devant lui. » (Kissinger 2, 1979, p. 1 466)
Thieu réunit l’assemblée nationale s-v pour faire entendre Hoang Duc Nha (conseiller présidentiel et ministre de l’Information) sur la portée des négociations secrètes entre Kissinger et Le Duc Tho.
L’ayant entendu lors de cette audition, le ministre des Affaires étrangères s-v, Tran Van Lam, pourtant en poste depuis deux ans (1er septembre 1969), semble (enfin…) comprendre les choses et déclare : « Je comprends bien maintenant les tenants et aboutissants de ces négociations secrètes entre Washington et Hanoi. Cela nous permettra de déterminer notre position vis-à-vis d’Hanoi et des États-Unis. » Les Américains, ayant retrouvé une « carotte » pour rassurer Thieu et lui donner les moyens de faire face à un cessez-le-feu sur place, font « déverser à Saigon, par flots massifs, matériels et munitions de guerre. » (Tran Van Don, 1985, p. 315). Ce fait n’est pas nouveau : de 1969 à 1972, l’armée s-v a déjà reçu un million d’armes légères, 46 000 véhicules, 1 100 avions et hélicoptères et 12 000 officiers ont été formés aux U.S.A. (Portes, 2008, p. 227).
Les troupes sud-coréennes cessent le combat et annoncent qu’elles quitteront le pays en décembre (Burns Sigel, 1992, p. 131).
9 novembre 72 : Les Américains acceptent la date du 20 pour la reprise des négociations (Kissinger 2, 1979, p. 1 465).
Kissinger étant à la fois décrédibilisé et excédé par l’actuel imbroglio s-v, Nixon envoie Haig (en qui Thieu a confiance) à Saigon avec une lettre écrite le 8 dans laquelle il déclare : « Nous ferons le maximum pour obtenir ces changements dans l’accord. Mais je ne veux vous laisser l’illusion que nous pouvons ou voulons aller au-delà de ces amendements pour améliorer un accord que nous considérons déjà comme excellent […] Vous avez l’assurance que si Hanoï ne respecte pas les termes de l’accord, il est de mon intention de prendre des mesures de représailles aussi sévères que rapides. » Haig est toutefois chargé de rappeler à Thieu un autre leitmotiv, à savoir que le Sénat américain est devenu encore plus « colombe » et que, dès janvier 1973, s’il s’obstine, l’assemblée couperait les fonds qui permettent au S-V de survivre. Dans ce courrier, Nixon propose à Thieu des aménagements à obtenir dans les futurs accords : retrait de certaines divisions n-v stationnées au S-V, projet d’une clause disant que les troupes seraient démobilisées des deux côtés en nombre égal, projet d’une clause visant au respect de la zone démilitarisée absente du projet actuel, changement de statut du Conseil de réconciliation et de concorde nationale qu’Hanoi considère actuellement comme « une structure gouvernementale » et qui deviendrait simplement une « structure administrative » (Nixon, 1978, p. 524 ; Kissinger 2, 1979, pp. 1 470-1 471 ; Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 342-343).
10 novembre 72 : Xuan Thuy (négociateur n-v à Paris) donne une interview à l’agence France-Presse dans laquelle il fait une concession en déclarant que le Conseil de réconciliation et de concorde « ne sera pas encore un gouvernement ». Il révèle les termes du projet d’accord : le G.R.P. et le gouvernement s-v se maintiendront tous deux jusqu’aux élections. Pour autant, Thieu n’est pas apaisé (Kissinger 2, 1979, p. 1 470).
Haig rencontre Thieu. Il lui commente le contenu de la lettre de Nixon. Thieu, à son habitude, pose les questions et réserve sa réponse pour le lendemain (Kissinger 2, 1979, p. 1471). En transmettant ce courrier, Haig ajoute : « Si vous suivez une voie différente, nous pourrons faire face aux difficultés mais les conséquences vous seront fatales. » Il ajoute : « Si vous ne voulez pas prendre des risques pour la paix, l’aide américaine serait coupée par le Congrès, c’est une question de semaines. » (cité in Nguyen Phu Duc, 1996, p. 343)
11 novembre 72 : Thieu reçoit Haig et Bunker, selon un scénario désormais rôdé, en présence de son C.N.S. au grand complet. Il rejette la proposition américaine de prioriser les points qu’il désire voir modifiés. Il fait dans la surenchère et demande le retrait unilatéral des forces n-v, un point qui ne fait pas partie du projet d’accord et prévoit un retrait conjoint. Il demeure insensible au contenu d’un message envoyé par Kissinger à Haig évoquant la réduction des crédits voulue par le Sénat américain. Il remet à Haig une réponse écrite à la lettre de Nixon avec une nouvelle fin de non-recevoir aux propositions américaines. C’est un énième dialogue de sourds entre alliés...
Haig part pour Phnom Penh rencontrer Lon Lol – parent pauvre dans l’affaire – qui accepte de proclamer un cessez-le-feu dès signature de l’accord, mais fait également savoir que les KR ont refusé toute idée de trêve (Kissinger 2, 1979, p. 1 471).
Selon Tran Van Don, l’idée d’une seule « paix séparée » entre Américains et Hanoi aurait pu être évoquée ce jour-là lors du C.N.S. Kissinger n’en dit mot dans ses mémoires et rien ne dit clairement dans ses écrits que Don était présent à cette réunion du C.N.S. (Tran Van Don, 1985, pp. 315-316). L’évocation d’un développement de cette idée dans une interview de Kissinger en date du 14 ne donne guère de crédibilité au fait que cette expression ait été prononcée par Haig ou Bunker en ces termes à ce moment précis. Quant à Kissinger, il ne dit rien de cette interview dans ses mémoires.
12 novembre 72 : Haig adresse à Nixon une lettre dans laquelle il l’informe : « Nous sommes sur le fil du rasoir. Thieu a établi son prestige sur son gouvernement tout entier, et je crois que si nous prenons une attitude excessive, nous pourrions le contraindre à un suicide politique. Je ne suis pas sûr que cela servirait au mieux nos intérêts, et c’est pourquoi, je recommande une attitude plus prudente, celle d’essayer de régler le problème avec Thieu à fond. » (cité in Nixon, 1978, pp. 524-525)
13 novembre 72 : Kissinger rencontre à New-York le vice-ministre des Affaires étrangères chinois, représentant son pays à l’O.N.U., Ch’iao Kuan Hua. Il le met au courant de ses intentions lors de la prochaine entrevue avec Le Duc Tho. Les Chinois entendent toujours relativiser la question du S-V au regard des enjeux de la diplomatie mondiale. On évoque le cessez-le-feu au Cambodge, non prévu par le projet d’accord, car Le Duc Tho a toujours dit que le N-V n’avait aucune influence ni sur Sihanouk en exil en Chine ni sur ses KR. On évoque également la question de la neutralité cambodgienne voulue (plus ou moins…) par Sihanouk. Les Chinois ne veulent pas que le Cambodge devienne « une annexe de Hanoi ». Il y a donc accord des deux parties sur ce point (Kissinger 2, 1979, pp. 1 472-1 473).
14 novembre 72 : Nixon envoie une seconde lettre à Thieu. Il l’informe à nouveau que les Américains et les S-V n’obtiendraient certainement pas tous les changements que Thieu demandaient sur le retrait unilatéral des troupes n-v mais il l’assure de son soutien inconditionnel : « Vous avez mon assurance absolue que si Hanoi ne se conforme pas aux termes de cet accord je réagirai fermement, et sans délai, par de sévères représailles. » (Kissinger 2, 1979, p. 1 465 ; Nixon, 1985, p. 167).
Selon Tran Van Don, continuant à mettre la pression sur Thieu, Kissinger évoque dans une interview accordée à un journal de Saigon l’idée d’une paix séparée entre Hanoi et Washington (Tran Van Don, 1985, p. 316). Kissinger n’en dit mot dans ses mémoires mais confirme plus loin l’existence de cette allocution mais sans vraiment en révéler le contenu précis (Kissinger 2, 1979, p. 1 478).
15 novembre 72 : Nixon adresse une réponse à la lettre de Thieu du 11 remise par Haig. Des efforts sont promis pour le respect de la D.M.Z. (question absente du premier projet), on envisage une démobilisation des deux côtés sur une base absolument égale. Le président américain indique cependant qu’« il serait réaliste d’assumer que nous ne pourrons obtenir complète satisfaction sur la question du retrait des troupes nord-vietnamiennes que vous souhaitez. » Se voulant rassurant, il termine par un « Vous avez mon assurance absolue que si Hanoi ne respecte pas les termes de cet accord, je prendrai rapidement des représailles sévères. » C’est cette lettre que publieront les responsables s-v en avril 1975, au moment le plus critique où les Américains seront en train de lâcher complètement le S-V (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 344-345 ; Kissinger 2, 1979, pp. 1 471-1 472).
17 novembre 72 : Après un assez longue période de semi-silence entre les deux hommes, Nixon voit Kissinger brièvement avant son départ pour Paris. Celui-ci devra se contenter le lendemain d’une simple conversation téléphonique avec le président. Nouvelle preuve des dissensions qui subsistent entre les deux hommes depuis un bon bout de temps (Kissinger 2, 1979, p. 1 467).
Kissinger adresse une lettre à Bunker avec une nouvelle liste de points à négocier pour aller dans le sens de Thieu. Pas de réponse immédiate du président s-v qui attend 24 heures pour y répondre (Kissinger 2, 1979, p. 1 472).
18 novembre 72 : Thieu adresse une nouvelle lettre à Nixon. Il demande au président américain de le recevoir à Washington, lui ou son ministre des Affaires étrangères, Tran Van Lam, voire son conseiller direct, Nguyen Phu Duc. Ce sera finalement ce dernier qui sera retenu.
Le président s-v adresse en même temps aux Américains, par l’intermédiaire du « peu sympathique » Hoang Duc Nha, un nouveau mémorandum où, visiblement, les assurances de Nixon dans sa lettre du 15 ne sont pas prises en compte. La venue de Haig et Bunker à Saigon pour rassurer Thieu n’a visiblement pas eu le moindre effet.
Thieu propose 69 modifications « portant, selon Kissinger, sur la quasi-totalité des clauses du projet d’accord ». Nixon lui fera parvenir une réponse « glaciale » avec une fin de non-recevoir, sachant que Thieu entend jouer la montre et pousser les Américains dans leurs retranchements vis-à-vis des N-V (Kissinger 2, 1979, p. 1 472).
19 novembre 72 : Départ de Kissinger pour Paris.
20 novembre 72 : Les N-V participent à une nouvelle réunion à Gif-sur-Yvette en vue d’un règlement définitif, observé cette fois de près par la presse internationale. Au préalable, Le Duc Tho reproche aux Américains d’avoir renié leurs engagements d’octobre, ce à quoi Kissinger lui rappelle que les Américains avaient toujours dit qu’ils en réfèreraient au préalable à leurs alliés s-v.
Certains représentants s-v, dont Pham Dam Lam (ministre des Affaires étrangères), sont d’ailleurs présents à Paris et Kissinger doit, une fois n’est pas coutume, les informer en direct de ce qui se dit dans les entrevues secrètes. Il renouvelle la décision américaine de parvenir à un accord mais rappelle que la question de la présence de troupes n-v au S-V est une violation du projet d’accord. Le ton de cette réunion demeure cependant ouvert mais il y a blocage côté n-v et tergiversations sur des points de détail. On décide donc de se revoir le 21 après-midi, après que les N-V aient pu étudier les propositions américaines (Nixon, 1978, p. 525 ; Kissinger 2, 1979, pp. 1475-1477).
21 novembre 72 : Le Duc Tho estime que les modifications demandées par Thieu sont fondamentales et beaucoup trop nombreuses. De son côté, il en exige d’autres, notamment sur la libération des prisonniers américains contre ceux du V.C. Il ajoute à sa demande le départ des civils travaillant pour les armées américaines et s-v. On en revient, une fois encore, sur la formule « structure administrative » pour désigner le Comité de réconciliation… Nouvelle impasse (Kissinger 2, 1979, p. 1472).
A l’évidence, les N-V durcissent le ton et reviennent sur certains points, en reprenant leur position d’avant le 8 octobre. Visiblement, libérés de l’échéance de l’élection américaine, ils cherchent à faire traîner les choses et surtout à exploiter au mieux le différend américano-sud-vietnamien (Nixon, 1978, pp. 526-527).
22 novembre 72 : Kissinger décide de mettre de côté « les chicaneries insignifiantes de Saigon » et d’en revenir aux choses « essentielles » : la lettre de Nixon du 8 novembre, la traduction de la formule « structure administrative », son « message du 14 novembre à Saigon » (qu’il évoque peu), les infiltrations au S-V, le respect de la D.M.Z., les cessez-le-feu au S-V et au Laos.
Mais Le Duc Tho se contente de lui répondre sur des points de détail : le remplacement de l’armement, la libération conjointe des prisonniers américains et vietcong.
Entre temps, Kissinger a reçu des instructions fermes d’un Nixon excédé : « […] je vous ordonne d’interrompre les pourparlers et il nous faudra alors reprendre les actions militaires jusqu’à ce que nos interlocuteurs soient disposés à négocier [...] » Pour autant, connaissant le côté impulsif du président et malgré l’existence de divergences profondes avec lui, le secrétaire à la Sécurité nationale décide de son plein chef de poursuivre les négociations en cours (Kissinger 2, 1979, pp. 1478-1479).
Un premier B-52 est abattu par un missile SAM-7 près de Vinh (Burns Sigel, 1992, p. 131).
Le conseiller de Thieu, Nguyen Phu Duc, part pour Washington en vue de rencontrer Nixon mais fait au préalable escale à Paris pour y rencontrer les membres de la délégation s-v de la conférence. Désormais mis au courant des négociations en direct, ils lui font part de l’échec des dernières entrevues (Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 346-347).
23 novembre 72 : Nouvelle séance de 6 heures de négociations secrètes. Les points d’achoppement demeurent intacts. On revient sur des points déjà discutés la veille mais on ne transige pas. Aucune avancée notable donc. Kissinger en rend compte à Nixon : il estime qu’au vue des progrès militaires actuels réalisés par les N-V, le projet d’accord actuel serait « pire » que celui de 8 octobre. Il envisage deux options : rompre les pourparlers avec reprise massive des bombardements ou s’en tenir aux maigres progrès obtenus au forceps sur les questions de la D.M.Z. et la possibilité de fournir des armes aux S-V. Il sait aussi que les N-V entendent jouer la montre depuis la tenue des élections américaines.
Quant à Nixon, il ne cesse de tergiverser évoquant toute à la fois d’être ferme avec le N-V tout en tentant d’améliorer l’accord du 8 octobre qui est, à ses yeux, et le meilleur et un incontournable (Nixon, 1978, p. 526). Mais il doit aussi être ferme avec les S-V pour les faire plier. Il préconise de reprendre les bombardements au nord du 20e parallèle en cas de rupture des négociations. Comme le reconnait lucidement Kissinger : « Le résultat concret de toutes ces instructions était qu’on me laissait le soin de décider. » (Kissinger 2, 1979, pp. 1 480-1 481)
Arrivée à Paris du ministre du conseiller de Thieu, Nguyen Phu Duc, qui vient renforcer la cohorte de représentants présents défendant les 69 modifications voulues par Thieu et Hoang Duc Nha le 18 novembre (Kissinger 2, 1979, p. 1 481).
24 novembre 72 : Nixon adresse un câble à Kissinger lui disant que si les N-V demeurent aussi intransigeants, il peut suspendre les conversations durant une semaine pour permettre aux parties de consulter leurs gouvernements respectifs. Il écrit à nouveau : « Notre but est de terminer la guerre dans l’honneur. »
On se revoit en petit comité à Choisy-le-Roi, Kissinger et Le Duc Tho accompagnés chacun d’un seul conseiller, Haig côté américain et Xuan Thuy côté n-v. Kissinger met au courant ses interlocuteurs des télégrammes les plus durs de Nixon. Il rejette les récentes demandes d’Hanoi (voir 21 novembre). Les N-V deviennent alors plus conciliants, tout en continuant à jouer la montre et sans revenir sur la question de la présence des troupes n-v au S-V, si chère à Thieu. Les N-V s’obstinent en fait à ne rien négocier, au grand dam de Nixon, décidé quant à lui à traiter une fois pour toutes. Une suspension d’une semaine est toutefois convenue (Nixon, 1978, p. 527 ; Kissinger 2, 1979, p. 1 481).
Kissinger voit de 18 h 30 à 19 h 30 Nguyen Phu Duc à l’ambassade américaine de Paris. Kissinger l’informe d’un récent message de Nixon : si les S-V refusent de signer l’accord, les Américains feraient « un arrangement séparé » avec Hanoi et l’aide militaire et économique américaine se terminera le 1er février 1973 par décision du Congrès. Le conseiller de Thieu transmet à Saigon, estimant que l’arrangement séparé entre Américains et N-V excluant le S-V est un moindre mal par rapport à l’acceptation d’un accord de capitulation (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 347).
Selon Tra Van Don, Nguyen Phu Duc n’a pour l’instant aucune instruction claire de Thieu qui ne les fera connaître que lorsqu’il sera mis au courant de la date de sa future rencontre avec Nixon prévue pour le 28. En fait, pour l’instant, c’est le ministre de l’Information de Thieu, Hoang Duc Nha, qui est chargé de transmettre les directives s-v à venir (voir 26 novembre) (Tran Van Don, 1985, p. 318).
25 novembre 72 : Brève entrevue Kissinger-Le Duc Tho. On décide de se revoir le 4 décembre car Nixon, isolé à Camp David, a encore changé d’avis depuis le 24 au soir en demandant finalement à Kissinger de poursuivre les négociations… Le président entend conforter sa stratégie à l’égard des S-V, celle du bâton et de la carotte (Kissinger 2, 1979, p. 1 481).
Kissinger repart pour Washington où il n’est plus vraiment en odeur de sainteté avec un Nixon qui, selon les mots de Kissinger, met « un peu d’espace entre lui et un désastre possible » (Kissinger 2, 1979, pp. 1 481-1 482).
26 novembre 72 : Hoang Duc Nha, conseiller de Thieu, ministre de l’Information et seul homme fort du gouvernement s-v, qui a, de plus, le blanc-seing de Thieu, part à son tour pour Paris. Après y avoir récupéré les dernières informations, il rédige une lettre de 14 pages qui sera remise à Nguyen Phu Duc en partance pour Washington le 28 afin d’y rencontrer Nixon. Elle comprend les exigences de Thieu : pas de gouvernement de coalition, retrait unilatéral des troupes n-v au Sud, respect de la D.M.Z., règlement des problèmes politiques à la seule initiative des deux Vietnam, sans aucune ingérence étrangère. Thieu y réitère le désir, qui lui a été refusé jusque-là, de rencontrer Nixon seul à seul avant la conclusion d’une éventuelle signature de convention de cessez-le-feu (Tran Van Don, 1985, p. 318 ; Kissinger 2, 1979, p. 1 484).
27 novembre 72 : La défaite aux élections législatives (voir 7 novembre) plombe la politique budgétaire de Nixon et Kissinger au niveau des crédits militaires. Laird (Défense), qui a récemment rencontré des membres du Sénat et de la chambre des Représentants, confie à Kissinger que « pour le moment il était impossible de continuer dans cette voie » (Kissinger 2, 1979, p. 1 475).
Les Américains font savoir à Hanoi qu’ils feront « un effort maximum le 4 décembre » et que, pour montrer leur bonne volonté, ils réduisent actuellement leurs opérations aériennes sur le N-V. Imitant LBJ qu’il a pourtant tant décrié pour ce genre d’action, Nixon fait à son tour réduire de 25 % l’activité aérienne. Nouveau point de désaccord avec le président, Kissinger considère que, par expérience, c’est une erreur (Kissinger 2, 1979, p. 1 485).
28 novembre 72 : Départ de Nguyen Phu Duc (conseiller de Thieu) de Paris pour Washington. Il refuse l’avion de Kissinger et prend un vol commercial afin de ne pas paraître être le membre d’une « Task force » américaine. Il est accueilli par William Sullivan (membre du département d’État, négociateur à la conférence de Paris) et se refuse à toute déclaration avant d’avoir vu Nixon (Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 349-350).
29 novembre 72 : Nixon reçoit durant deux heures et demie Nguyen Phu Duc (conseiller de Thieu) à la Maison Blanche. Le président désire être ferme. Il a exigé la présence à cet entretien de Haig (soutien modéré de Thieu) et Kissinger (qui, lui, ne le soutient pas…) au cours des trois rencontres à venir, dont la dernière en seule présence du secrétaire d’État à la Sécurité nationale (voir 30 novembre et 1er décembre).
D’entrée, le président et le conseiller de Thieu ne sont pas sur la même longueur d’onde. Duc est porteur d’une « lettre très longue et éloquente de Thieu » que lui a confié Hoang Duc Nha, l’homme fort du régime de Saigon. Nixon la lit et la commente au fur et à mesure, s’arrêtant sur les points importants. Il tique sur le paragraphe consacré au Conseil de réconciliation et de concorde nationale que Thieu qualifie de gouvernement de coalition déguisé.
Pour Nixon, ses futures décisions seront soumises au droit de veto s-v prévu par l’accord, car, vœu pieu, il doit y avoir unanimité des deux parties pour décider au sein de cette structure… Nixon argumente du fait que « le pouvoir que nous avions de faire respecter l’accord était plus important que toute modification dans les clauses, mais qu’il était prêt à rechercher de nouvelles améliorations. » Il rejette donc en grande partie les 69 points des S-V. Il réitère au conseiller de Thieu les menaces de lâchage du Congrès.
Concernant l’attitude de Duc face à Nixon ce jour-là, les avis divergent.
Selon Tran Van Don (conseiller de Thieu), Duc, toujours aussi faible, se contente d’entendre ce que lui dit Nixon, sans défendre les exigences de Thieu. Ce que confirme Kissinger dans ses mémoires : « Duc n’avait pas autorité pour décider […] » Ce que semble nier Duc dans ses écrits. Il voit un Nixon « pensif » face à son argumentation, demandant même à Kissinger de passer de la formulation de « structure gouvernementale » à celle de « structure administrative » sur la question du Conseil de réconciliation. Duc évoque aussi la proposition d’« accords séparés », militaires, entre les U.S.A. et le N-V, politiques, entre le S-V et le N-V. Une proposition que Nixon aurait rejetée car l’estimant trop tardive. Duc aurait même abordé avec le président la question de reprise des bombardements.
A l’issue de cette première entrevue, Ron Ziegler, l’attaché de presse de Nixon a une autre vision de l’entretien. Il parle lui d’un entretien « franc et détaillé ». Et, à une question sur la cordialité des discussions, le même répond : « Je ne dirais pas qu’elles manquaient de cordialité. » (Tran Van Don, 1985, p. 319 ; Nixon, 1978, p. 528 ; Kissinger 2, 1979, pp. 1 484-1 485 ; Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 350-354). A l’issue de ce premier entretien avec les Américains, Duc ne fait aucune déclaration publique.
30 novembre 72 : Les négociations secrètes sont toujours dans l’impasse. Réunion entre Nixon, Laird, Haig, Kissinger et les chefs d’état-major pour envisager les options militaires en cas de rupture des négociations. On évoque le reprise des bombardements massifs par B-52 sur Hanoï et l’éventualité d’un nouvel engagement terrestre (Nixon, 1978, p. 528). Laird, reprenant ses propos du 27, prédit que les budgets militaires vont être coupés dans les deux semaines après la rentrée du Congrès. Il faut donc parvenir à négocier avec les N-V avant la reprise de la vie parlementaire américaine qui doit avoir lieu le 3 janvier 1973 (Kissinger 2, 1979, p. 1 475).
Nguyen Phu Duc revoit Kissinger qui lui confirme des demandes d’aménagement dans ses discussions avec Le Duc Tho mais sans promettre d’aborder la question du retrait des troupes n-v au Sud. Les Chinois pourraient intervenir favorablement. Duc revient sur la question des accords séparés (voir 29 novembre). Kissinger lui redit que les N-V ne veulent pas entendre parler d’une séparation entre accords militaires et politiques. Pourtant Nixon fait revenir le conseiller de Thieu dans son bureau et lui repose cette même question des accords séparés que Duc présente comme une solution pour sortir de l’impasse. Nixon lui répond fermement qu’au Sénat comme à la Chambre des Représentants, « faucons » et « colombes » approuvent le projet d’accord. Nixon l’assure vouloir rencontrer Thieu pour lui donner des assurances personnelles de soutien. Mais Nixon sait aussi se faire menaçant au cours de ce deuxième entretien : si Thieu ne va pas dans le sens voulu et ne signe pas l’accord américano-s-v avant le 22 décembre, les Américains ne bougeront pas en cas d’attaque n-v (Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 356-358).
Des tensions existent entre Kissinger et Haig, désormais favori du président. Nixon doute des capacités de Kissinger à tenir le cap. Haig lui confie : « C’est pire que cela, dans les trois dernières semaines il [Kissinger] a totalement perdu pied avec la réalité. Il a commencé en octobre et n’a jamais voulu suivre les conseils que je le lui ai donnés. » (cité in Portes, 2016, pp. 45-46)
Décembre 72 : Annonce de la fin de la conscription obligatoire aux U.S.A. (voir 31 juin 1973).