Novembre 68 : Mise en œuvre progressive de l’opération Phoenix (voir juillet) (Burns Siger, 1992, p. 82).
1er novembre 68 : Bunker, Berger (ambassadeur adjoint) et Hertz (conseiller à l’ambassade) reviennent au palais présidentiel à 8 h 00. Bunker informe Thieu que LBJ, après avoir consulté les trois candidats à l’élection (Humphrey, Wallace et Nixon), ne valide pas le refus des S-V. On se quitte sans compromis (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 214-215).
A Washington, sans avoir obtenu un accord avec les S-V, LBJ annonce publiquement la cessation des bombardements sur le N-V et la mise en place des négociations à Paris sous forme de réunions hebdomadaires entre les U.S.A. et le N-V (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 209-212). Reprenant les termes négociés terme à terme avec Thieu (voir 28 octobre et nuit du 31 au 1er novembre), le président estime « qu’il a de bonnes raisons pour penser que cette action amènera la désescalade de la guerre et des pourparlers directs et sérieux pour une paix honorable et garantie. » (cité in Nguyen Phu Duc, 1996, p. 239). C’est donc la fin annoncée de Rolling Thunder qui a cumulé 304 000 sorties tactiques et 2 382 actions des B-52 ayant déversé pas moins de 643 000 tonnes de bombes sur le Vietnam. Malgré cette annonce, les actions de bombardement seront triplées sur la piste HCM au Laos (Burns Siger, 1992, p. 82).
Jusque tard dans la nuit, Thieu fait préparer par son conseiller Nguyen Phu Duc, tout en participant à sa rédaction, un projet de discours devant l’assemblée nationale expliquant les causes de l’échec des pourparlers avec les Américains (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 216).
2 novembre 68 : Thieu fait savoir par un discours à l’assemblée nationale radiodiffusé qu’il ne participera pas aux négociations proposées par Johnson (Nixon, 1978, p. 242). Ce discours est reçu triomphalement et interrompu 18 fois par les ovations des parlementaires. Des manifestations de soutien se propagent dans Saigon. Sont présents des élus et de simples citoyens (Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 216-217).
Xuan Thuy, chef de la délégation n-v à Paris, fait savoir dans une interview que la cessation des bombardements obtenue est « inconditionnelle ». Malgré cette victoire, 33 attaques par roquettes et mortiers se poursuivent sur les villes s-v. Pour lui, la présence de deux délégations distinctes (dont celle du F.N.L.) s’impose à Paris (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 218).
3 novembre 68 : Le F.N.L. fait connaître son programme en 5 points. Il va au-delà des principales exigences des N-V exprimées à Paris :
1) Le Sud-Vietnam est résolu à lutter pour la réalisation de ses droits sacrés : indépendance, démocratie, paix, neutralité, prospérité s’acheminant vers la réunification pacifique de la patrie.
2) Les « impérialistes américains » doivent mettre fin à la guerre d’agression au Sud-Vietnam, y retirer toutes les troupes américaines et satellites et leur matériel de guerre, liquider toutes les bases militaires américaines.
3) Les affaires intérieures du Sud-Vietnam doivent être réglées par la population sud-vietnamienne elle-même selon le programme politique du F.N.L., sans ingérence étrangère. Il faut former un gouvernement de large coalition nationale et démocratique et organiser des élections générales libres au Sud-Vietnam.
4) La réunification du Vietnam sera réalisée graduellement par le peuple vietnamien des deux zones et par les moyens pacifiques sur la base des discussions et d’un accord mutuel entre les deux zones, sans ingérence étrangère.
5) Le Sud-Vietnam pratiquera une politique extérieure de paix et de neutralité : non-participation à toute alliance militaire avec les pays étrangers sous quelque forme que ce soit ; établissement des relations d’amitié avec tous les pays sur la base de cinq principes de coexistence pacifique ; établissement des relations de bon voisinage avec le royaume du Cambodge sur la base du respect de l’indépendance, de la souveraineté, de la neutralité et de l’intégrité territoriale du Cambodge dans ses frontières actuelles, et avec le Laos sur la base du respect des accords de Genève de 1962.
5 novembre 68 : Richard Nixon est élu à la présidence des États-Unis avec une faible majorité de l’ordre des 500 000 voix (avec 43,3 % des suffrages contre 42,6 % pour Humphrey). Il est donc obligé de faire alliance avec George Wallace qui a reçu 13 % des voies. Nixon obtient ainsi une majorité de 56,8 % (Nixon, 1978, p. 254). Le nouveau président entrera en fonction le 20 janvier 1969. Il promet un retrait progressif des troupes et la mise en route du processus de « vietnamisation » de la guerre. Mais, anti-communiste de longue date, il n’est pas pour autant partisan d’une « paix à tout prix ».
11 novembre 68 : Le couple Johnson accueille le couple Nixon à la Maison Blanche pour un déjeuner visant à leur faire découvrir les appartements privés. Une rencontre d’information est organisée avec les principaux collaborateurs de l’administration en place. Puis le président et son successeur ont un entretien en tête à tête. On évoque la situation au Vietnam, les négociations de paix de Paris (pour lesquelles LBJ invite son successeur à y envoyer un observateur jusqu’à sa prise de fonction), l’arrêt des bombardements et l’attitude du gouvernement de Saigon.
Une conférence de presse est organisée durant laquelle Nixon souligne la continuité des deux administrations. Selon Nixon, le président et le secrétaire d’État actuels « pouvaient parler non seulement au nom de leur gouvernement, mais au nom du pays tout entier, c’est-à-dire de la prochaine administration. » Le futur président reviendra cependant rapidement sur cette belle déclaration en précisant que tout engagement important en politique étrangère pouvait être pris à condition qu’il y ait « consultation et accord préalable ». Alors que, selon Johnson, « jamais aucune promesse n’avait été requise ou accordée » en ce sens (Johnson, 1972, pp. 666-667).
12 novembre 68 : Mettant fin à une avalanche de critiques sur la politique étrangère américaine, De Gaulle salue la décision de mettre fin aux bombardements sur le N-V. Il la qualifie de « très judicieuse et très méritoire » (De Quirielle, 1992, p. 200).
15 novembre 68 : Les pilotes observateurs de l’U.S. Army repère une activité inhabituelle du côté de la D.M.Z. Elle a quadruplé depuis l’arrêt des bombardements du 31 octobre (voir 20 novembre) (Burns Siger, 1992, p. 83).
17 novembre 68 : Entrevue à Pékin entre le premier ministre vietnamien Pham Van Dong et Mao. Ce dernier lui affirme que les U.S.A. connaissent les limites à ne pas franchir et n’attaqueront jamais le N-V. Ironique, Mao avoue ne pas comprendre « pour quelles raisons les impérialistes américains sont venus en Asie du Sud-Est et quels sont leurs intérêts. Du caoutchouc et du thé. Mais [il] ne pense pas que les Américains y recherchent de la nourriture ni des végétaux. » Il encourage Pham Van Dong à continuer de se battre car il est persuadé que les Américains vont tout droit à l’enlisement (Portes, 2016, p. 37).
20 novembre 68 : Les forces n-v attaquent dans la zone de la D.M.Z. et mènent une offensive vers Da Nang. Pour autant, pas de réaction de l’aviation américaine (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 218).
22 novembre 68 : En France, l’U.N.E.F. (soutenue par le S.N.E.Sup) organise une journée d’action contre la guerre du Vietnam mais celle-ci rencontre peu de succès. Les groupuscules gauchistes se sont mal remis de l’après Mai 68 : ils vont disparaitre ou sont en voie de scission. Nombre d’entre eux ont été interdits de manifestations dès juin 1968 (Jalabert, 1997, pp. 78-79)
Fin novembre 68 : Nixon demande à Kissinger de devenir son conseiller à la Sécurité nationale (Shawcross, 1979, p. 78).