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par Jean-François Jagielski

Novembre 1966

Novembre 66 : Sondage analysant l’évolution de l’opinion publique américaine envers le conflit au Vietnam : pour 51 %, contre 31 %, sans opinion 18 % (Nouilhat in collectif, 1992, p. 60 ; Portes, 2008, p. 150).

Januscz Lewandowski (membre polonais du C.I.C.) affirme avoir obtenu un accord des N-V pour des entretiens à Varsovie avec les Américains à partir du 5 décembre. Il en informe l’ambassadeur américain en Pologne John Gronouski (McNamara, 1996, pp. 242-243).

McNamara recommande officiellement le système de barrière électronique (la MacNamara line) à LBJ en vue de sa mise en œuvre. Le budget de construction a été estimé à 1,5 milliard de dollars et 740 millions de dollars devront alloués aux coûts d'exploitation annuels. Elle ne sera en fait qu’ébauchée en raison des difficultés à la mettre en place et de son coût exhorbitant. Contrairement à l’effet escompté initialement, son utilisation entraînera une recrudescence de l’activité aérienne pour contrer les infiltrations (Baulon, 2009, pp. 441-442).


4 novembre 66 : Face aux propositions de McN de limiter à 470 000 hommes la présence américaine au Vietnam pour 1967, les chefs d’état-major demandent de porter les effectifs à 493 969 hommes pour la fin 1967 et 551 741 pour la suite. Ils proposent également la levée des restrictions que LBJ a maintenues jusqu’alors : poses de mines dans les ports, blocus naval, raids terrestres au Cambodge et au Laos (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 552).


7 novembre 66 : McN reçoit un accueil orageux dans son ancienne université de Harvard. Sa voiture est prise à partie par les manifestants (Portes, 2008, p 159).

Au Cambodge, manifestation par les étudiants et lycéens de gauche devant la résidence de Sihanouk. Celui-ci tente de les calmer en invoquant le patriotisme et l’union nationale. En vain, une longue agitation se poursuit (Tong, 1972, p. 148).


13 novembre 66 : Après le journal français Le Monde (voir 21 mai), c’est article du New-York Times qui révèle que 40 % de l’aide américaine est détournée au S-V : vols, corruption, marché noir, trafic de devises, gaspillage sont dénoncés. Les autorités américaines contestent ce chiffre mais reconnaissent que « la corruption et le vol » font perdre « 35 à 40 millions de dollars » sur l’année budgétaire en cours (Schlesinger, 1967, pp. 94-95, note 1). L’aide américaine aux civils n’ayant par ailleurs jamais représenté que 4 % des sommes dépensées par rapport au volet purement militaire (Portes, 2008, p. 129).


15 novembre 66 : Peu avant la publication du livre du philosophe britannique Bertrand Russell War Crimes in Vietnam (janvier 1967) émerge en août l’idée de la fondation d’un tribunal d’opinion privé qui est officialisé à Londres et non à Paris, suite à un refus des autorités gaulliennes de le voir résider dans la capitale française (De Quirielle, 1992, p. 196). Il prend le nom de « Russell tribunal » ou « tribunal de Stockholm » où aura lieu sa première session courant 1967. Russell étant très âgé, c’est Jean-Paul Sartre qui en est le président. Un comité international d’intellectuels envoie sur place des enquêteurs chargés de recueillir des témoignages sur les exactions commises par l’armée américaine : armes prohibées (dont les bombes à fragmentation) et accusation de génocide à l’égard du peuple vietnamien.


17 novembre 66 : Dans un rapport adressé à LBJ, McN remet ouvertement en question la stratégie de Westmoreland : les rapports montrent que le renforcement des effectifs ne se solde pas par des pertes conséquentes chez l’ennemi. Selon ses calculs du moment, un apport de 100 000 hommes n’augmente que de 70 hommes les pertes de l’ennemi en une semaine. Le secrétaire d’État à la Défense remet toujours en cause l’efficacité des bombardements qui coûtent cher : 250 millions de dollars par mois. Pour autant, sur ce dernier point, LBJ ne le suit pas (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 554-555 et pp. 579-581).


18 novembre 66 : Au Cambodge, Sihanouk emploie pour la première fois l'expression « Khmers rouges » pour désigner les communistes cambodgiens.


22 novembre 66 : Au Cambodge, Sihanouk fait état de tracts « khmers rouges » qui l'attaquent personnellement.


30 novembre 66 : Meeting à Paris à la salle de la Mutualité sur le thème « Six heures pour le Vietnam » en présence, selon Le Monde, de 5 000 personnes. Des Américains sont présents. Les intervenants sont des intellectuels : Sartre, Alfres Kastler (Nobel de physique 1966) ; Laurent Schwartz, Henri Bartoli, Pierre Vidal-Naquet. Sartre y déclare : « Nous voulons la paix au Vietnam, mais pas n'importe quelle paix. Cette paix doit se traduire par la reconnaissance de l'indépendance et de la souveraineté du Vietnam. Mais nous ne voulons pas de cette paix seulement pour des raisons morales. La morale n'est pas une motivation suffisante. Notre motif, les motifs de notre combat, doivent être politiques... C'est en cela que nous devons être solidaires du peuple vietnamien. Son combat est le nôtre. C'est le combat contre l'hégémonie américaine, contre l'impérialisme américain. » Il conclut son exposé en déclarant : « La défaite du peuple vietnamien serait politiquement notre défaite, la défaite de tous les peuples libres. Car le Vietnam se bat pour nous. » (Le Monde, 30 novembre 1966)

En France toujours, création du Comité Vietnam national sous la présidence du mathématicien Laurent Schwartz. Le mouvement réunit des universitaires et des intellectuels de gauche non communistes (Sartre, Pierre Vidal-Naquet, Vladimir Jankélévitch, le physicien Alfred Kastler) et des étudiants. Il est antiaméricain et apporte un soutien total aux combattants vietnamiens. Il publie un journal intitulé Vietnam. Le mouvement est très hétérogène et assez dispersé mais bénéficie toujours du soutien du syndicat étudiant de l’U.N.E.F. (Jalabert, 1997, pp. 71-72).

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