Novembre 54 : Les U.S.A. et la Grande Bretagne, à la suite des Français, considèrent le S-V comme un seul ensemble national.
Au sujet de l’O.T.A.S.E., le secrétaire d’État américain Dulles assure à sa commission que « s’il y a un mouvement révolutionnaire au Vietnam ou en Thaïlande, nous nous consulterons sur ce que nous devons faire […] Nous n’avons aucun engagement pour le réprimer, tout ce que nous avons c’est l’engagement de nous consulter. » (cité in Schlesinger, 1967, p. 30)
Salan rend visite à Bao Daï de retour à Paris. Ce dernier désire se débarrasser de Diem qui, de son côté, veut se séparer de l’ambitieux et francophile général Nguyen Van Hinh tout en liquidant les sectes qu’il avait un temps soutenues. Salan est opposé à cette dernière idée car se débarrasser des sectes, c’est, selon lui, laisser la place au VM.
Réorganisation de l’armée vietnamienne grâce à l’aide américaine : Selon Tran Van Don, « dès novembre 1954, avec le général Nguyen Van Vy, chef d’état-major général de l’armée de la République du Vietnam, nous eûmes une séance de travail avec le général O’Daniel, chef du M.A.A.G. (Military Assistance Advisory Group) et son chef d’état-major, le colonel Rosson […] pour discuter des problèmes posés par la réorganisation de notre armée. » Des dissensions franco-américaines apparaissent rapidement au sujet des effectifs de l’armée s-v : les Français proposent un effectif de 220 000 hommes, le M.A.A.G. parle lui de 99 000. Protestation des Vietnamiens qui font remarquer que le corps expéditionnaire français est composé quant à lui de 400 000 hommes, bien mieux armés qu’eux et ce d’autant plus que la force du Vietminh s’élève à 450 000 hommes. Ce manque d’effectifs est considérée comme un handicap par l’armée s-v.
Diem intervient auprès d’Eisenhower et Dulles en vue d’un rééquilibrage visant à donner 150 000 hommes de plus à son armée et parvenir à former des cadres. Il obtient l’accord des Américains, mais ce dernier se fait au forceps. Selon Tra Va Don, « nous dûmes nous incliner, comprenant qu’avec les Américains nous ne dirigerions pas la guerre, et que la doctrine de guerre serait américaine, jusqu’au moment où nous pourrions nous suffire à nous-mêmes. » (Tran Van Don, 1985, pp. 225-227) L’idée d’un commandement interallié est écartée d’entrée.
1er novembre 54 : Première rencontre entre Collins et Ély à Dalat où le général français se ressource. Elle est, selon Ély, cordiale, « à l’américaine », mais le Français y voit quand même « le risque de se laisser aller à une sorte de « copinage » qu’il faut toujours éviter quand on traite d’affaires sérieuses. » Et ce, d’autant plus, que Collins ne cache pas à son interlocuteur « que sa mission était de soutenir à fond le président Diem et qu’il aurait à cet effet une action directe sur l’attribution de l’aide américaine, économique et militaire. » (Ély, 1964, pp. 299-300)
2 novembre 54 : Cérémonie de passation à l’ambassade entre Collins et Heath. Dîner chez Ély qui appréciait l’ancien ambassadeur américain (Ély, 1964, p. 300).
Une dépêche de Claude Cheysson, chef adjoint du cabinet de Mendès France, répond à la demande de clarification de Sainteny sur le caractère de sa mission au N-V (voir 21 octobre). Ce dernier doit « défendre au mieux les intérêts français » et garder des contacts avec le gouvernement n-v, ce qui permettraient « d’aller plus loin lorsque notre politique à l’égard de la Chine évoluera à son tour. » La consolidation du S-V demeure toutefois une priorité et Sainteny doit « être mis en garde contre une trop grande hâte et un penchant marqué pour la simplification exagérée des problèmes. » (Devillers, 1988, p. 370).
Au Cambodge, Sihanouk refuse d'accorder une audience à Son Ngoc Thanh (représentant des Khmers Serei, les Khmers libres, c’est-à-dire l’extrême droite soutenue par la Thaïlande et les U.S.A.).
6 novembre 54 : Le J.O. de la République française (p. 4534) évoque à cette date un total de 10 302 condamnations en vertu des codes de justice militaire (c'est-à-dire en dehors des délits de droit commun) entre 1945 et 1954. Ces condamnations portent aussi bien sur des crimes (connus, jugés et sanctionnés par des peines de prison ou de travaux forcés) que sur des condamnations à mort. Il y aurait eu 631 condamnations, ce chiffre incluant aussi bien les métropolitains que les légionnaires, les Africains et les autochtones. Ces données sont provisoires faute, pour l’instant, d’une possibilité de consultation des archives concernant la justice militaire et d’un examen des dossiers au cas par cas (Cadeau, 2019, p. 261).
7 novembre 54 : Diem fait arrêter 8 membres du Mouvement pour la défense de la paix et des accords de Genève (voir 11 novembre) (Chaffard, 1969, p. 212).
8 novembre 54 : Le nouvel ambassadeur Collins réitère la confiance des U.S.A. envers Diem (et donc contre le général pro-français Nguyen Van Minh). Mais il devra bien vite déchanter (voir décembre) (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 90).
Les relations franco-américaines, du fait de l’attitude obstinée de Diem, demeureront très tièdes malgré la signature du protocole par De La Chambre à Washington (voir 29 septembre), celui de Mendès France aux U.S.A. (voir 11 novembre) et la venue de Dulles à Saigon pour rencontrer Diem (Ély, 1964, pp. 300-301).
Arrivée à Saigon d’un ambassadeur spécial mandaté par la Maison Blanche qui sera bientôt suivi d’une mission militaire américaine. Selon Devillers, c’est à ce moment précis que « le décor de la seconde guerre du Vietnam est planté. » (Devillers, 1988, p. 367)
11 novembre 54 : Dulles déclare que le S-V doit être un État doté d’un gouvernement fort, avec ses propres forces de police et de sécurité (Chaffard, 1969, p. 185).
Le Mouvement pour la défense de la paix et des accords de Genève est interdit par décret du gouvernement diémiste. C’est de début d’une chasse impitoyable aux communistes et, plus généralement, aux opposants au régime durant laquelle les actes de délation incitent les habitants du S-V à dénoncer de vrais ou faux membres du VM. Les actions sont menées par le futur ministre de l’Information, Tran Chan Than, un ancien directeur des services judiciaires du VM, rallié depuis 1951 (Chaffard, 1969, p. 212). C’est aussi à cette époque que le futur dirigeant du F.N.L., Nguyen Huu Tho et d’autres opposants sont jetés dans les geôles du pouvoir diémiste pour de longues années. Tho ne s’en échappera qu’en février 1961.
14 novembre 54 : L’ambassadeur américain à Saigon Donald R. Health quitte définitivement ses fonctions.
12 novembre 54 : La France, le Royaume-Uni et les États-Unis considèrent « que le Vietnam Sud n’est pas juridiquement obligé d’appliquer les dispositions politiques de la Déclaration [accords de Genève] » puisqu’il n’en a pas été signataire (De Folin, 1993, p. 295).
17 – 20 novembre 54 : Mendès France se rend aux États-Unis. Il signe avec le secrétaire d’État Foster Dulles des instructions destinées aux généraux Collins et Ély (voir 13 décembre). Selon Ruscio, « la France perd jusqu’à la maigre consolation de participer aux commissions tripartites de répartition de l’aide américaine. » (Ruscio, 1992, p. 232)
19 novembre 54 (29 novembre selon Le dossier du Pentagone, 1971, p. 90) : Convoqué par Bao Daï à Cannes, le chef d’état-major de l’armée vietnamienne (le francophile Nguyen Van Minh) quitte le sol du Vietnam. Il a nommé avant son départ le général Nguyen Van Vy pour assurer son intérim. Il apprendra en France sa destitution décidée par un Bao Daï qui espère encore jouer un rôle en ne s’opposant pas directement à Diem. Hinh ne remettra plus les pieds au Vietnam se sachant menacé d’élimination physique (Maigre, 1994, p. 37).
19 - 20 novembre 54 : Mendès France se rend à Washington et rencontre Dulles. Les relations franco-américaines étant ce qu’elles sont, on transige : une mission mixte prendra en charge l’instruction de l’armée vietnamienne. Des instructions portant les signatures de Dulles et Mendès France sont envoyées à Ély et Collins en ce sens. Elles aboutiront à l’accord Ély-Collins du 13 décembre. Ély demeure théoriquement commandant en chef des forces de l’Union française mais, dans la réalité, c’est le général O’Daniel du M.A.A.G. qui obtient le plus de responsabilités.
Au cours de la discussion, on évoque le personnage de Diem, critiqué par Mendès France qui voudrait le voir partir, mais demeure fermement soutenu par Dulles et les Américains, faute de remplaçant crédible. On décide de se revoir le 18 décembre (Chaffard, 1969, p. 186).
21 novembre 54 : Au Laos, début des pourparlers entre le gouvernement royal et le Pathet Lao : pour les partisans de Souphanouvong (Pathet Lao), les négociations visent surtout à obtenir l'égalité des droits entre les deux parties, tandis que le gouvernement royal refuse de les considérer autrement que comme des insoumis ayant servi l’armée étrangère du VM. Un accord est finalement trouvé et le Pathet Lao accepte l'intégration de ses unités militaires à l'Armée royale lao.
27 novembre 54 : Face au danger que représente l’action que souhaite engager Navarre, le maréchal Juin écrit au ministre de la Défense pour lui « demander de la façon la plus insistante qu’aucun des chefs ayant eu des postes à responsabilité en Indochine ne soit actuellement autorisé à déposer devant une commission parlementaire ou autre. Il faut laisser les passions s’éteindre et le temps faire son œuvre. » (cité in Cadeau, 2020, p. 68) Une manière de couvrir les responsables militaires ayant été également impliqués dans l’affaire de Dien Bien Phu…