Novembre 43 : Au vu de la faible occupation japonaise en Indochine, Tokyo décide de l’envoi d’une brigade mixte indépendante supplémentaire. L’occupation japonaise demeure cependant toujours assez pléthorique (Pedroncini, 1992, p. 38).
Le Comité français de libération nationale (C.F.N.L.) demande l’accord des Britanniques sur trois points : l’accréditation d’une mission militaire française auprès de Mountbatten (commandant en chef britannique en Asie du Sud-Est), l’envoi aux Indes du C.L.I. (voir 4 novembre) et, dès que possible, l’envoi d’un corps expéditionnaire français pour l’Indochine. Le War Office, le Foreign Office et Mountbatten donne un accord de principe mais qui doit être validé par le gouvernement britannique (Isoart, 1982, pp. 25-26).
4 novembre 43 : Création par le Comité de Défense nationale (C.D.N.) en Algérie du Corps léger d’intervention (C.L.I.) français dirigé par le lieutenant-colonel Huard dont l’effectif avoisine les 500 hommes. Il est composé de commandos censés aller prêter main forte aux troupes d’Indochine résistant à l’occupation japonaises et dirigées par le général Mordant. Le général Blaizot (commandant le C.E.F.E.O.) est chargé de négocier son transport auprès du South East Area Command (S.E.A.C.). Le C.L.I. est rapidement confronté à des problèmes d’effectifs, de matériels dessués et d’encadrement. Fin mai 1944, sur un effectif théorique de 75 officiers, 170 aspirants et sous-officiers et hommes de troupe, la formation accuse un déficit de 76 hommes (Turpin, 2005, p. 65).
8 novembre 43 : La Laurentie, directeur des Affaires politique au Commissariat aux Colonies du gouvernement d’Alger, rédige une note sur les modifications à apporter à l’organisation de la vie politique et administrative en Indochine une fois la métropole libérée. Il s’agit d’un projet visant à plaire aux Américains et qui sera débattu au sein du Comité du Pacifique le 1er décembre. Il est prévu de créer une assemblée pour assister le gouverneur général à la tête de l’Union française. Elle serait constituée de 50 % de Français et de représentants des minorités ainsi que de 50 % de représentants annamites. La moitié des membres de cette assemblée serait élue tandis que l’autre moitié serait nommée par le gouverneur général (Turpin, 2005, pp. 74-75).
9 novembre 43 : Roosevelt ayant reçu le rapport de Stettinius (sous-secrétaire d’État) sur la question d’une intervention alliée en Indochine (voir 20 octobre) indique que ses positions n’ont pas changé. Il refuse de prendre une décision politique sur une question qu’il estime indéfendable et renvoie la chose aux chefs d’état-major estimant que c’est « un problème militaire. » (Isoart, 1982, p. 194).
22 - 26 novembre 43 : Conférence du Caire. Roosevelt propose à Tchang Kaï Chek une future tutelle sur l’Indochine. Ce dernier refuse ce cadeau empoisonné, arguant du fait que la population indochinoise n’est pas chinoise (Franchini 1, 1988, p. 176). La Chine n’a donc pas l’intention d’annexer l’Indochine qui, selon elle, doit obtenir à terme son indépendance. Pour autant, le dirigeant chinois n’est pas favorable à un retour des Français préférant, comme les Américains, une gouvernance internationale en Indochine (voir 27 mars). Des discussions ont lieu entre Roosevelt et Tchang pour conjuguer leurs efforts en ce sens. L’attitude française complaisante sous l’occupation japonaise laisse visiblement des traces en Chine, notamment la question de l’accord de défense commune Darlan-Kato (voir 29 juillet 1941). Pour autant, à son retour, Tchang écrit au gouverneur général Decoux pour le rassurer sur ses intentions. Côté russe, dans un premier temps, Staline approuvera une totale indépendance de l’Indochine, estimant que la France s’est beaucoup trop compromise dans sa collaboration avec l’Allemagne nazie. Mais sa position se modifiera par la suite en faveur du retour de représentants de la France combattante en Indochine pour faire contrepoids à l’influence chinoise et américaine en Asie (Marangé, 2012, p. 139).
28 novembre - 1er décembre 43 : Conférence de Téhéran. Roosevelt réitère sa proposition du Caire (voir 22 - 26 décembre) à Staline qui l’accepte (Franchini 1, 1988, p. 176). Ce dernier confie à Roosevelt que « les Français doivent payer pour leur collaboration criminelle avec les Allemands et qu’ils ne doivent pas revenir en Indochine. » Roosevelt « se déclare d’accord à 100 pour cent. » Churchill, possesseur d’un vaste empire colonial, s’oppose toutefois à l’idée de tutelle internationale sur l’Indochine. Roosevelt lui répond : « Voyons, Winston, vous avez perdu, vous êtes à un contre trois. » (Staline, Roosevelt et Tchang Kaï Chek). Roosevelt reproche d’ailleurs assez injustement (voir 22 août 1940, 24 juillet 1941, 12 avril et 2 novembre 1942) à la France d’avoir aidé les Japonais en faisant de l’Indochine un tremplin pour les aider à conquérir le Sud-est asiatique (De Folin, 1993, p. 63). Il confie à Staline que, selon lui, la France aurait besoin « de nombreuses années de travail honnête » avant son rétablissement en tant que nation pleine et entière au sein de la communauté internationale (Isoart, 1982, p. 187). C’est désormais l’heure pour les Français d’un long et complexe purgatoire en Indochine, étant totalement hors-jeux face aux grandes puissances…
Fin novembre 43 : Patrick Hurley, ambassadeur des États-Unis en Chine, informe Roosevelt que le « Conseil des trois empires » (France, Grande-Bretagne et Hollande) a été constitué au Q.G. du S.E.A.C. afin de faciliter le rétablissement des colonies européennes dans le Sud-Est asiatique après la fin du conflit. Le président américain suggère que toutes les opérations alliées en Indochine soient coordonnées par le général Wedmeyer, chef d’état-major américain auprès de Tchang Kaï Check. Pour éviter toute confusion, Wedmeyer rencontrera Mountbatten en mars 1944 (Isoart, 1982, p. 196).