Mars 72 : Au Cambodge, Saloth Sar (futur Pol Pot) est nommé responsable du haut-commandement militaire khmer rouge.
Il ne reste que 95 000 militaires américains au Vietnam mais seulement 6 000 soldats appartenant aux troupes de combat terrestres (Wainstock, Miller, 2019, p. 271).
Kissinger lance une Note d’Étude pour la Sécurité nationale intitulée « Évaluation pour le Cambodge ». Il ressort de cette masse de papiers que les Américains comprennent parfaitement quel genre de régime ils soutiennent depuis deux ans et qu’ils vont encore soutenir pendant trois années. D’éventuels successeurs de Lon Lol sont évoqués (Shawcross, 1979, pp. 232-234).
10 mars 72 : Kissinger informe Nixon qu’il faut s’attendre à une attaque sur trois fronts : vers la D.M.Z., sur le plateau central et plus au sud, en provenance du Cambodge, face à la région n° 3 au nord-est de Saigon. Kissinger lui conseille de ne rien faire pour montrer au monde entier d’où venait l’attaque et de ne répliquer qu’ensuite en force avec l’aviation. Pendant deux jours, les avions doivent rester cloués au sol puis frapperont durement uniquement le troisième (Kissinger 2, 1979, pp. 1 155-1 156).
Au Cambodge, des étudiants manipulés par Lon Non et son frère, manifestent pour réclamer la démission de Sisowath Sirik Matak. Celui-ci qui assure l’intérim devient un éphémère premier ministre, rapidement supplanté par le président (voir 13 mars).
13 mars 72 : Les U.S.A. envoient une note très sèche aux N-V les accusant d’avoir menti en évoquant des attaques aériennes entre le 1er et le 6 mars. Ils déclinent une offre de rencontre pour le 15 avril et proposent la date du 24. Un avertissement est lancé aux N-V contre toute attaque militaire imminente (Kissinger 2, 1979, p. 1 160).
Au Cambodge, renvoi de Sirik Matak.
16 mars 72 : Au Cambodge, Sirik Matak annonce son retrait (provisoire) de la vie politique.
20 mars 72 : A la veille de l’offensive de Pâques, le premier ministre Pham Van Dong fait un discours repoussant toute idée de compromis. Il déclare : « Maintenant comme par le passé, les agresseurs américains s’imaginent complaisamment que chaque « camp doit faire la moitié du chemin sur la voie de la négociation, les Sept Points [américains] doivent être conciliés avec les Huit Points [du G.R.P.] et ainsi de suite. C’est une logique de gangster. » La paix ne pourra se faire que si les États-Unis abandonnent « leur soutien et renoncent à leur engagement envers le régime fantoche de Thieu. » (cité in Kissinger 2, 1979, p. 1 162)
Au Cambodge, Son Ngoc Thanh, pro-américain et opposant de la première heure à Sihanouk, est nommé premier ministre en remplacement de Sirik Matak. Son gouvernement demeurera en place jusqu’au 14 octobre (Jennar, 1995, p. 164).
23 mars 72 : Nouveau signe de raidissement de la situation, les négociateurs américains à Paris annoncent que Nixon a ordonné de suspendre les discussions jusqu’à nouvel ordre (Burns Sigler, 1992, p. 130).
Au Cambodge, troisième remaniement du G.R.U.N.K. au profit du P.C.K. (Jennar, 1995, p. 169).
26 mars 72 : Kissinger confie à la presse que cette offensive peut s’inscrire dans les schémas habituels de 1954 et 1968, une puissante attaque des N-V, prélude à de possibles négociations. Il tente de les convaincre que la phase offensive n’est peut-être pas nécessaire. Il entend mettre en place un subtil compromis entre force militaire et négociations. Or Nixon se méfie des négociations qui s’éternisent et n’aboutissent pas. Et c’est ce point précis qui est en train de faire diverger peu à peu les deux hommes (Kissinger 2, 1979, p. 1 156).
27 mars 72 : Hanoi accepte la date du 24 avril pour une négociation secrète à condition que les discussions publiques aient repris à Paris. Nixon accepte du bout des lèvres (Kissinger 2, 1979, p. 1 161). Le déclenchement de l’offensive annulera cette improbable rencontre.
30 mars 72 : Profitant de l’affaiblissement de l’armée s-v du fait de la vietnamisation du conflit, Giap lance l'offensive de Pâques sur le Sud-Vietnam (Eastertide) avec 120 000 hommes qui, en grande partie, franchissent la zone démilitarisée. Ce n’est pas une surprise pour les Américains qui s’y attendaient depuis le mois de janvier et pensaient même qu’elle aurait pu avoir lieu au moment du Têt. Elle a été favorisée par l’apport de matériel russe (tanks) et montre par ailleurs les fragiles limites du pari de la « diplomatie triangulaire » américaine (Hanhimäki, 2008, p. 62). À cette époque, 500 000 soldats américains ont déjà quitté le S-V. Il en demeure 95 000 mais seuls 6 000 font vraiment partie des troupes combattantes terrestres (Hanhimäki, 2008, p. 63). Ce sont donc les S-V qui vont subir le choc.
L'offensive est lancée en trois vagues avec un effectif de 120 000 soldats n-v réguliers et de milliers de guérilleros vietcong. Les villes de Quang Tri (nord-ouest d’Hué), Hué, Kontoum (sud de Pleiku) et An loc (nord de Saigon, proche de la frontière cambodgienne) sont visées. La première vague déferle sur les provinces septentrionales du S-V ; la deuxième frappe les hauteurs centrales pour rejoindre la cote et la troisième atteint la région située au nord de Saigon. Les commandants américains et s-v seront stupéfaits par l’ampleur et la durée de l’action. Les communistes lancent leurs attaques les plus puissantes contre les provinces septentrionales avec de l’armement lourd.
L’incompétence du général s-v Hoang Xuam Lam, responsable de la défaite au Laos l’année précédente, est en grande partie imputable à une nouvelle débâcle en perspective menée encore une fois avec des troupes peu aguerries.
Les communistes s’emparent de Quang Tri le 1er mai, contrôlant ainsi tout le secteur nord. Ils ne poussent pas vers Hué, faute de ravitaillement. La voie côtière située au sud de Quang Tri reçoit alors le nom de « route de la Terreur ». Elle est sans cesse pilonnée par l’artillerie n-v ou les bombardements des navires et avions américains qui tuent et estropient de nombreux civils. Un exode s’ensuit, accompagné d’une débâcle des troupes s-v. Pour autant, cette offensive n’est qu’un succès relatif pour les N-V dont les pertes sont énormes : 100 000 morts voire plus et d’importantes pertes de matériels (environ 1 000 chars détruits) (Spencer, Tucker, 2000, pp. 112-113).
31 mars 72 : Laird (Défense) informe Washington de l’ampleur de l’attaque. Les premiers rapports d’Abrams se font toutefois rassurants. Pendant deux jours, on considère qu’il s’agit d’une simple incursion mais avec plus d’ampleur qu’à l’habitude (Kissinger 2, 1979, p. 1 151). Or il n’en est rien.