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par Jean-François Jagielski

Mars 1967

Mars 67 : Johnson fait appel à Robert W. Komer (nommé adjoint de Westmoreland) pour unifier les programmes des différentes agences civiles et militaires au S-V (en nommant un directeur et non plus un simple coordinateur) et amplifier ainsi les opérations de pacification dans les zones rurales par le biais du futur Civil Operation and Rural Development Support (C.O.R.D.S., voir 9 mai). Il réarme correctement les Forces de sécurité territoriales directement confrontées aux attaques du Vietminh et, jusqu’alors, négligées au profit de l’armée régulière (Colby, 1992, pp. 213-216).


1er mars 67 : Pham Van Dong estime qu’il n’y a pas de possibilité de négociation entre les 2 Vietnam.


9 mars 67 : Retour de Sihanouk de France. Il constate que la situation au Cambodge s'est gravement dégradée. Des tracts dénoncent les pillages, les violences des soldats et critiquent la politique pro-américaine de Lon Nol.


11 mars 67 : Au Cambodge, une rébellion éclate près de Samlaut, lorsque des villageois en colère attaquent les forces de l’ordre suite à des expropriations de terres pour l’implantation d’une usine de sucre. Avec les encouragements de cadres communistes locaux, l'insurrection se répand rapidement dans toute la région de Battambang (voir 7 avril). Le gouvernement de Lon Lol réagit en déclenchant une violente opération militaire de répression provoquant des morts et des destructions de villages (Ponchaud, 2005, pp. 177-178).

Importante manifestation de gauche à Phnom Penh organisée par Khieu Samphan et les éléments de gauche du Sangkum. La démission de Lon Nol est réclamée. Des troubles et leur répression se poursuivront jusqu’en août.


12 mars 67 : Au Cambodge, lors d’un congrès du Sangkum, Sihanouk utilise à nouveau l’expression « Khmers rouges » pour désigner la mouvance communiste (voir 18 novembre 1966) (Cambacérès, 2013, p. 147).


16 mars 67 : Le Congrès américain vote une loi accordant 12 milliards de dollars au département de la Défense pour poursuivre les opérations militaires. Cette loi est votée par 385 voix contre 11 à la Chambre des Représentants et 77 voix contre 3 au Sénat. Cependant les débats deviendront de plus en plus acerbes (Sénat), sans toutefois que l’idée de renoncer à l’engagement américain au Vietnam n’émerge dans l’immédiat. Les représentants sont toujours opposés à un retrait, mais espèrent soit une solution négociée, soit l’emploi d’autres moyens (mais lesquels ?) pour atteindre les objectifs.


18 mars 67 : Devant les chefs d’état-major, Westmoreland réclame 200 000 soldats de plus, ce qui ferait passer l’effectif de 470 000 hommes à 670 000. Il préconise des opérations terrestres au Laos et au Cambodge, des bombardements lourds, le minage des ports et même une opération amphibie au nord de la D.M.Z. Cela suppose de faire appel aux réservistes et à une dépense supplémentaire de 10 milliards de dollars, en plus des 25 déjà engagés en Asie du Sud-Est (le budget global du Pentagone est estimé à cette époque à 71 milliards) (McNamara, 1996, pp. 257-258 ; Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 582-587).


20 - 21 mars 67 : Conférence de Guam. C’est le troisième sommet américano-vietnamien après Honolulu (voir 5 - 8 février 1966) et Manille (voir 23 - 25 octobre 1966). Elle vise à « refaire le point en détail sur l’évolution du Sud-Vietnam » (Johnson, 1972, p. 315).

La délégation américaine comprend : LBJ, Rusk (secrétaire d’État), Rostow (Sécurité nationale, démissionnaire), McN (Défense), Lodge (ancien ambassadeur au S-V), Bunker (futur ambassadeur au S-V), Westmoreland (M.A.C.V.), Harriman (ambassador at large), l’amiral Sharp (C.I.N.P.A.C.), le général Wheeler (président chefs d’état-major interarmées) et Komer (C.O.R.D.S., conseiller de LBJ sur la pacification). La délégation vietnamienne comprend Thieu (président), Ky (premier ministre), Cao Van Vien (Défense), Tran Van Do, Hanh et Bui Diem.

Le 20 a lieu une réunion bilatérale. Présentation de Bunker, Eugene Locke, son assistant et Komer, tous nouvellement promus. Thieu et Ky notent des progrès dans la situation militaire. Du fait des élections d’une assemblée constituante de septembre 1966, une constitution sera promulguée sous peu. Des élections auront lieu en avril et le pays sera bien sur la voie de la démocratie à l’automne. Ky brandit un exemplaire du projet final de la nouvelle constitution qui lui a été remis quelques heures avant de prendre l'avion pour Guam. LBJ approuve ces progrès. Westmoreland et Cao Van Vien estiment que « les communistes subissaient une pression accrue et des défaites sur le champ de bataille. » Selon Westmoreland, les pertes ennemies ont doublé en 1966. Les attaques à venir du VC ne seront qu’une manifestation de keurs difficultés du moment, même si les infiltrations persistent.

LBJ approuve les progrès démocratiques et la stabilité du régime s-v. Selon le rapport, « il a également assuré aux Vietnamiens que le général Westmoreland recevrait tout ce dont il avait besoin, voulait et pourrait utiliser dans la tâche de vaincre l'ennemi communiste. » Mais le lendemain son discours sera tout autre.

Le 21 ne se réunit que la délégation américaine dont LBJ ne dit, une fois de plus (après Honolulu et Manille), rien dans ses mémoires. Westmoreland confirme ses demandes d’effectifs du 18 (200 000 hommes). Les conseillers américains présents sont divisés car cela suppose la mobilisation des réservistes et donc de houleux débats au Congrès en perspective. Le général Wheeler propose d’élargir le conflit au Cambodge et au Laos, ce qui entraîne une réaction négative des différents conseillers car ils craignent toujours un risque de conflit avec la Chine et l’U.R.S.S. Durant la conférence de presse présidentielle qui suivra cette rencontre, LBJ niera faussement avoir abordé la question des renforts et plus généralement les questions militaires.


22 mars 67 : Nouveaux raids aériens sur les centrales thermiques de Haïphong (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 557).


23 mars 67 : Martin Luther King dénonce publiquement la politique suivie par LBJ. Les rapports se sont tendus au fil du temps entre les 2 hommes. Le président considère l’attitude de King comme une véritable trahison, estimant avoir tant fait en faveur des droits civiques aux U.S.A. (Portes, 2008, p. 161).


24 mars - 14 mai 67: Opération Junction City 2. C’est la poursuite de la première opération du même nom (voir 22 février - 14 mai) visant à s’emparer du quartier général du C.O.S.V.N. dans la région de Tay Ninh (nord-ouest de Saigon) et dans les provinces frontalières avec le Cambodge. C’est un nouvel échec. Très mobiles, les forces communistes se replient au Cambodge d’où la nécessité de devoir prévoir de nouvelles opérations qui auront lieu le 30 avril 1970 avec exactement le même but. L'A.R.V.N. et l’armée américaine déplorent pour les 2 opérations 282 hommes tués et 1 576 blessés, tandis que les pertes n-v et du F.N.L. sont estimées à 2 728 tués et blessés (Burns Sigler, 1992, p. 39 ; Tucker, 2000, pp. 198-199).


26 mars 67 : Westmoreland détaille sa demande du 18 mars (200 000 hommes supplémentaires). Il se dit préoccupé par le renforcement des effectifs ennemis au Laos et Cambodge ainsi que dans certaines parties du S-V. Il observe d’autre part des concentrations de troupes n-v au nord de la D.M.Z.  (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 558 et pp. 587-591).


30 mars 67 : Au Cambodge, 2 membres du gouvernement sont censurés par l'assemblée nationale : Mau Say, vice-premier ministre et ministre chargé de la coordination de l'économie, et Douc Rasy, secrétaire d'État au plan.


31 mars 67 : Les Américains annoncent la perte de 1 206 avions de combat et de 773 hélicoptères au Nord et Sud-Vietnam depuis le démarrage de Rolling Thunder en 1965 (Toinet, 1998, p. 315).

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