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par Jean-François Jagielski

Mars 1966

Printemps 66 : McN et John McNaughton (sous-secrétaire à la Défense pour les affaires de sécurité internationale) produisent un « plan de « repli » possible » : si la situation militaire  n’est pas si mauvaise, la situation politique au S-V en est au « stade terminal de la maladie ». Ils préconisent donc tous deux un désengagement des U.S.A. (McNamara, 1996, p. 254).

Les relations sino-vietnamiennes se dégradent pour 3 raisons. Les Chinois refusent catégoriquement toute idée de négociation là où les Vietnamiens y voient un atout pouvant renforcer leur stratégie militaire : on ne négocie que lorsqu’on est en position de force ou à la veille d’offensives majeures. Face à l’intensification des bombardements américains, les Vietnamiens ont besoin de pilotes et de spécialistes des armes antiaériennes que les Chinois leur refusent. Le Duan ne parvient pas à les convaincre de coopérer avec les Soviétiques, y compris dans l’intérêt militaire du Vietnam : Zhou Enlaï demande à ce qu’on ne mentionne plus sur un même plan l’aide chinoise et soviétique car « cela insultait la Chine » (Marangé, 2012, p. 329).


Mars 66 : Selon Nouilhat, sondage analysant l’évolution de l’opinion publique américaine envers le conflit au Vietnam : pour 59 %, contre 25 %, sans opinion 16 % (Nouilhat in collectif, 1992, p. 60).

Selon Christol, un sondage Gallup réalisé auprès de la communauté américaine noire montre que 53 % des hommes et 43 % des femmes approuvent l’engagement américain dans la guerre du Vietnam (65 % et 54 % dans la seule communauté blanche) (Christol in collectif, 1992, p. 84).

Selon Prados, 59 % des Américains soutiennent la guerre, 25 % sont contre et 16 % sans opinion (Portes, 2008, p 150). Mais, ce même mois, un sondage de l’Institut Stanford (réalisé auprès de 1 474 personnes) révèle que 88 % des sondés sont favorables à des négociations et 70 % à un cessez-le-feu sous l’égide de l’O.N.U. Même parmi ceux qui sont favorables à l’envoi de    500 000 hommes au Vietnam, 85 % sont favorables à des négociations et 53 % à la tenue d’élections libres au S-V (Prados, 2015, p. 303).

Prise du camp des Forces spéciales de la vallée d’A Shau (proche de la frontière laotienne, à 50 km au sud-ouest d’Hué) par les communistes qui contrôlent désormais cette voie d’accès vers Hué.

Début des offensives diplomatiques (nom de code Marigold, « fleur de souci »...) soutenues par McN : Chester A. Ronning (diplomate canadien spécialiste de l’Extrême-Orient) se rend à Hanoï et rencontre le premier ministre Pham Van Dong. Il en ramène un message : si les Américains arrêtent les bombardements « pour de bon et sans condition, nous parlerons. » Le « nous parlerons » plutôt que « nous négocierons » ne satisfait l’administration américaine et Johnson ne met pas fin aux bombardements (McNamara, 1996, p. 242).

En mars 1966, McN autorise des raids sur les installations pétrolières du N-V (les frappes P.O.L. pour Petroleum, Oil and Lubricants) débuteront le 10 juin, après maintes hésitations quant à leur efficacité réelle (voir 3 décembre 1965) et à leurs conséquences (voir 7 juin) (Baulon, 2009, p. 440) Cependant LBJ hésite à les déclencher rapidement en raison de la situation politique au S-V et de tentatives internationales de médiation (O.N.U., De Gaulle, rencontres de dirigeants africains à Moscou). Il ne veut pas pour l’instant jouer la carte de l’escalade mais changera finalement d’avis (voir 10 et 29 juin) (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 508).

Le Congrès réaffirme son soutien à la guerre. Le sénateur Wayne Morse, l’un des 2 sénateurs à n’avoir pas voté la résolution du Tonkin, présente une motion dénonçant la manière dont Johnson utilise les pouvoirs que lui a donné ce texte. Le président se sert du rejet de cette motion par 92 voix contre 5 pour justifier l’appui parlementaire de sa politique au Vietnam (Nixon, 1985, p. 84).


7 mars 66 : La France informe les U.S.A. de sa volonté de se retirer des commandements intégrés de l’O.T.A.N. Cette décision annonce le départ de 20 000 soldats américains du territoire français. De Gaulle déclare alors : « Nous ne sommes pas disposés à accompagner les Américains dans toutes les aventures où ils jugeront bon de se lancer. » (cité in Goscha, 2016, p. 565).

Rare cas de répression donné en exemple contre la corruption ordonné par le régime s-v. Un tribunal spécial s-v condamne à mort un commerçant chinois dénommé Ta Vinh qui avait tenté de corrompre deux fonctionnaires pour prendre la fuite et s’était enrichi rapidement grâce à des profits de guerre engendrés par des trafics avec le VM. Son exécution au centre de Saigon, ordonnée par le premier ministre Cao Ky, sera publique (Knöbl, 1967, pp. 285-286).  


10 mars 66 : Le gouvernement militaire s-v décide de démettre le commandant du 1er Corps, le général Nguyen Chan Thi, jugé par Nguyen Cao Ky (premier ministre) et de 8 autres hauts gradés de la junte comme un esprit trop indépendant voire un insubordonné. Ky voit surtout en lui un rival capable de vouloir occuper son poste. Cette destitution provoque une nouvelle crise car le général est un officier populaire au Centre-Vietnam où il possède de nombreux appuis locaux. Il a joué un rôle dans le coup d’état contre Diem en 1963 et beaucoup d’officiers et de fonctionnaires lui doivent leur nomination (Johnson, 1972, p. 301).

Jusqu’au 22 mai, de violents combats ont lieu entre les différentes factions de l’armée s-v dans la région de Da Nang sous les yeux d’une armée américaine consternée. Le lieutenant Caputo en témoigne : « Je compris dès lors que nous étions perdants. Avec un gouvernement et une armée comme ceux de notre allié, gagner cette guerre était une impossibilité, la poursuivre une folie. Ou, pour mieux dire, un crime : un assassinat politique à grande échelle. » (Caputo, 1979, pp. 324-325) C’est donc, peu de temps après les promesses trompeuses de Ky lors de la conférence d’Honolulu (voir 5 – 8 février), le retour aux pratiques bien rôdées du S-V.


11 mars 66 : Le limogeage du général Nguyen Chan Thi provoque une manifestation de 1 500 personnes à Danang. Elle sera suivie d’autres manifestations qui ont lieu à Hué et dans d’autres villes dans les jours qui suivent (Johnson, 1972, p. 302).


15 mars 66 : Pour mieux tenter de contrôler le mouvement anti-guerre aux U.S.A., la C.I.A. crée le projet « Résistance ». L’agence commence à diffuser un document émanant du pacifiste Vietnam Day Commitee. Dès l’été, elle avertit la Maison Blanche de toutes les manifestations prévues, aussi modestes soient-elles. Le F.B.I. est également mis à contribution (Prados, 2015, pp. 305-306).


19 mars 66 : Au Cambodge, début de l'aide militaire soviétique.


22 mars 66 : Sous l’impulsion de l’un d’entre eux, Tri Quang, les moines bouddhistes s’agitent de nouveau en s’attaquant cette fois au régime de Nguyen Cao Ky et de la junte. A Saigon, le président de l’institut bouddhiste, Tam Chau, tient une conférence de presse et présente de nombreuses revendications : la tenue d’élections et la réintégration du général Nguyen Chan Thi (voir 10 mars), entre autres. On s’alarme à Washington, craignant un coup d’État qui remplacerait Ky par un gouvernement bouddhiste neutraliste (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 504). LBJ estime dans ses mémoires que « si Tri Quang et certains de ses partisans n’étaient pas procommunistes, leur mouvement du moins avait été profondément noyauté par les agents d’Hanoi. » Cette agitation est durable et se prolonge jusqu’à la mi-mai (voir 14 mai) (Johnson, 1972, pp. 301-302).

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