Mars 52 : Lors d’un congrès national du M.R.P., Letourneau (États associés) observe à propos du conflit indochinois : « Certains de nos amis éprouvent je ne sais quel malaise de conscience. » (cité in Dalloz, 1996, p. 111)
Le VM prévoit la préparation d’une nouvelle offensive qui doit être axée sur le Nord-Ouest à proximité du Laos. Il se retrouve ainsi dans son terrain de prédilection de la Moyenne-Région, loin des aéroports et de leur aviation qui ont contribué à sa défaite à Vinh Yen.
Signe de la persistance militaire française, le lieutenant-colonel de l’armée de l’air française Nguyen Van Hinh est nommé chef d’état-major et général de brigade commandant les forces armées vietnamiennes. Il est de nationalité française et le gendre du ministre de l’Intérieur Nguyen Van Tam qui deviendra chef du gouvernement à partir du 2 juin (Toinet, 1998, p. 141, avec erreur de chronologie ; Maigre, 1994, p. 29). Les objectifs du chef d’état-major de l’armée vietnamienne sont d’accélérer l’entrée en lisse des nouvelles unités vietnamiennes pour la fin de l’année (relève de 20 000 hommes de l’Union française), de mobiliser la jeunesse vietnamienne suite à l’appel de Bao Daï et de mettre en place des unités vietnamiennes formées aux combats antiguérilla (bataillons Tieu Doan Khinh Quan, à l’effectif allégé mais bien doté en armement). Ce dernier objectif mettra du temps pour prouver son efficacité. Hinh entend également axer ses efforts sur la guerre psychologique afin de motiver ses troupes à l’égal de celles du VM (lutte contre la corruption) et détourner la population locale de la propagande ennemie (Maigre, 1994, pp. 29-30).
L’arrêté de création des Groupes administratifs mobiles opérationnels (G.A.M.O.) est signé par Nguyen Van Tam (gouverneur du N-V). Ce sont des organes de pacification visant à lutter contre l’abandon des populations lorsqu’une zone est militairement reconquise. Ils sont pilotés, côté français, par le général De Linarès qui assure le volet militaire. Pour contrer l’action politique du VM et lutter contre le « pourrissement » du Delta, ces groupes ont pour objectif, après le passage d’un G.M., d’instaurer l’ordre et la sécurité par la réimplantation des administrations communale et cantonale. Les G.A.M.O. entendent ainsi venir en aide, par des mesures d’assistance appropriées, aux populations rurales victimes de la guerre.
Les quelques 200 membres d’un G.A.M.O. ont pour mission de fouiller les villages libérés et de participer au tri des prisonniers en liaison avec les officiers de renseignement d’un G.M. ou de secteur. Dans le même temps se met en place l’assistance aux personnes déplacées (distribution de nourriture) mais également des actions de contre-propagande (dénigrer l’action du VM, promouvoir les victoires de l’armée nationale, le régime de Bao Daï). On recense la population, on distribue des cartes d’identité et on procède à l’arrestation des agents du VM ou au recrutement d’informateurs. On réinstalle une administration (conseils de notables) et différents services sanitaires, sociaux et éducatifs (Le Page, 2007, p. 3 ; Salan 2, 1971, pp. 306-307 ; Cadeau, 2019, pp. 411- 415). Le VM, après analyse, redoute ces actions qui obtiennent un certain succès (voir 9 octobre).
Selon le journal Le Monde qui lui consacre un article en juillet : « Le "gamo" est une cellule administrative de choc exactement comme le "groupe mobile" est une cellule de guerre. Le "gamo" possède sa propre protection, constituée de "Bao Chinh Doan" [Troupes régionales à la disposition des chefs de province] au nombre de deux cents environ, ses équipes de détection et de triage, constituées d'agents de la sûreté, une équipe sanitaire, une équipe de secours, une équipe de propagande et des spécialistes dont la tâche est de créer en quelques jours les conditions du retour à la vie normale de la zone opérationnelle : recherche et réinstallation des chefs de village et des notables, réouverture des communications et des marchés, construction de silos. » (Le Monde du 26 juillet 1952)
Mars-avril 52 : Après Hoa Binh et le repli des divisions vietminh dans les refuges de la Moyenne-Région, Salan en profite pour engager ses réserves mobiles (G.M.) contre les bases vietminh du Delta. Il lance donc une série d’opérations au Nord et au Sud : Ouragan, Mercure, Quadrille, Sauterelles, Porto, Turco. Elles sont toutes des demi-échecs car elles cherchent en vain à cerner un ennemi qui parvient toujours à se dérober.
1er - 6 mars 52 : Opération Ouragan au nord-ouest de Thaï Binh (est de Nam Dinh, zone des Évêchés). L’ennemi mène dans un premier temps les combats puis décroche (Gras, 1979, p. 456).
Dans la nuit du 3 mars, le 95e régiment s’attaque à 3 postes français : Van Kim, Nam Tay et Tien Nam Dong à l’ouest de Danang (Giap 2, 2004, p. 240).
8 mars 52 : Antoine Pinay (Républicains indépendants) devient président du Conseil (jusqu’au 8 janvier 1953).
Gouvernement : Armées : René Pleven (M.R.P.) assisté de De Chevigné, secrétaire d’État à la Défense ; Affaires étrangères : Robert Schuman (M.R.P.) ; France d’Outre-Mer : Pierre Pflimlin (M.R.P.) ; Relations avec les États associés : Jean Letourneau (M.R.P., en poste jusqu’au 1er avril 1952). Ce dernier sera également nommé haut-commissaire en Indochine le 19 avril (Bodin, 2004, p. 125).
9 mars 52 : Au Cambodge, Son Ngoc Thanh quitte Phnom Penh et rallie l'aile droite pro-thaïlandaise du mouvement issarak.
10 mars 52 : Opération Amphibie en vue de disloquer la 320e division vm. Elle est menée avec 15 bataillons, un soutien aérien et des blindés par la général De Berchoux dans la province de Ha Nam (sud d’Hanoi). Elle vise les bases de guérilla (Giap 2, 2004, pp. 243-244).
13 mars 52 : Dans la nuit, le 101e régiment prend le poste de Son Trung (sud de Thua Thien, sud-ouest de Hué). Ces attaques visent à affaiblir les communications sur la R.C. 1 dans la région de Hué (Giap 2, 2004, p. 240).
14 mars 52 : Un bataillon de secours venu de Thua Thien pour réoccuper Son Trung est pris en embuscade. Une centaine de morts selon Giap (Giap 2, 2004, p. 240).
15 mars 52 : Le 18e régiment intercepte à Quang Binh (entre Vinh et Hué) un bataillon venu au secours du poste de Van Loc-Hoan Lao. 250 hors-combat selon Giap (Giap 2, 2004, p. 240).
Le chef de bataillon Merglen confie à son journal ce jour : « On ne voit pas les Bao Daistes se ruer à l’assaut avec grand courage, mais les Viêts le font, reconnaissons-le. Nous sommes un vernis sur une population hostile, ou, mieux, passive. Seuls sont avec nous les profiteurs. Nous sommes vraiment en occupation comme les Allemands l’étaient en France […] Je ne sais pas si les Français réalisent que l’Indochine, c’est au moins 9/10 du territoire aux mains des Viêts et le reste infesté par eux. » (cité in Cadeau, 2019, p. 409)
17 - 23 mars 52 : Au Centre-Annam, attaque par le VM du poste de Nam Dong dans la région de Quang-Tri-Dong Ha (nord de Hué) sur la R.C. 9 par le T.D. 95. C’est un secteur stratégique qui lui permet de s’approvisionner par le Laos. La colonne de secours française tombe une fois encore dans une embuscade (40 tués et disparus, 50 blessés). Seule l’intervention des parachutistes permet un rétablissement de la situation. Le degré de violence de ces combats est extrême. Selon Salan, « dans cette affaire le Vietminh s’est conduit d’une manière infâme, attachant les blessés à des arbres, pendant des cadavres, mutilant sauvagement des morts. » Giap évoque la mise hors-combat de 770 soldats dans les rangs français (Salan 2, 1971, pp. 300-301 ; Giap 2, 2004, p. 240).
25 mars 52 : Le chef de bataillon Merglen observe dans son journal : « A vingt ou trente kilomètre d’Hanoï, on que quitte pas la route que compagnies déployées, l’arme à la main, après préparation d’artillerie ou mitraillages : c’est la preuve patente que derrière la devanture, il n’y a que du vide, du bluff, de l’incapacité. » Il estime que « même si nous gagnons la guerre, nous devons quitter l’Indochine ». (cité in Cadeau, 2019, pp. 409-410)
26 - 29 mars 52 : Opération Mercure. Elle a pour but l’anéantissement de la division 320 qui se trouve au sud du Delta entre le Song Giem Ho, le Fleuve Rouge et la mer. Cette attaque engage plus de bataillons que d’habitude : 5 G.M. en vue de procéder à un encerclement capable de rejeter les forces vm vers la mer. Le G.M. 3 de De Linarès est de la partie et vise cet encerclement. C’est encore un demi-échec car la division 320 parvient finalement à se dérober nuitamment sans que son P.C. soit pris et détruit (Gras, 1979, pp. 457-458 ; Giap 2, 2004, pp. 244-246).