Mars 45 : De Gaulle convoque l’ambassadeur des États-Unis en France, Jefferson Gaffery, pour discuter de l’aide américaine qu’on lui refuse (transport des troupes françaises vers l’Indochine) et celle des Britanniques qu’on lui promet mais qui n’arrive pas. Le Général, pour obtenir ce qu’il désire, joue déjà la carte de la guerre froide, arguant du fait que cette absence d’aide pour l’Indochine sera mal perçue par les Français car « nous ne voulons pas devenir communistes » (Halberstam, 1974, p. 102).
Après le coup de force japonais, la Direction Générale des Études et Recherches (D.G.E.R.) demande à Sainteny de rejoindre Calcutta où se trouve sa base commandant le théâtre d’Extrême-Orient. Il s’y rend donc et y rencontre le commandant Léonard, chef de la Section de Liaison française en Extrême-Orient (S.L.F.E.O.) qui lui donne les instructions nécessaires pour sa future affectation. Lors d’une escale au Caire, il rencontre le colonel Passy, chef de la D.G.E.R. en Extrême-Orient qui décide de l’affecter à la Mission militaire française dite « Mission 5 » à Kunming (Chine du Sud, capitale du Yunnan disposant d’un aérodrome et situé à 270 km de la frontière avec le Tonkin) où se trouve différents états-majors alliés : celui du général des armées chinoises du général Ho Ying Ching et les services américains en liaison avec lui : Chinese Combat Command (C.C.C.), Air Ground Aid Service (A.G.A.S.), Office Strategic Services (O.S.S.), 14e armée de l’air (US Air Force) dirigée par le général francophile Chennault (Sainteny, 1967, p. 19).
Les Japonais ont formé et forment 20 000 caodaïstes dans 3 formations dont l’une, sous la direction de Trinh Minh The, est entraînée à la guérilla dans un camp japonais situé au Laos (Isoart, 1982, p. 155). Certaines sectes reçoivent donc leur actuelle et future formation militaire des Japonais qui en font d’excellentes troupes qui poseront problème aux Français tant qu’elles ne leur seront pas ralliées.
3 mars 45 : Les services de renseignement français et la police informent une première fois les généraux Mordant et Aymé (chefs de la résistance) à Hanoi de l’imminence du coup de force japonais (Toinet, 1998, p. 61).
5 mars 45 : Certains signes laissent présager le coup de force japonais à venir.
Malgré l’avertissement par deux Chinois fréquentant une ferme de jeux de Cao Bang où ils se trouvent en contact avec des agents de la Kempeitaï (police militaire japonaise) et qui évoquent une attaque japonaise imminente, l’information jugée trop incertaine n’est pas retenue par les autorités françaises (Franchini 1, 1988, p. 185).
Ce même jour, le colonel Renuci, attaché militaire en Australie, est convoqué par le chef d’état-major des forces locales. Deux prisonniers japonais utilisés par les services de renseignement français ont intercepté une conversation indiquant clairement que l’attaque japonaise se déroulera le 9 (Zeller, 2021, p. 68).
6 mars 45 : Le général Sabattier (commandant de la division du Tonkin) laisse le général Allessandri libre de ses mouvements. Il peut quitter sa base si les forces japonaises menacent d’anéantir rapidement les siennes (voir 10 mars) (Zeller, 2021, p. 124)
7 mars 45 : La Sûreté française au Tonkin transmet un nouveau message d’alerte : le colonel Robert, commandant la subdivision de Langson, secteur clé de la résistance, serait l’objet d’une surveillance étroite de la part d’agents nippons. Par précaution, la garnison du Tonkin est consignée alors qu’un groupe mobile du secteur qui effectue des manœuvres est mis en alerte (Zeller, 2021, p. 68).
8 mars 45 : La Sûreté française à Hanoi transmet un nouveau signe de l’éminence de l’agression japonaise. Le général Sabattier (commandant de la division du Tonkin) prescrit un exercice d’alerte des troupes et rejoint son P.C. secret à Phudoan (proche d’Hanoi). Il n’est pas pris au sérieux par les généraux Aymé et Mordant (chefs de la Résistance en Indochine) qui ne voient là qu’une énième rumeur. Ils enjoignent à Sabattier à ne renforcer l’effectif de la citadelle d’Hanoi qu’au cinquième et à annuler l’exercice d’alerte. Ce que Sabattier refuse judicieusement de faire. Il gagnera dès le lendemain son P.C. clandestin de Phu Doan non sans avoir déclenché au préalable des exercices d’alerte destinés à riposter à une potentielle attaque des Japonais (Franchini 1, 1988, p. 185).
Les généraux Aymé et Mordant, commettant l’un comme l’autre une grave erreur d’appréciation, ne prennent pas au sérieux un rapport de la Sécurité de Hanoi leur annonçant le coup de force japonais. Pourtant, il y a eu des signes avant-coureurs : les effectifs de l’armée japonaise sont passés de 8 000 hommes en janvier 1945 à 65 000 à ce moment précis (De Folin, 1993, p. 57). Aymé et Mordant estiment à tort que seul un débarquement allié pourrait déclencher une réaction militaire des Japonais. On envisage même, côté français, l’hypothèse d’une opération d’intoxication de l’O.S.S. : on pousserait les troupes d’Indochine à l’état d’alerte pour provoquer une réaction des Japonais qui conduirait in fine l’éradication des Français d’Indochine comme le veut Roosevelt (Zeller, 2021, p. 69).
9 mars 45 : Suite à leurs défaites aux Philippines et en Birmanie, par crainte d’un coup de force français et allié, les Japonais ont, depuis novembre et décembre 1944, considérablement renforcé leur présence en Indochine. Ultimatum et coup de force des Japonais (opération Meigo) dans une stupéfaction générale des autorités françaises en Indochine, de l’armée et des populations civiles franco-vietnamiennes.
Decoux reçoit à 18 heures l’ambassadeur Matsumoto qui évoque avec lui les déclarations de De Gaulle sur un retour des Français dans la péninsule. A 19 heures, l’ambassadeur déclare vouloir obtenir un renforcement des accords de défense commune contre la menace américaine. Decoux tergiverse. L’ambassadeur sort alors un ultimatum demandant à l’amiral de placer l’armée, la police et l’administration française sous la coupe japonaise. Avant même le terme de l’ultimatum, les Japonais cernent le palais gouvernemental et des opérations sont lancées au Tonkin (Franchini 1, 1988, pp. 185-186).
L’opération Meigo vise les principales villes du Vietnam : Hanoi, Haïphong, Langson, Hué, Tourane Qui Nhon ainsi que d’autres points jugés stratégiques, notamment certains axes de communication.
A 20 heures, les premiers coups de feu éclatent à Hanoi et l’assaut de la citadelle où sont cantonnées des troupes françaises est donné à 20 h 10. Les généraux Mordant, Aymé, Delsuc et l’amiral Béranger sont faits prisonniers. Puis c’est le tour de Decoux et de son équipe d’être internés à Loc Ninh dans une plantation située à 150 km au nord de Saigon.
A Langson, le général Lemonnier refuse de se rendre à un « dîner d’amitié » offert par le commandant japonais de la place à 18 h 30. Les officiers français qui s’y rendent sont faits prisonniers à 20 h 00 et seront exécutés le lendemain. Au même moment, les Japonais attaquent la citadelle où les Français résistent toute la nuit (250 morts et 350 blessés européens). Les prisonniers seront froidement exécutés. Le général Lemonier qui refuse de signer une reddition le sera à son tour le 10 par décapitation au sabre (Toinet, 1998, p. 63).
Au Tonkin, les actes des Japonais sont particulièrement violents : attaques de garnisons françaises (Hanoi, Haïphong, Langson), viols, pillages, décapitation au sabre, y compris celles d’officiers français qui ont résisté. 400 soldats prisonniers sont décapités à Dong Dan (De Folin, 1993, p. 55).
Aucune aide ne peut venir des Alliés : les Britanniques sont à 2 500 km de là et se contenteront de parachuter quelques armes aux Français. Seuls les Américains, présents en Chine avec la 14e US Air Force, sont capables d’intervenir. Or le général Wedemeyer qui est à la tête des forces américaines en Chine est absent. C’est le général Chennault qui assure l’intérim mais il ne peut intervenir sans ordre. Wedemeyer demeure avant tout le chef d’état-major d’un Tchang Kaï Check qu’il ne faut pas froisser. Les Américains sont liés à la volonté du dirigeant nationaliste chinois qui n’est, comme eux, pas favorable à un retour des Français. Revenant sur la non-intervention des Américains, Chennault écrira plus tard : « Le gouvernement américain était intéressé à voir les Français éjectés d’Indochine par la force, car le problème de la séparation d’avec leur colonie aurait été ainsi rendu plus facile après la guerre […] J’ai exécuté les ordres donnés à la lettre […] » La position de l’O.S.S. est quant à elle totalement francophobe, quitte à choisir de soutenir provisoirement le Vietminh (Francini 1, 1988, pp. 216-217 et 222).
Sur toute la durée de l’opération Meigo, Zeller estime que le « bilan demeure difficile à établir ». Il l’évalue à 2 650 militaires français et environ 500 civils tués. Il peut paraître modeste mais il l’est moins si on le rapporte à la population française qui occupe alors l’Indochine (Zeller, 2021, p. 12).
Au Cambodge, le résident supérieur Berjoan est arrêté. Son secrétaire est abattu. Militaires, fonctionnaires et civils résistants sont gardés par les militaires japonais ou emprisonnés dans les geôles de la Kempeitaï. Certains seront torturés et exécutés (Cambacérès, 2013, p. 43-44).
9 - 10 mars 45 : Les Japonais décapitent l’administration française (opération Mei). Mais la liquidation de l’administration par ce coup de force laisse un vide contraire aux souhaits des Japonais qui s’étaient jusque-là toujours appuyés sur le cadre administratif français mis en place depuis 1940. Les hauts-fonctionnaires ont été arrêtés. Les cadres français de moindre importances ont été ou écartés par les Japonais ou ont déserté leurs postes. Voulant combler ce vide, les Japonais vont créer une illusion en proclamant une apparence d’indépendance, ce qui permet aux nationalistes vietnamiens de combler tant bien que mal le vide créés par l’opération Mei.
Le général Mordant (chef de la résistance en Indochine) n’a rien vu venir malgré les signes avant-coureurs, ce qui lui sera reproché. Seuls les généraux Sabattier (commandant de la division du Tonkin) et Alessandri ont eu vent de ce qui se tramait et ont mis leurs troupes en état d’alerte au Tonkin. Sabattier se rend dans la région de Dien Bien Phu (disposant d’un aéroport) et de Son La. Il y rencontre le colonel Dewavrin (chef de la D.G.E.R.) et le commandant De Langlade avec l’espoir de demander de l’aide aux alliés. Le commandant de la division du Tonkin est alors nommé délégué général en remplacement de Mordant (arrêté par les Japonais) et installe son P.C. à Phong Saly au Laos. Il y tient trois semaines avant de passer avec ses troupes en Chine.
Le gouverneur-général Decoux a transféré son allégeance de Pétain à De Gaulle. Il est destitué par les Japonais qui le remplacent par le général Tsuchihashi (commandant la 38e division à Saigon). Les ressortissants français sont presque tous regroupés dans les villes principales. De violents combats ont lieu, dans des conditions désastreuses pour les Français. L’armée française est vaincue et sera internée dans des camps comme celui de Hoabinh, dit de mort lente (Zeller, 2021, pp. 159-169).
Le général Tsuchihaschi publie deux déclarations. L’une est ferme, l’autre beaucoup plus modérée. Cette dernière laisse entendre que « la population française peut donc, en ayant confiance en l’armée japonaise et en s’abstenant d’actions irréfléchies, continuer à vivre tranquillement. » (Zeller, 2021, p. 135-136) C’est un leurre. Les civils français sont regroupés dans des centres urbains surveillés qui deviennent de véritables ghettos. Certains tombent sous les coups de l’impitoyable Kempeitaï (la « Gestapo japonaise ») et subissent exécutions, tortures et détention arbitraire dans des « cages à tigres » (Franchini 1, 1988, pp. 186-188 ; Zeller, 2021, pp. 135-157).
La population vietnamienne réagit peu au coup de force japonais. Selon Gras, « la masse, elle, notamment dans les villages, restait étrangère à l’événement. Elle était stupéfaite. Il lui paraissait inimaginable que les Français qui s’étaient montrés si habiles et si rusés avec les Japonais, aient pu être liquidés si rapidement. » Il en va différemment dans les villes où le Daï Viet, parti nationaliste pro-japonais apparu au début de la guerre, se reconstitue et voit là une occasion unique pour s’opposer au retour des Français (Gras, 1979, p. 17).
Bao Daï est pressenti par les Japonais pour former un gouvernement. Diem refuse le rôle de premier ministre par son silence, peut-être aussi parce qu’écarté par les Japonais (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 50). Tran Tong Kim forme donc le nouveau gouvernement vietnamien. Ce dernier est confronté à une grave crise économique et sociale, ainsi qu’à la famine au Tonkin provoquée par des inondations dues à trois typhons mais aussi par la suppression des moyens de transport entre le Sud et le Nord. Le nouveau gouvernement ne possède ni administration, ni police, ni armée. Pour autant, Kim cherche à nuire à la présence française en supprimant tout ce qui peut rappeler la colonisation (humiliations, abolition des symboles, regroupements). Au Sud, les sectes caodaïstes et hoa hao, soutenues par les Japonais, ressurgissent avec leurs formations paramilitaires et leurs habituelles violences.
A Saigon, 1 500 soldats français du 11e R.I.C. sont internés dans la caserne Martin-des-Pallières. Contrairement au futur acte de reddition du Japon, ils ne seront libérés que le 21 septembre par le général américain Gallagher car le colonel Cédile, futur commissaire de la République au Sud, s’opposera dans un premier temps à cette libération (De Folin, 1993, p. 90 et p. 95).
9 - 12 mars 45 : En l’absence d’HCM toujours en Chine (voir février 1945), le Comité permanent du VM se réunit à Dinh Bang (province de Bac Ninh) et déclare que le Japon est « l’unique ennemi de la révolution vietnamienne », manière de contenter les Alliés au moment où il s’apprête à prendre le pouvoir (Gras, 1979, p. 30).
9 - 13 mars 45 : Massacre des rescapés la garnison française de Langson par les Japonais (460 tués, voir 9 mars). Les Américains restent sourds aux demandes de secours et n’interviennent pas. Selon le témoignage ultérieur du général américain Chennault « des ordres parvinrent de ne fournir ni armes ni munitions aux troupes françaises quelles que puissent être les circonstances. » (cité in Fall, 1967, p. 74)
10 mars 45 : La brigade du général Alessandri, accrochée à plusieurs reprises par les Japonais, amorce son repli vers la Chine au moyen de trois colonnes différentes (voir 18 - 27 mars, 3 avril). En manœuvres à l’ouest de Hanoi, elle a pu échapper au coup de force japonais. L’objectif, dans un premier temps, est de « gagner rapidement la région située entre le Fleuve Rouge et la Rivière Noire, y reconstituer le groupement pour lui rendre une valeur combative et ensuite se porter dans la Haute Région ». Cette dernière permettrait de développer une activité de guérilla contre les Japonais. Mais le pays est pauvre et les bases de ravitaillement insuffisantes. La brigade est obligée de se scinder en trois groupes qui se dirigent donc vers la Chine par des parcours différents pour y reprendre le combat aux côtés des nationalistes. Un groupe doit cependant abandonner ses véhicules et son armement lourd au passage de la Rivière Noire qui forme un obstacle à sa retraite. Les troupes indochinoises lui appartenant sont démobilisées faute de nourriture. Certaines désertent. Ne restent au final que 1 500 européens dont la plupart appartiennent à la Légion.
Proclamation japonaise « d’appuyer entièrement les aspirations à l’indépendance des peuples indochinois si longtemps opprimés jusqu’aujourd’hui ». Deux officiers japonais se rendent auprès de Bao Daï pour lui dire que l’action japonaise va dans le sens de la libération de l’Annam. Masayuki Yokoyama (ambassadeur du Japon promu conseiller suprême du royaume d’Annam) vient demander à l’empereur d’abolir le traité de protectorat du Laos et du Cambodge, ce qu’il fait immédiatement, n’ayant d’autre choix face à cet ultimatum (Franchini 1, 1988, p. 189).
Bidault, ministre des Affaires étrangères du G.P.R.F. (M.R.P.), demande l’aide « immédiate » des troupes et de l’aviation américaine basées en Chine. Il réclame également la négociation d’« un accord de débarquement », en vue d’aider les troupes françaises alors que celles-ci sont pourtant loin de la mer (De Folin, 1993, p. 68).
Le général Chennault de l’U.S. Air Force, rare militaire américain favorable aux Français, fait dans un premier temps parachuter de l’aide aux troupes françaises mais doit y renoncer sur ordre de son supérieur, le général Wedemeyer (De Folin, 1993, p. 68 ; Sainteny, 1967, pp. 27-28).
Les studios de Radio Saigon sont investis par les Japonais. La speakerine est sommée de diffuser un message : « Les forces japonaises stationnées en Indochine française, convaincues par le manque de sincérité des autorités locales de l’impossibilité d’une défense conjuguée du pays, ont décidé d’assurer à elles seules cette défense […] Cette décision a été prise à la suite du refus par les autorités françaises de participer à la défense en commun du pays. » (cité in Zeller, 2021, p. 77).
Au Cambodge, le 10 mars au soir, le commandement militaire japonais signifie à Sihanouk que son pays est désormais indépendant. Bien que sachant que cette situation très provisoire, le roi promulgue alors rapidement des ordonnances. Il s’attribue dans un premier temps la présidence du Conseil. Il nommera ensuite un premier ministre (Ung Hy) et un nouveau gouvernement. Il abolit les conventions et traités du protectorat français. Les Japonais ont fait revenir d’exil un homme lige, le nationaliste Son Ngoc Thanh (voir 20 juillet 1942), qui est nommé ministre des Affaires étrangères mais dont le rôle se limite en fait aux seules relations avec le Japon (Cambacérès, 2013, pp. 46-47).
11 mars 45 : Se rangeant aux côtés des Japonais, Bao Daï proclame l’indépendance et abroge les protectorats français de 1885 (Tonkin, Annam). Toutefois la Cochinchine demeure sous domination japonaise (voir 14 août). Il déclare : « Vu la situation mondiale et celle de l'Asie en particulier, le gouvernement du Vietnam proclame publiquement qu'à dater de ce jour le traité de protectorat avec la France est aboli et que le pays reprend ses droits à l'indépendance. » (Bao Daï, 1980, p. 104 ; Devillers, 1952, p. 125). Pour autant, l’empereur et son entourage n’ont aucune réelle illusion quant à l’éventualité d’une victoire japonaise.
Bao Daï, devenu chef de l’État promu par les Japonais, adresse plusieurs lettres aux Alliés, leur demandant de reconnaître l’indépendance. S’adressant à De Gaulle, après avoir évoqué la période de l’Occupation en France comparable à celle du Vietnam, il écrit : « Je vous prie de comprendre que le seul moyen de sauvegarder les intérêts français et l’influence spirituelle de la France en Indochine est de reconnaître et de renoncer à toute idée de rétablir ici la souveraineté et une administration sous quelle forme que ce soit. Nous pourrions si facilement nous entendre et devenir des amis si vous vouliez cesser de prétendre à redevenir nos maîtres. » (cité in Pedroncini, 1992, p. 149 ; larges extraits cités in Nguyen Phu Duc, 1996, p. 35-37). De Gaulle ne lui répondra pas, pas plus que Roosevelt. Mais, de ce jour, Bao Daï perdra la confiance du Général. Après avoir songé à Ngo Dinh Diem que les Japonais écartent et qui se récuse, il formera un premier gouvernement le 5 avril dirigé par Tran Trong Kim qui ne résistera pas au départ des Japonais. Ceux-ci adoptent la même politique au Cambodge de Norodom Sianouk et au Laos de Sisavang Vong.
Les Japonais ayant fait proclamer l’indépendance du Vietnam par Bao Daï, il en résulte la réunion des trois ky, le Tonkin, l’Annam et surtout la Cochinchine (voir 11 juin). HCM, plutôt que d’éliminer l’ex-empereur, le nomme « Conseiller suprême du gouvernement républicain » sous le nom et titre de « Citoyen prince Nguyen Vinh-Thuy ».
Le futur gouvernement nationaliste de Tran Trong Kim (voir 17 avril) proclamera l’unité vietnamienne des 3 ky, ce qui est totalement à l’opposé du projet français d’Union française et de fédération autour de 5 entités géographiques différentes.
12 mars 45 : La colonne Capponi (1 500 hommes dont 500 Européens) qui fait partie de la brigade Alessandri reçoit un parachutage d’armes à Tuyen Quang (Toinet, 1998, p. 65).
Le G.P.R.F. confirme Mordant dans ses fonctions de délégué général, ignorant que celui-ci a été interné par les Japonais dès le 9. Son successeur, le général Sabattier, ne sera désigné que le 23 au même poste (Turpin, 2005, p. 91). Pour l’instant, les ordres qui viennent de Paris tombent donc dans le vide.
Pour autant, devant l’Assemblée consultative, on procède à Paris au vote à l’unanimité d’une résolution d’inspiration typiquement gaullienne « assurant les populations indochinoises dont elle connaît le fidèle attachement à la France, ainsi que leurs courageux défenseurs de sa fraternelle affection dans les heures particulièrement difficiles qu’ils traversent. » Giacobbi, le ministre des Colonies, voit là « la dernière épreuve qu’il nous restait à subir. » Confiant et persuadé que les choses vont se passer en Indochine comme en métropole, il ajoute : « Mais bientôt, notre drapeau flottera sur Hanoi, Hué et Saigon, libre comme à Strasbourg et à Metz. » (cité in Isoart, 1982, p. 45)
13 mars 45 : L’état-major de l’armée nippone déclare restituer son indépendance au Cambodge jusqu’alors sous protectorat français. Sihanouk se voit imposer par les nippons la présence d’un nationaliste, Son Ngoc Thanh (ministre des Affaires étrangères), revenu de Tokyo où il était exilé (voir 10 août). Sihanouk, peut-être contraint et forcé, dénonce le protectorat. Il organise une grande réception en l’honneur des Japonais où il se félicite d’appartenir « à l’ère de coprospérité de la Grande Asie orientale ». Il signe une série d’ordonnances pour rétablir le calendrier cambodgien et l’alphabet khmer tous deux supprimés par l’autorité française. Il fait également libérer d’anciens opposants au régime de protectorat (Cadeau, 2019, p. 112).
De Gaulle convoque l’ambassadeur américain à Paris et lui reproche en termes violents la position des U.S.A. Il joue déjà auprès de son interlocuteur la seule carte que les Américains puisse alors entendre en Indochine comme en Europe, celle de l’anticommunisme : « Comme je l’ai dit à M. Hopkins quand il était ici, nous ne comprenons pas votre politique. Voulez-vous par exemple que nous devenions un des États d’une fédération dominée par les Russes ? Les Russes continuent d’avancer rapidement, comme vous le savez. Si l’opinion publique, ici, se rend compte que vous êtes contre nous en Indochine, ce sera une déception terrible et qui sait à quoi cela peut nous mener ? Nous ne voulons pas devenir un pays communiste et tomber dans l’orbite russe. Mais j’espère que vous n’allez pas nous y pousser. » (cité in Wainstock, Miller, 2019, p. 37)
S’en prenant à Bao Daï, L’Humanité écrit : « Le bruit court que l’empereur d’Annam aurait proclamé l’indépendance (!?) de son pays et se serait placé sous la protection des Japonais. Attendons pour nous prononcer. Ce qui est sûr, c’est que la grande majorité des Annamites, Tonkinois, Cochinchinois, Laotiens, Cambodgiens haïssent les impérialistes nippons et luttent pour la libération de l’Indochine avec les troupes [françaises] restées fidèles. » (cité in Ruscio, 1985, p. 79)
Un télégramme d’Henri Bonnet (Ambassadeur de France à Washington) révèle aux Français que les Américains font volontairement traîner l’épineuse question des futurs théâtres d’opérations entre les États-Unis et la Grande Bretagne dans le Pacifique : « La délimitation des théâtres d’opérations britannique et américain n’est pas encore faite, les Américains ayant mis très peu d’empressement à y procéder. Le Commandement britannique s’impatiente. » (cité in Turpin, 2005, p. 96)
Le texte de la future déclaration du 24 mars est remis à De Gaulle. Il a largement été rédigé par Henri De La Laurentie (directeur des Affaires politiques au ministère des Colonies). Mais il est aussi le résultat d’un compromis entre tendances divergentes de différents ministères (voir 18 mai). Il est probablement retravaillé par De Gaulle et De Langlade. Il sera entériné par le conseil des ministres le 23 (Turpin, 2005, p. 101)
14 mars 45 : L'amiral américain Leahy confirme à l'amiral Fénard qu’aucune action américaine n'est envisagée pour l'Indochine (De Folin, 1993, p. 35).
Face à une situation catastrophique et au manque total d’appui des Alliés, message radiodiffusé de De Gaulle : « Quelles que soient les conditions dans lesquelles se trouve placée la résistance indochinoise, il est essentiel qu’elle se dresse et qu’elle combatte. Il y va, dans une appréciable mesure, de la victoire rapide et totale des Nations Unies en Extrême-Orient. Il y va de l’honneur de la France. Il y va de l’avenir de l’Indochine française. Oui, de l’avenir de l’Indochine française, car, dans l’épreuve de tous et dans le sang des soldats, est scellé en ce moment un pacte solennel entre la France et les peuples de l’Union indochinoise. » (cité in Turpin, 2005, p. 85 ; Isoart, 1982, p. 44). Un appel à une résistance désespérée aux accents typiquement gaulliens.
15 mars 45 : Roosevelt demande à Charles Taussing (conseiller du département d’État américain pour les Caraïbes) de lui donner son avis sur les questions coloniales en vue de la prochaine session des Nations-Unies. Selon les notes de Taussing, parlant des populations d’Extrême-Orient qui le préoccupent : « Notre but [celui des Américains] doit être de les aider à obtenir l’indépendance : un milliard cent millions d’ennemis potentiels représentent un danger […] Il [Roosevelt] dit que non, qu’il n’avait pas changé d’avis : l’Indochine française et la Nouvelle-Calédonie devaient être retirées à la France et placées sous tutelle. » Roosevelt accepte que la France assume provisoirement les obligations d’un conseil de tutelle à condition que l’indépendance soit l’objectif final (Halberstam, 1974, pp. 101-102).
16 mars 45 : Au Laos, la situation est totalement différente de ce que connaissent le Vietnam et le Cambodge. Le prince héritier, Savang Vatthana, ordonne un soulèvement général contre l’occupant japonais. Les troupes françaises seront soutenues dans leur repli en cours par le prince Bou Oum, seigneur de la région de Champassak, qui apporte également son soutien à la résistance française au printemps et à l’été 1945. Les Japonais entendent réagir contre cette opposition (voir 4 avril) (Cadeau, 2019, p. 113).
17 mars 45 : L’O.S.S. entre en contact avec le VM par le biais du lieutenant Charles Fenn. Par son biais, Ho rencontrera le général Chennault pour la première fois le 29.
Fenn a désormais le feu vert de l’ambassade des U.S.A. pour soutenir le mouvement communiste lui promettant un encadrement (voir 16 juillet) mais en lui fournissant très peu armes qui lui seront parachutées en mai. Les Américains envoient donc auprès du VM des armes et des instructeurs dans une base vietminh située dans la Haute-Région. Suite à ce premier contact, HCM aura des contacts en avril avec le major Archimedes Patti, simple officier subalterne, antifrançais, mais dirigeant l’O.S.S. en Indochine. Le premier séduit le second. En échange, le VM effectue quelques missions de renseignements et de sabotage mais en se gardant bien de s’opposer frontalement aux Japonais. Fall, en évoquant ce moment, parle d’« une résistance d’opérette ».
18 mars 45 : Bao Daï quitte Hanoï à l’aide d’un Dakota de l’armée américaine pour rejoindre Tchang Kaï Chek à Chungking (capitale provisoire du gouvernement nationaliste chinois). Il poursuit sa route et se rend à Hong-Kong où il va acquérir la réputation d’« empereur des boites de nuits » très peu préoccupé par le sort de ce qui est en train et va se passer au Vietnam.
La colonne Seguin, l’un des éléments de la brigade Alessandri, quitte Cho Don. Elle atteint Bao Lac le 22 et se heurte au VM. Attaquée d’autre part par les Japonais, elle parvient cependant à passer la frontière chinoise le 3 avril (Toinet, 1998, p. 66).
Première manifestation nationaliste vietnamienne à Saigon. Elle regroupe entre 3 000 et 50 000 Vietnamiens selon les sources. Il semblerait que l’on y voit pour la première fois l’apparition du drapeau jaune à bandes rouges du futur S-V (Cadeau, 2019, p. 112).
Au Cambodge, mise en place d’un gouvernement Sihanouk sous la tutelle des Japonais. Il se maintiendra jusqu’au 13 août (Jennar, 1995, p. 141).
18 - 27 mars : La colonne Caponni (voir 12 mars), autre élément de la brigade Alessandri, est accrochée par les Japonais les 22 et 23 et encerclée le 27 avant d’atteindre Houang Sou Phi à la frontière chinoise (Toinet, 1998, p. 65).
19 mars 45 : Roosevelt donne l’ordre d’aider la brigade Alessandri (voir 10 mars). Cette décision marque une certaine mais tardive inflexion du président américain dans sa conception anticolonialiste à l’égard de l’Indochine. Sans véritablement remettre en cause les convictions du président américain, elle est, selon De Folin, observable depuis fin 1944 (voir 25 mars) (De Folin, 1993, p. 69).
21 mars 45 : L’Inspecteur de la Garde indochinoise de Pontich rencontre Giap à Cho Ra et lui livre des armes en échange d’une collaboration de ses troupes contre les Japonais (Deroo, Dutrône, 2008, p. 14).
23 mars 45 : Le G.P.R.F. prend enfin la mesure de ce qui se passe en Indochine, et notamment de l’arrestation dès le 9 de Mordant par les Japonais (voir 12 mars). Le général Sabattier est officiellement nommé délégué général du gouvernement et commandant en chef en Indochine, décision sans véritable portée au vu de la situation (De Folin, 1993, p. 57).
Le conseil des ministres entérine le texte de la déclaration du 24 mars, fruit de longs débats et compromis (Turpin, 2005, p. 101).
23 et 28 mars 45 : Le lieutenant-colonel Reul (résistance française contre les Japonais) obtient un accord avec des chefs locaux du VM en échange de la remise d’armes. Ces petits arrangements locaux demeureront décevants pour les Français (Deroo, Dutrône, 2008, p. 14).
24 mars 45 : Négligeant complètement le fait que l’indépendance du Vietnam ait été accordée par les Japonais, le gouvernement gaulliste publie une charte promettant à l’ensemble de l’Indochine une vague autonomie politique et économique dans un cadre fédéral accordée par un nouveau texte, la « Déclaration du gouvernement en date du 24 mars 1945 relative à l’Indochine » (reproduite in D’Argenlieu, 1985, pp. 412-413). Elle est inspirée des principes de la conférence de Brazzaville de janvier - février 1944 et de la déclaration de De Gaulle sur l’Indochine du 8 décembre 1943 (voir cette date). Selon De Folin, « toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’Empire, toute constitution, même lointaine, de self-government dans les colonies était à écarter. » (De Folin, 1993, p. 82) Le texte a été élaboré et rédigé par le gouverneur La Laurentie, directeur des Affaires politiques au ministère des Colonies et Léon Pignon, haut fonctionnaire dans le même ministère et futur haut-commissaire. La Laurentie n’a jamais été véritablement convaincu par sa teneur. Selon Pignon, « l’élaboration de la déclaration du 24 mars a été longue et difficultueuse ; elle a été remise sur le chantier au moins sept fois et dans une large mesure elle constitue un compromis entre des tendances assez divergentes. » (cité in Turpin, 2005, p. 100 et Isoart, 1982, p. 48, note 157) C’est un texte important et durable qui sera défendu bec et ongles par D’Argenlieu jusqu’à son départ le 5 mars 1947. Et au-delà, avec des nuances, par tous les gouvernements de la IVe République jusqu’en 1954.
Il n’est plus question de colonie ni d’Empire mais d’un « État fédéral » dans lequel sont garanties les libertés démocratiques fondamentales, une autonomie douanière et économique, l’égalité de tous les « citoyens indochinois » devant l’emploi et l’accès à un enseignement primaire obligatoire. Il y est aussi question pour la première fois d’une « Union française dont les intérêts à l’extérieur seront représentés par la France », pour l’instant juridiquement inexistante et qui devra être définie par une constitution à venir (celle qui ne verra le jour que le 27 octobre 1946). Cette « Fédération indochinoise » sera dirigée par un « Gouverneur général » français. A l’heure des puissantes aspirations à l’indépendance totale et de la réunification du Vietnam, on ressuscite les « cinq pays » de l’Indochine française (Tonkin, Annam, Vietnam, Laos et Cambodge) qui auront leurs gouvernements et parlements respectifs mais seront élus au suffrage restreint mais n’auront, de fait, qu’un un rôle purement consultatif.
Ce texte sera rejeté d’entrée tant par les nationalistes que par le Vietminh, au Nord comme au Sud, car le maintien d’un gouverneur général nommé par Paris, sans responsabilité devant le Parlement « ne laisse d’inquiéter par les relents proconsulaires de son pouvoir. » Selon Francini, « La discordance est manifeste entre l’idée métropolitaine et la réalité indochinoise. » (Francini 1, 1988, pp. 214-215) De Folin note avec justesse : « On [à Paris] était loin d’avoir compris le mouvement nationaliste et anticolonialiste qui couvait un peu partout dans l’Asie du Sud-Est asiatique et qu’avaient attisé les Japonais. » (De Folin, 1993, p. 82)
La brigade Alessandri (voir 10 mars) rejointe par les troupes du général Sabattier est épuisée et se déplace vers le nord dans la région de Dien Bien Phu, renforcée par sa garnison et celle de Laichau. Les deux généraux sont rejoints par De Langlade et le colonel Passy (D.G.E.R.) qui leur donne l’ordre irresponsable venu de Paris de tenir la région en vue de passer à l’offensive, nouvelle preuve des illusions gaullistes. Subissant la pression des Japonais et du fait de nombreuses pertes, les rescapés se réfugient en Chine avec environ 5 700 hommes qui, sur ordre de De Gaulle, passent sous l’autorité de Tchang Kaï Chek (De Folin, 1993, pp. 56-57). Sainteny qui les a rencontrés note : « L’état de ces hommes est indescriptible. Ce qu’ils racontent de leur souffrance est à peine croyable, et l’épopée qu’ils viennent de vivre prend corps à nos yeux, grâce aux bribes de phrases que nous parvenons à leur arracher. » (Sainteny, 1967, p. 27) Ils sont d’entrée mal reçus : les Chinois les désarment dès leur arrivée. Le haut-commandement chinois les accueille officiellement, mais les commandants ou administrateurs locaux cherchent à entraver leur installation et à leur nuire par des tracasseries administratives en tout genre (Sainteny, 1967, p. 28).
De Gaulle reproche une nouvelle fois aux Américains par le biais de leur ambassadeur Cafferey l’absence d’aide matérielle : « Il semble clair que votre gouvernement ne désire pas aider nos troupes en Indochine. Rien n’a encore été parachuté. » L’ambassadeur objecte la distance. De Gaulle lui répond : « Non, là n’est pas la question. C’est une question politique, je pense. » (cité in Wainstock, Miller, 2019, p. 55)
Suite à une rumeur infondée annonçant le massacre en France de 8 000 étudiants vietnamiens, des bandes armées munies d’armes blanches molestent des Français à Saigon. La riposte japonaise est vive et la foule dispersée sans ménagement. Le sang coule. Cette vive réaction entraîne un retour au calme dans la ville qui se poursuivra jusqu’à la reddition des Japonais (Cadeau, 2019, p. 112).
25 mars 45 : Un officier américain équipé d’un émetteur radio est parachuté pour aider les troupes françaises en repli vers la Chine. A deux reprises, il fait intervenir l’aviation américaine contre les Japonais lancés à la poursuite des Français (voir 19 mars) (De Folin, 1993, p. 69).
27 mars 45 : Lettre du général Leclerc (futur commandant en chef lors de la reconquête de l’Indochine) visant à justifier l’accord du 24 mars et la nécessité « de trouver un gouvernement annamite » face à l’anarchie qui règne en Indochine et à l’hostilité à l’égard du retour des Français. Sans cet accord « imparfait », la reconquête du Tonkin lui paraît impossible (Brocheux, 2003, pp. 167-168). Leclerc qui a déjà pris la mesure de ce qui se passe en Indochine confiera un peu plus tard à Salan (délégué militaire pour l’Indochine du Nord) : « Mon plan vise à la nouveauté, trop de bouleversements se sont produits, il est impossible de maintenir l’ordre ancien. »
28 mars 45 : Un rapport de Paul Mus (alors agent de la France libre à Hanoi, très bon connaisseur de l’Indochine), rédigé début mars et arrivé à cette date au ministère des Relations extérieures ne mentionne toujours pas l’existence du nom « Vietminh ». Il évoque des communistes vietnamiens avec lesquels il suggère de prendre des contacts afin de mener une lutte commune contre les Japonais (Ruscio, 1985, p. 57) Les composantes du VM demeurent toujours mal connues des Français.
29 mars 45 : Le général Sabattier, délégué général du gouvernement et commandant en chef en Indochine depuis la capture du généraux Mordant et Aymé par les Japonais, reçoit un ordre de De Gaulle lui enjoignant de tenir la portion du Tonkin dans le secteur de Dien Bien Phu. Le colonel Passy (chef de la D.G.E.R.) et le commandant Langlade le rencontrent à l’aéroport de la localité. Les ordres de résistance émanant de Paris paraissent toujours aussi inapplicables (De Folin, 1993, p. 81 ; Toinet, 1998, p. 64).
Après une première prise de contact avec les Américains (voir 17 mars), HCM est reçu par le commandant de l’aviation en Chine du Sud, le général Chennault, commandant la 14e Air Force en Chine. C’est à cette occasion qu’est prise une photographie qu’Ho arborera souvent par la suite pour montrer ses bonnes relations avec les Américains (Devillers, 1988, p. 59 ; photographie reproduite in Marangé, 2012, p. 145). Il sera recruté comme « agent de renseignement n°19 » sous le pseudonyme de « Lucius ». Outre la fourniture de renseignements contre les Japonais, il recevra pour mission de récupérer les aviateurs américains tombés dans les zones contrôlées par une filière d’évasion vers la Chine tenues par le VM (Deroo, Dutrône, 2008, pp. 13-14).
31 mars 45 : Les légionnaires et artilleurs du groupement Prugnat appartenant à la brigade Alessandri passent la frontière chinoise (Sainteny, 1967, p. 31).