Mai 71 : Sondage analysant l’évolution de l’opinion publique américaine sur le conflit au Vietnam : pour 28 %, contre 61 %, sans opinion 11 % (Nouilhat in collectif, 1992, p. 60).
Selon Portes, 61 % des Américains considèrent que la guerre a été une erreur, 75 % souhaitent un retrait total « tout en émettant quelques réserves à propos du risque de victoire communiste » (Portes, 2008, p. 249).
Le bureau politique du Lao Dong, fortement soutenu par Pékin, décide de lancer en 1972 une offensive susceptible de provoquer la désagrégation du régime s-v. Ce sera l’offensive de Pâques (voir 30 mars 1972).
1er mai 71 : Les pacifistes de la Mayday Tribe dirigés par David Dellinger et Rennie Davis cherchent à « boucler la ville » de Washington. Environ 15 000 manifestants entrent dans la capitale fédérale de divers côtés. Équipés pour la circonstance, ils cherchent à entraver la circulation en s’allongeant sur les principaux axes de communication. 5 000 policiers et 41 000 soldats de la Garde nationale procèdent à de nombreuses arrestations (Wainstock, Miller, 2019, p. 270).
3 mai 71 : Seconde manifestation d’ampleur contre la guerre à Washington. Les manifestants bloquent l’accès aux bâtiments publics. Selon Debouzy, « le 3 mai après diverses manifestations, en fin de journée une marche conduite par le Dr Spock se dirigea du monument de Washington vers le Pentagone et fut suivie d’arrestations de masse. Le lendemain, après de nouvelles marches vers le ministère de la Justice et le Capitole les autorités instaurèrent le couvre-feu. » (Debouzy, 2003, p. 31)
Au Cambodge, formation d'un nouveau gouvernement Lon Nol mais le premier ministre, physiquement et mentalement diminué depuis son attaque d’hémiplégie, délèguera tous ses pouvoirs au prince Sirik Matak.
8 mai 71 : Retour de Lon Lol au Cambodge après un séjour de deux mois à Honolulu où il a été soigné dans un hôpital américain à la suite d’une attaque d’hémiplégie qui l’a laissé à demi paralysé (Sihanouk, 1979, pp. 257-258).
10 mai 71 : Nixon déclare accepter l’invitation de Zhou Enlaï pour se rendre en Chine. Avant cette visite, Kissinger doit s’y rendre secrètement pour en préparer le programme et entreprendre un échange de vues préliminaire (Nixon, 1978, p. 404).
Kissinger note dans ses mémoires, « depuis des mois, nous recevions des rapports de dissentiments entre Hanoi et ses deux puissants alliés. L’irritation de Hanoi contre Pékin s’insinuait en particulier dans certaines des réflexions que me faisait Le Duc Tho. » Sur ce point précis, il y a une première divergence d’opinion entre Nixon et Kissinger : là où Nixon considère l’axe Hanoi-Moscou-Pékin comme un seul et même combat, Kissinger préfère différencier les « pressions sur Moscou, Pékin et Hanoi de manière à isoler le Vietnam du Nord et à le démoraliser. » Kissinger précise dans ses mémoires : « Là où Nixon considérait la diplomatie comme un point de faiblesse potentielle, je la considérais comme une arme. » (Kissinger 2, 1979, p. 1 166)
Dobrynine (ambassadeur soviétique à Washington) remet une courte lettre de protestation des Russes au sujet des dommages causés aux bateaux par les bombardements américains et évoque les pertes humaines occasionnées. Mais le ton est loin d’être virulent (Kissinger 2, 1979, p. 1 248).
14 mai 71 : Hanoi répond tardivement à l’offre de reprise des négociations secrètes (voir 24 avril). Les N-V proposent une reprise le 30 mai mais les Américains repousse au 31 pour des questions de discrétion (Kissinger 2, 1979, p. 1 072).
16 mai 71 : Un rapport du M.A.C.V. reconnaît que l’addiction à l’héroïne atteint des proportions inquiétantes. 10 à 15 % des soldats de base sont atteints, ce qui représente environ un total de 37 000 hommes au sein de l’armée (Burns Siger, 1992, p. 126).
31 mai 71 : Reprise des négociations secrètes dans un contexte difficile pour les Américains du fait, d’une part, de la forte opposition à la guerre (Congrès, presse et récentes manifestations) et, d’autre part, de la position inchangée des N-V au sujet de l’éviction de Thieu. Nixon est sceptique quant à leur devenir et dit à Kissinger de présenter son plan en 7 points aux N-V comme une « toute dernière offre » (texte du plan cité in Kissinger 2, 1979, pp. 1 537-1 538, note 11; Portes, 2016, pp. 70-71).
Ce plan prévoit de proposer une date pour l’évacuation totale et unilatérale des troupes américaines (refusée antérieurement à Paris, voir mi-avril) en échange d’un arrêt des infiltrations après la conclusion d’un cessez-le-feu. Sans en avertir les S-V, l’idée des retraits mutuels a totalement disparu des pourparlers ce jour-là. Kissinger se contente d’un simple engagement à stopper les infiltrations et accepte donc implicitement le maintien de troupes n-v au S-V.
Les Américains proposent un cessez-le-feu « sur place » dans toute l’Indochine et ce, dès le début du retrait. Un calendrier serait élaboré d’un commun accord et sous contrôle international. Le Laos et le Cambodge, conformément aux accords de Genève de 1954 et 1962, redeviendraient indépendants et neutres. Il y aurait libération immédiate des prisonniers des deux camps. L’avenir politique du S-V serait laissé aux seuls S-V par le biais d’élections.
Le retrait américain est lié à un accord global sur tous ces points. Toutefois ce plan plutôt conciliant pour les N-V n’aboutira pas : Hanoi refuse le maintien de Thieu et son gouvernement au bénéfice d’un autre où figureraient des communistes (Kissinger 2, 1979, pp. 1 072-1 074).
La position américaine se fait de plus en plus flexible, du fait aussi de l’ouverture de la « diplomatie triangulaire » (U.S.A. – Chine - U.R.S.S.) jugée par Nixon et Kissinger comme une possibilité pour les États-Unis de sortir du conflit « la tête haute » (Hanhimäki, 2008, p. 58).
Après l’importante mobilisation d’avril (voir du 19 au 25 avril) qui a eu un vaste écho médiatique, 400 vétérans participent à une nouvelle marche dite opération P.O.W. (Prisoners of War). L’action se veut tout aussi symbolique que celles d’avril : les vets prennent en sens inverse le chemin du patriote Paul Revere qui, en 1775, avait donné l’alarme à l’approche des troupes anglaises. Eux entendent aussi « donner l’alarme » sur les méfaits de la guerre du Vietnam (Gibault in collectif, 1992, pp. 78-79).
Fin mai 71 : Poursuite des pourparlers secrets mais intermittents entre Kissinger et Le Duc Tho. Le principal obstacle demeure le statut final du régime de Saigon. Les Américains continuent à se heurter à leur manque d’influence politique face au régime du S-V. Thieu demeure la pierre d’achoppement, mais il n’y a toujours personne d’autre pour le remplacer et établir un compromis avec les N-V. Les communistes prétendront ultérieurement que Nixon et Kissinger ont manqué de peu la conclusion d’un règlement des négociations lors des élections au S-V de 1970, en soutenant Thieu au détriment de Nguyen Cao Ky ou du général Duong Van Minh.