Mai 65 : Sondage analysant l’évolution de l’opinion publique américaine envers le conflit au Vietnam : pour 52 %, contre 26 %, sans opinion 22 % (Nouilhat in collectif, 1992, p. 60).
L’escalade américaine pousse les dirigeants français à n’envoyer aucune délégation ministérielle à la conférence annuelle de l’O.T.A.S.E. qui se tient à Londres. Seul un observateur en la personne d’Achille Clarac, ambassadeur en Thaïlande, est dépêché. Ce dernier explique que les divergences de point de vue sont trop importantes et qu’il n’y a, du point de vue français, aucune chance de développer une action commune sur l’Indochine. La France ne claque pas la porte mais se met plus qu’en retrait (voir 23 avril) sans pour autant aller jusqu’à dénoncer le traité de Manille (Journoud, 2011, pp. 232-233).
Du fait de ses problèmes de santé récurrents, HCM commence à rédiger la première version de son testament. Il sera revu régulièrement par la suite au mois de mai qui correspond à celle de son anniversaire (Bui Tin, 1999, p. 101).
3 mai 65 : 3 500 hommes de la 173ème Brigade aéroportée arrivent au Sud-Vietnam pour protéger la base aérienne de Bien Hoa.
Au Cambodge, du fait de la poursuite des attaques et incursions frontalières contre les forces du VM, Sihanouk exécute la menace qu’il avait proférée à l’O.N.U. en octobre 1964. Il rompt ses relations diplomatiques avec les États-Unis. Il met un terme à l'acheminement de l'aide américaine établie en novembre 1963 et se tourne vers la République populaire de Chine et l'Union soviétique pour négocier une aide économique et militaire. C’est donc également, indirectement, une rupture définitive avec le S-V (Cambacérès, 2013, p. 138).
4 mai 65 : LBJ demande au Congrès une rallonge budgétaire de 700 millions de dollars pour couvrir l’augmentation des dépenses militaires au Vietnam. Il précise que cette demande pourra être revue à la hausse. Cette décision est alors peu contestée (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 443 ; Johnson, 1972, p. 179).
5 mai 65 : Une note de McNaughton (sous-secrétaire à la Défense) à Cyrus Vance (secrétaire adjoint à la Défense) observe que « les chefs d’état-major interprètent à leur façon la notion de renfort. » Ils entendent créer des enclaves côtières assurant la sécurité de ces zones où les troupes américaines se tiennent prêtes à intervenir en soutien aux troupes s-v dans un rayon de 80 km autour de chaque zone. Leur but n’est pas de porter la guerre mais d’interdire à l’ennemi l’accès à ces secteurs (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 430-431). Toutefois, à la même période, Westmoreland demande à LBJ de pouvoir utiliser ces forces comme auxiliaires de combat aux unités vietnamiennes en difficulté. Une annonce présidentielle publique sera faite en ce sens le 9 juin.
7 mai 65 : Le Congrès américain accorde à Johnson une rallonge de 700 millions de dollars pour intensifier la guerre.
Au Cambodge, vingt-et-unième gouvernement du Sangkum : gouvernement Norodom Kantol qui demeurera en place jusqu’au 25 octobre 1966 (Jennar, 1995, p. 160).
8 - 13 mai 65 : Première pause dans l’opération Rolling Thunder. Elle est trop brève pour qu’on en ressente les effets et que le gouvernement d’Hanoi puisse réagir, si tant est, par ailleurs, qu’il ait l’intention de le faire (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 501).
10 mai 65 : L'A.R.V.N. fuit la bataille qui l'oppose au Vietcong aux abords de Saigon. Elle est parfois terrorisée par le passage de sa propre aviation.
11 mai 65 : Après 2 mois de calme trompeur, Le Vietcong attaque et prend temporairement Songbe, une capitale provinciale proche du Cambodge, occupant la ville pendant 2 jours et infligeant de lourdes pertes aux défenseurs. C’est le début d’une série d’attaques du Vietcong durant lesquelles l’armée s-v ne subit que des revers (Bagia au Centre-Vietnam puis Dong Xoai en juin). Les pertes de terrain et les désertions dans ses rangs s’amplifient : le taux qui était de 50 % en 1964 atteint 113 000 hommes en 1965. Seule l’aide américaine peut la sauver d’une situation catastrophique. C’est ce que dira Westmoreland dans son rapport pessimiste du 7 juin : « Pour prendre en main la situation décrite ci-dessus, je ne vois pas d’autres moyens pour nous que d’accroître nos efforts au Sud-Vietnam en y envoyant des renforts américains ou venus de pays tiers [Corée du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande] le plus rapidement possible, dans les prochaines semaines. » (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 438)
12 - 18 mai 65 : LBJ ordonne une première pause totale de 5 jours et 20 heures dans les bombardements sur le Nord. Il tente un rapprochement avec Hanoi par le biais de Moscou (opération Mayflower). C’est essentiellement une opération de communication vers l’opinion internationale qui échoue car les N-V n’y répondent pas à 2 reprises, les 15 et 18 mai (Francini 2, 1988, p. 304).
Cette première pause inaugure une longue série d’autres qui seront toutes aussi infructueuses jusqu’à l’arrêt total des bombardements le 1er novembre 1968, date à laquelle les N-V accepteront de s’asseoir à Paris autour d’une table de négociations (dates, durées et caractéristiques de ces pauses in Johnson, 1972, p. 693).
13 mai 65 : Les États-Unis suspendent le bombardement du Nord-Vietnam durant 5 jours en vue d'obtenir un compromis avec Hanoï pour « un règlement politique » au Sud (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 416-417). Fort d'une guérilla chaque jour plus active et d'un soutien nord-vietnamien toujours plus important, le Vietcong attaque en plein jour une fabrique de textile située à 8 km au nord de Saigon.
14 mai 65 : Le Joint United States Public Affairs Office (J.U.S.P.A.O., Bureau conjoint des affaires publiques des États-Unis) est officiellement créé par l'instruction 186 émanant de l'ambassade américaine à Saigon (voir mars). Son rôle est d’assurer les relations avec la presse et de fournir les informations officielles émanant du Military Command Vietnam Office Information : les fameuses « Five o’clock follies » quotidiennes dont devront se contenter les nombreux journalistes qui ne se rendent pas sur le terrain. L’organisme possèdera ses propres locaux dans la capitale s-v et emploiera environ 200 personnes. Le directeur de l'U.S.I.S. au Vietnam, Barry Zorthian, est désigné comme son premier directeur. C’est un professionnel de la communication qui entretiendra de bonnes relations avec les journalistes en sachant modérer - autant que faire se peut - « la langue de bois » (Portes in collectif, 1992, pp. 120-121).
16 mai 65 : Un important teach-in (convention étudiante) a lieu à Washington pour protester contre la guerre, marquant ainsi une opposition croissante de la communauté universitaire américaine. 122 universités sont concernées par ces manifestations (Nouilhat in collectif, 1992, p. 63).
17 mai 65 : Clark Clifford (conseiller de Johnson) lui envoie une lettre dans laquelle il s’oppose à un déploiement de troupes : « Je crois que nos forces terrestres au Sud-Vietnam devraient être maintenues au minimum […] Je crains qu'une augmentation substantielle des troupes terrestres américaines ne soit interprétée par les communistes et par le monde comme une détermination de notre part à gagner la guerre sur le terrain. Cela pourrait devenir un bourbier. Cela pourrait se transformer en un engagement sans fin de notre part qui nécessiterait de plus en plus de troupes terrestres […] ».
Sihanouk annonce au parlement cambodgien la rupture des relations diplomatiques entre le Cambodge et les U.S.A. (Sihanouk, 1979, p. 242).
19 mai 65 : Après une brève trêve, les États-Unis reprennent l'opération Rolling Thunder sur le Nord-Vietnam.
20 mai 65 : Mémorandum de Walt Rostow (conseiller politique du département d’État) à Rusk intitulé « Victoires et défaites dans les guerres de guérilla : le cas du Sud-Vietnam ». La comparaison porte sur une échelle mondiale qui, selon lui, est plutôt rassurante : « Les communistes ne l’ont pas emporté parce que c’était impossible, et comme ils n’ont pas pu l’emporter, ils ont perdu la bataille en cédant au découragement. » (cité in Bodard, 1971, doss. Pentagone, pp. 246-248)
21 – 22 mai 65 : Le « Vietnam day » à l’université de Berkeley (San Francisco, Californie) réunit 30 000 personnes (Prados, 2015, p. 271). A cette occasion, l’écrivain anti-establishment Norman Mailer qualifie Johnson de « César » devant 20 000 personnes (Nouilhat in collectif, 1992, p. 63).
22 mai 65 : Témoignage des dissensions dans l’opinion publique américaine : la mère d'un jeune étudiant américain demande à retirer son fils du collège où « ont été projetés des films de propagande Vietcong ».
24 mai 65 : Cyrus Eaton, un industriel œuvrant pour la paix dans le monde, rapporte d'un récent voyage en Union Soviétique les propos du président du Soviet Suprême selon lesquels une guerre nucléaire menace d'éclater dans les 4 semaines à venir si « l'agression impérialiste se poursuit contre l'héroïque peuple du Vietnam ». Un simple coup de bluff diplomatique de la part des Soviétiques.
L'A.R.V.N. lance une vaste offensive dans les enclaves vietcong de Kontum.
29 mai 65 : Le Vietcong surgit de camps dissimulés dans la jungle pour mettre en pièce le 51e Régiment d'infanterie sud-vietnamien. Cette attaque préfigure la bataille de Ba Gia dans la province de Quang Ngai. Une fois de plus, l’A.R.V.N. se bat mal.
31 mai 65 : 50 000 Américains sont présents au S-V (Burns Siger, 1992, p. 2).
Fin mai - début juin 65 : Georges Reedy, l’attaché de presse de LBJ, est pris entre l’insistance croissante des correspondants à la Maison Blanche qui veulent savoir ce qui se passe au Vietnam et un black-out presque total sur le sujet imposé par le président. Selon Halberstam, « Reedy était en fait pris entre deux forces à l’œuvre dans l’Administration Johnson, les hommes qui prenaient les décisions secrètes sur le Vietnam comme s’ils faisaient partie d’une société fermée et la société américaine traditionnellement ouverte, représentée par la presse américaine. » (Halberstam, 1974, p. 529).