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par Jean-François Jagielski

Mai 1959

Mai 59 : Début de l'envoi d’un petit nombre de conseillers militaires américains au S-V.

Au cours de la 15e réunion du Comité central du parti communiste, les Nord-Vietnamiens décident de prendre en main l’insurrection naissante « pour y promouvoir la violence armée au sud » par le futur F.L.N. (carte in Tertrais, 2004, p. 34). Cette réunion marque le point de départ de l’insurrection au Sud. Les dossiers du Pentagone indiquent : « Les directives données par le Polit-bureau en mai 1959 indiquaient que le temps était venu d’entreprendre la lutte armée » (Les dossiers du Pentagone, 1971, p. 104).

Toutefois la mise en place du mouvement se fait lentement et surtout de manière autonome, sans qu’Hanoi intervienne beaucoup dans son élaboration. Nguyen Van Tien, membre du Comité central du F.N.L., racontera ultérieurement : « Nous étions, au début, totalement coupés du Nord, et en outre dispersés. Il y avait des maquis séparés, sans mot d’ordre ni objectifs communs. » Un autre membre, Tran Buu Kiem, indique de son côté : « L’aide du Nord, nous l’avons longtemps attendue. Puis nous avons compris que nous devions d’abord agir par nous-mêmes, nous débrouiller seuls, et que l’intervention de nos compatriotes du Nord ne serait jamais qu’un appoint, non un élément déterminant dans notre lutte. » (cité in Chaffard, 1969, pp. 231-232)

Un rapport des services de renseignements américains décrit la situation au Sud-Vietnam : Diem est « le chef incontesté » ; il manque toutefois de charisme et est décrit comme « un personnage un peu austère et lointain pour la plupart des Vietnamiens  qui n’ont pas manifesté beaucoup d’enthousiasme  à son égard » ; le régime de Diem est décrit « comme par-dessus tout autoritaire », qui n’accepte pas l’opposition tout en prétendant être « démocratique ». Diem multiplie les incohérences politiques dans les campagnes : non redistribution des terres, des conditions de sécurité drastiques qui dévalorisent la politique gouvernementale, un programme d’Action civique déplorable avec l’envoi de réfugiés du Nord (pour la plupart tous catholiques) dans les villages du Sud, la suppression des conseils de village et l’imposition de cadres étrangers, les déplacements arbitraires de population (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 98-99).

Une loi est votée au S-V qui durcit la répression pour « atteinte à la sécurité de l’État ». Toutefois la peine de mort est relativement rarement appliquée. La répression est confiée à des tribunaux militaires locaux (Rignac, 2018, pp. 142-143).


6 mai 59 : Diem promulgue sa loi de répression n° 10/59 visant à renforcer la lutte contre le terrorisme. Des tribunaux militaires d’exception sont instaurés et appliquent la peine de mort (Truong Vinh Le, 1989, p. 45). Selon Knöbl, cette loi répressive affecterait même ceux « ayant l’intention » d’attenter à la sécurité de l’État. Selon Burchett, « la guillotine mobile avait fonctionné dans le sillage des tribunaux spéciaux institués par la loi 10/59. » (Burchett, 1965, p. 13)

En 1960, sur une période de 5 ans, le ministère de l’Information s-v annoncera que la police a arrêté 25 700 « cadres communistes » et les milices provinciales 22 500. Selon Chaffard, 893 291 séances « d’éducation personnalistes » ayant réuni 18 759 111 personnes ont permis de démasquer 516 cadres et d’en rallier 3 250 (Chaffard, 1969, p. 215).


9 mai 59 : Au Laos, les 2 derniers bataillons de l'Armée de libération et de défense lao refusent d'intégrer l'armée régulière car les autorités gouvernementales proaméricaines interdisent la présence des responsables civils du Pathet Lao lors la cérémonie   d’intronisation : le gouvernement prend prétexte de l'incident pour faire arrêter le leader Souphanouvong et d’autres chefs du mouvement présents à Vientiane. Celui-ci ne parviendra à s'évader de sa captivité que le 23 mai 1960 (Burchett, 1970, pp. 144-146).


19 mai 59 : Création par les N-V du « groupe 559 », une unité de transport et de logistique chargée de créer une ébauche de la piste Ho Chi Minh qui vise à déplacer des troupes, des armes et du matériel du Nord-Vietnam vers les unités paramilitaires du Vietcong au Sud-Vietnam. Selon les mémoires de Nixon qui citent une « histoire nord-vietnamienne officielle », « […] le groupe 559, qui au début ne représentait que quelques centaines d’hommes transportant le matériel à bicyclette par des sentiers étroits, devient une force possédant de nombreux éléments : transport de troupes, génie militaire, infanterie, artillerie antiaérienne, ravitaillement en carburant, unités de communication, etc., totalisant des milliers d’hommes et des milliers de camions, organisés en nombreux régiments, divisions, campements, ateliers, stations, etc. Une route stratégique se créa portant le nom du grand Oncle Ho, qui traversait les montagnes de Troung Son (au Laos), reliait les champs de bataille et composait et composait un réseau relativement complexe de routes, de pipe-lines et de voies fluviales. » (cité in Nixon, 1985, p. 67)


​21 mai 59 : Alors qu’il suit une cure en France, Sihanouk est chaleureusement reçu par De Gaulle à l’Élysée. Dans Le Monde du 4 juin, Sihanouk dira de son hôte qu’il est « le seul des dirigeants occidentaux qui eût compris les problèmes du Sud-Est asiatique, et suggéré des solutions concrètes. » Les 2 hommes sont sur la même longueur d’onde, celle du neutralisme de l’Indochine (Cambacérès, 2013, p. 126 ; article non retrouvé dans les archives du Monde en ligne à cette date).

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