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par Jean-François Jagielski

Mai 1955

Mai 55 : A la demande de Bao Daï, l’ancien chef d’état-major de l’armée vietnamienne, Nguyen Van Hinh, se rend à la frontière cambodgienne pour soutenir avec des unités régulières les sectes qui s’opposent à Diem. L’affaire tourne court (Maigre, 1994, p. 37).


3 mai 55 : Exécution dans des conditions troubles et non éclaircies du général caodaïste dissident Trinh Minh The. Ce geste peut être imputé ou aux Français (suite à la mort du général Chanson, exécuté par un de ses sbires) ou à Diem qui voyait en lui un concurrent. C’est cette seconde hypothèse que soutient Burchett : « Plus tard, il [Diem] utilisa un général caodaïste, Tran Minh The (sic), pour les [les Caodaïstes] attaquer traitreusement dans la jungle où ils s’étaient réfugiés. Au cours du combat, les diémistes tuèrent The par-derrière, faisant ainsi d’une pierre deux coups. » (Burchett, 1965, p. 78) Selon Rignac, qui penche lui pour la première hypothèse, cette mort affecte fortement Diem (Rignac, 2018, p. 129).


4 mai 55 : Les troupes françaises évacuent définitivement Haïphong.


5 mai 55 : Diem refuse d’aller rencontrer Bao Daï à Cannes. L’autorité de l’ex-empereur sur le gouvernement actuel du S-V est inexistante.


7 mai 55 : Un an après la victoire de Dien Bien Phu, établissement par la R.D.V.N. de la « Zone autonome Thaï-Méo » dans tout le N-V (ouest du Fleuve Rouge et au nord du « saillant » laotien de Sammuea comprenant 500 000 habitants de 17 nationalités). Un texte n-v précise que cette zone n’est pas autonome de la R.D.V.N. mais que « néanmoins, contrairement à l’administration des autres zones administratives, les divers services de la zone autonome sont recrutés parmi les cadres locaux. » Le VM sait, pour séduire, s’adapter aux réalités locales, notamment lorsqu’elles ne lui sont pas forcément favorables (Fall, 1967, p. 176 ; carte in Fall, 1960, p. 63).


7 - 11 mai 55 : Edgard Faure (président du Conseil), Mac Millan (premier ministre britannique) et John Foster Dulles (secrétaire d’État américain) se réunissent à Paris. Face à l’intransigeance de l’Américain, travaillé par Lansdale et la C.I.A. dont le dirigeant n’est autre qu’Allen Dulles, le Français et le Britannique estiment du bout des lèvres que le maintien de Diem est nécessaire. Pour eux, le statut de chef de l’État acquis par Bao Daï doit également être maintenu. Les élections qui doivent être tenues pour juillet 1956 devront éclaircir la situation confuse entre Bao Daï et son premier ministre. Le Corps expéditionnaire français doit être maintenu. Ces décisions vont à l’encontre de ce qu’Ély pense car les rapports franco-américains l’ont déçu. Il songe donc de plus en plus au départ (Ély, 1964, p. 316).


10 mai 55 : Le Sud-Vietnam demande officiellement aux États-Unis de l'aide pour l'instruction des forces armées. Les Américains s’efforcent de modérer diplomatiquement les exigences de Diem en faveur d’un retrait rapide des Français, sans beaucoup de succès (Journoud, 2011, p. 71).


12 mai 55 : 3 600 réfugiés sont embarqués sur des bâtiments français et américains à Do Son, dernière tête de pont au nord du 17e parallèle qui sera définitivement évacuée le 15 (Cadeau, 2019, p. 534).


15 mai 55 : 300 jours après le cessez-le-feu, les derniers soldats français quittent Haïphong et plus généralement le Tonkin (Cadeau, 2010, p. 7). Ce départ est rendu difficile par le mouvement du million de Vietnamiens qui partent pour le Sud. Selon Ély, « l’exécution des opérations par Cogny fut remarquable. » Les relations entre les deux hommes sont excellentes et Ély se félicite de l’avoir conservé comme adjoint au Tonkin (Ély, 1964, p. 217).

Dans son ordre du jour n°4, Ély écrit : « Le dernier soldat français a quitté ce soir le Nord-Vietnam. L’épopée qui conduisit nos drapeaux  sur le Fleuve Rouge et aux frontières de la Chine s’achève […] Depuis trois cents jours, les forces du corps expéditionnaire […] ont tenu la parole de notre pays comme elle doit l’être, avec discipline, avec abnégation, avec fierté, avec une loyauté totale, dans un esprit d’honneur intact. Pat leur maintien à Haïphong, elles ont permis à des centaines de milliers d’hommes de choisir librement leur destin. Elles partent aujourd’hui la tête haute, leur tâche menée à bien. » (cité in Cadeau, 2019, p. 534).


15 - 17 mai 55 : 6 accords et 10 conventions de compétences techniques et juridiques sont signés avec la France en vue de l’indépendance du S-V (Toinet, 1998, p. 208).


16 mai 55 : Les États-Unis signent un accord militaire avec le Cambodge conforme aux stipulations de l’accord de Genève qui autorisait des aides « pour la défense efficace de son territoire ». Une ambassade américaine a été installée à Phnom Penh, munie d’un service culturel et social privé, l’Asian Foundation, financée par la C.I.A. Des pressions sont exercées par le bais du S-V et de la Thaïlande pour que la Cambodge abandonne sa position neutraliste Elles se manifestent par des incidents de frontière (affaire du temple de Preah Vihear revendiqué par la Thaïlande), des encouragements à la dissidence, des complots et le harcèlement de Sihanouk par l’ambassadeur américain, McClintock (Cambacérès, 2013, pp. 129-130).

Achèvement des opérations de transfert du réduit d’Haïphong comprenant les mines et houillères de Campha et Hongay (opération Saumon). Cette opération avait démarré le 18 avril (Cadeau, 2019, p. 533).


17 mai 55 : 8 accords de transfert avec la France terminent et concrétisent l’indépendance totale du S-V : financière, juridique, douanière et monétaire (Toinet, 1998, p. 208).


18 mai 55 : Date butoir pour la migration des populations entre le Nord et le S-V suite aux accords de Genève.


19 mai 55 : Pour l’anniversaire d’HCM, le général Nguyen Van Vinh de l’état-major d’Hanoi donne des instructions au colonel Vo Ban pour ouvrir une voie vers le Sud afin d’y acheminer du matériel et des hommes pour aller y combattre. C’est une toute première ébauche de la piste HCM (Ho Chi Minh trail) même si le concept de celle-ci est bien antérieur, apparaissant dès 1949-1950 juste après la victoire des communistes en Chine, notamment dans la pensée de Nguyen Binh (Spencer, Tucker, 2000, pp. 175-177 ; Goscha, 2005, p. 64).


20 mai 55 : Le général Navarre dépose devant la commission d’enquête et remet un volumineux dossier sur son commandement en Indochine pour contrer celui de Cogny (voir 12 mars). Cette audition de l’ancien commandant en chef sera la seule et unique. Les membres se borneront par la suite à lui demander des notes ou commentaires écrits (notamment lorsqu’il y aura désaccord avec ce que produit Cogny). Du côté des hommes politiques, seul Marc Jacquet (États associés) sera auditionné. Côté responsables militaires ne seront auditionnés ni les chefs d’état-major des Armées de terre ou de l’air ni Ély, ancien chef d’état-major des Forces armées, pourtant présent en France en juin 1955 mais qui ne se manifeste pas. Navarre fournira de sa propre initiative aux membres de la commission une « Note sur les répercussions militaires de la Conférence de Genève ». Jugée hors-sujet, elle ne sera pas prise en compte par la commission (cette note personnelle de Navarre est reproduite in extenso in Navarre, 1979, pp. 459-461 ; Cadeau, Cochet, Porte, 2021, p. 242).


28 mai 55 : L’ambassadeur à Saigon Frederick Reinhardt présente ses lettres d’accréditation. Il demeurera en poste jusqu’au 10 février 1957.

Ély rencontre Diem et lui propose de demander à Bao Daï d’arbitrer la situation de conflit avec les sectes. Refus de l’intéressé. Diem refuse également de donner les pleins pouvoirs à Ély sur l’armée et la police. Il relève de ses fonctions Lai Van San, chef de la Sécurité nationale et homme de main de Bay Vien (leader des Binh Xuyen) en faisant venir un bataillon de parachutistes à Saigon. Celui-ci se rebelle et met le feu aux poudres (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 57).


​31 mai 55 : Un arrêté du ministre de la Défense autorise finalement la mise en place de la commission d’enquête sur le commandement de Navarre réclamée de longue date par lui. Il est publié dans la presse. Il doit « émettre un avis […] sur la conduite des opérations ayant abouti à la bataille de Dien Bien Phu […] et « déterminer les responsabilités aux divers échelons. » Il n’est donc en aucun cas envisagé d’aborder la question du rôle des politiques dans l’échec, au grand dam de l’intéressé (Navarre, 1956, p. III, note 1).

Le général Ély  fait publier les Enseignements de la guerre d’Indochine. Curieusement, selon Bodinier, « le premier fascicule, qui n’a pas été retrouvé dans les archives, concern[ait] le haut-commandement. » Seuls les 2 autres, sans doute plus anodins, seront publiés (voir bibliographie) (Bodinier, 1994, p. 71).

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