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par Jean-François Jagielski

Mai 1945

Mai 45 : La France ne dispose que de 5 700 hommes de l’armée régulière indochinoise en Chine dont une partie est désarmée, malade ou épuisée. C’est une armée pléthorique. Les groupes d’action français ont été anéantis (dont le groupe Dampierre) ou ont dû repasser en Chine (groupe du lieutenant Seguin ou du lieutenant-colonel Vicaire) (Francini 1, 1988, p. 218).

HCM établit son P.C. à Tran Tao (60 km de Hanoi, district de Son Duong) et se lance à la conquête du delta tonkinois. Il y fait circuler des tracts avec un programme en 10 points : distributions aux pauvres des biens des riches, suffrage universel, redistribution des terres, abolition des impôts, égalité pour tous. Le VM contrôle à cette époque 6 provinces du Viet Bac, soit environ un million de personnes (De Folin, 1993, pp. 80-81).


3 mai 45 : Giap ouvre les premières écoles politico-militaires en Indochine.

Truman fait savoir à Georges Bidault (Affaires étrangères) qu’il n’y a jamais eu de déclaration officielle américaine s’opposant à un retour de la France en Indochine et à la reconnaissance de sa souveraineté sur la péninsule. Pour autant, le nouveau président américain n’a pas abandonné les préoccupations de Roosevelt sur le sort des populations indochinoises (voir 12 avril) (Pedroncini, 1992, p. 57).


4 mai 45 : Le nom « Vietnam » remplace celui d’Indochine dans la terminologie officielle.


5 mai 45 : Le groupement du Fleuve Rouge commandé par le général Alessandri arrive à la frontière chinoise à Szé Mao (Sainteny, 1967, p. 31).


7 mai 45 : Ho Chi Minh constitue un comité de libération.


8 mai 45 : Naissance du premier gouvernement vietnamien mais sans ministre de la Défense (compétence qui demeure entre les mains des Japonais). Il est composé de modérés (médecins, hommes de loi, professeurs) qui ne sont pas de fervents pro-japonais. Son autorité s’étend sur l’Annam et le Tonkin, celui-ci étant rattaché à l’empire d’Annam depuis fin avril 1945. Bao Daï fait part de son désir de gouverner pour le peuple. Le nouveau gouvernement tente des réformes fiscales et administratives qui n’auront pas le temps d’aboutir. La langue française est abolie des écoles primaires. (Cadeau, 2019, p. 109).

Conférence de San Francisco (qui prépare la naissance de l’O.N.U.). Georges Bidault (ministre des Affaires étrangères) a un entretien avec Truman et réaffirme la volonté des Français de se battre contre la Japon. Stettinius (secrétaire d’État) fait savoir de nouveau à Bidault qu’« aucune déclaration officielle ne mettra en question la souveraineté française sur l’Indochine. » (De Folin, 1993, p. 71) Au cours d’une rencontre entre Bidault et Stettinius, ce dernier réaffirme (voir 13 avril) que « les États-Unis n’ont jamais remis en cause, même indirectement, la souveraineté française en Indochine. » (cité in Nguyen Phu Duc, 1996, p. 34-35) Bidault est « soulagé ».


10 – 11 mai 45 : Création d’un Corps de liaison administrative pour l’Extrême-Orient (C.L.A.E.O.) Selon la Direction de l’Indochine au ministère des Colonies, il a une double mission : suivre l’avancée des troupes et assurer la liaison entre les populations libérées et les libérateurs ; opérer la relève administrative de l’ancien personnel de la colonie. Il n’entrera en fonction qu’après le coup de force japonais du 9 mars, mais avec de nombreux retards, faute d’une préparation active (Turpin, 2005, pp. 108-109).


18 mai 45 : Après avoir été reçu par le général d’aviation américain Chennault le 29 mars, HCM rencontre pour la première fois le major Patti de l’O.S.S. qui l’appuiera (Devillers, 1988, p. 59).


20 mai 45 : Premier tableau complet de la vie politique vietnamienne dressé par un Français. Son auteur est Louis Arnoux qui avait commencé sa carrière dans les services de renseignements et a été chef de la Sûreté indochinoise sous Decoux. Il établit le premier rapport nourri capable de cerner la véritable nature du VM qui échappait largement jusqu’alors aux Français : « Mai 1941. En Chine, un congrès est tenu à Tsin Tsi (Kouang Si) sous la direction de Nguyen Ai Quoc, en mai 1941. Le leader qui dissimule sa véritable identité et se fait appeler Nguyen Tat Thanh (actuellement Ho Chi Minh) réussit à grouper autour de lui  la majeure partie des anciens émigrés (certains le sont depuis 1929 ou plus) et la plupart des rebelles de Lang Son. » Selon l’auteur du rapport, Nguyen Ai Quoc a su habilement tenir compte de la poussée nationaliste et a renoncé à évoquer clairement la dimension communiste de son mouvement (Ruscio, 1985, p. 57).


22 mai 45 : Le général Juin rencontre le général Marshall et l’amiral Leahy. Ces derniers confirment qu’aucune opération de grande envergure n’est programmée en direction de l’Indochine dans un avenir proche. La demande française de participer à d’éventuelles opérations alliées en Indochine n’a donc pas lieu d’être (Turpin, 2005, p. 93). Même la participation de la France à la guerre contre le Japon est repoussée.


25 mai 45 : Le général Wedmeyer (chef d’état-major de Tchang Kaï Chek et commandant les forces américaines en Chine) et Hurley (ambassadeur des U.S.A. en Chine) se plaignent conjointement des initiatives de Mountbatten en Indochine : « Votre décision de mener des opérations sans l’accord du généralissimo [Tchang Kaï Chek] est une violation de notre compromis. » (cité in De Folin, 1993, p. 62).

Le général Juin renouvelle son offre aux Alliés de mettre un corps expéditionnaire français à leur disposition. Un mémorandum leur sera remis le 29. La participation française se manifesterait par l’envoi de deux divisions blanches : le C.L.I. et la brigade de Madagascar mis à la disposition du S.E.A.C. Cette proposition adressée au C.C.S. n’aboutira pas (voir 19 juillet) (Bodinier, 1987, p. 31).


26 mai 45 : Le Comité d’Indochine désigne le général Leclerc comme chef du corps expéditionnaire. Ce dernier le constitue en France pour renforcer les faibles troupes françaises présentes en Indochine. Il est constitué de la 9e D.I.C. renforcée d’autres troupes diverses : le 5e R.I.C. (1 200 hommes), la brigade de Madagascar (7 000 hommes mais pas tous aptes), une brigade marine d’Extrême-Orient (2 400 hommes), les 5 000 hommes repliés en Chine (reliquats de la brigade Alessandri, désarmés…). Comme le fait observer l’un des membres du Comité quelque peu désabusé : « Si nous manifestons une force suffisante et avec de sûres intentions, nous pouvons effacer l’impression désastreuse d’un récent passé. Dans le cas contraire, c’est l’aventure. » (Bodinier, 1987, pp. 25-26). Un problème supplémentaire se pose : la nécessité d’utilisation modérée de troupes noires car une forte présence de ce type de forces serait très mal perçue par les Annamites. Sachant que, de plus, les troupes noires sont peu favorables à un engagement en Extrême-Orient qui les éloignerait encore plus de chez eux. Il faut donc composer avec des moyens que la France ne possède pas vraiment et des variables ethniques complexes…


27 mai 45 : Le Corps léger d’intervention, devenu 5e R.I.C., débarque à Ceylan. Il ne dispose alors que de 948 hommes (Pedroncini, 1992, p. 85).


28 mai 45 : De Chunking, le général Sabattier (commandant les troupes françaises en Chine) envoie une note à son gouvernement qui va dans le sens de la pensée gaullienne. « Il est bien évident que le problème Indochine est présentement avant tout un problème militaire. L’Indochine doit être reprise par les armes. Plus grande sera la part de la France dans l’effort nécessaire pour chasser les Japonais d’Indochine plus affermi seront, vis-à-vis des Indochinois et des Alliés, ses droits au rétablissement de sa souveraineté dans le pays. » Selon les affirmations reçues, les Japonais opposent les Indochinois aux Français en les accusant d’avoir accaparé les réserves alors que le Nord connaît la disette. L’attitude des autorités chinoises demeure ambiguë. Malgré leurs déclarations bienveillantes sur le retour des Français, elles entretiennent « officiellement et clandestinement des relations en Chine et en Indochine avec des pirates, des révolutionnaires, des communistes et des nationalistes annamites ». La situation au Tonkin demeure particulièrement chaotique. Des efforts de propagande sont faits pour laisser croire à la défaite des Japonais mais des chefs de « bandes » assez incontrôlables ne coopèrent pas et terrorisent « les petits fonctionnaires indigènes qui ne s’éloign[ent] pas de nous ». Quand on renonce à la force, « l’action politique » s’avère inefficace. Les Japonais arment ces « bandes », entretiennent un climat violent et veulent même créer une armée indochinoise. « C’est au gouvernement français qu’il appartient à l’occasion d’apprécier les dangers qui peuvent, qui pourront se présenter d’un côté comme de l’autre, de choisir et éventuellement de décider. » (Bodinier, 1987, pp. 143-147)


29 mai 45 : Hurley (ambassadeur des U.S.A. en Chine) télégraphie à Truman un message lui indiquant que Mountbatten contrarie « la politique américaine » et veut « rétablir l’impérialisme français. » (De Folin, 1993, p. 62)

​30 mai 45 : Au Cambodge, Son Ngoc Thanh, un pro-japonais exilé, rentre à Phnom Penh et devient ministre des Affaires étrangères.

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