9 mai 41 : Une convention de paix (et non un traité) est signée entre la France et la Thaïlande sous la pression des Japonais. La France exprime ses réserves du fait de la contrainte subie et d’importantes pertes de territoires au Laos et au Cambodge (voir 19 janvier) (De Folin, 1993, p. 28 ; Valette, 1993, p. 99). L’Union indochinoise se voit amputée de 70 000 km2. Le Japon sort gagnant de ce conflit. Il obtient des bases navales et aériennes en Thaïlande et a imposé le 6 mai à l’Indochine un accord économique et financier (exploitation et exportation des richesses minérales et énergétiques en provenance de l’Union) (Cadeau, 2019, p. 77).
« Étrange médiation » du Japon qui impose à la France un traité signé à Tokyo favorable aux Thaï : le Cambodge perd la province de Battambang et une partie importante des provinces de Siem Reap, Kompong Thom et Stung Treng, à l'exception du complexe des temples ; le Laos perd deux territoires sur la rive droite du Mékong (Franchini 1, 1988, p. 156).
10 - 19 mai 41 : 8e plénum du P.C.I. à Tsin Tsi, province du Kwang Si (Tonkin), à 100 km au nord de Cao Bang. Y participent : Nguyen Ai Quoc, Ho Tung Mau, Vo Nguyen Giap, Pham Van Dong, Ha Ba Cang, Dang Xuan Khu. C’est à cette occasion qu’a lieu la première rencontre entre le futur HCM et Giap. Ce dernier à déjà la réputation d’être l’un des meilleurs organisateurs du P.C.I. (Fall, 1960, p. 183).
Nguyen Ai Quoc pense qu’il faut rassembler tous les patriotes, quelle que soit leur classe sociale. C’est lors de ce plénum qu’est créé le Front de lutte pour l’indépendance du Vietnam (Vietnam Doc Lap Dong Minh qui sera abrégé en Vietminh). Le mot « communiste » est abandonné au profit de mots d’ordre plus nationalistes, plus mobilisateurs au vu de l’invasion japonaise. Nguyen Ai Quoc doit être suffisamment souple pour s’adapter aux circonstances, contrôler les masses en vue d’un combat contre une double occupation française et japonaise. Il doit former une armée nationale révolutionnaire sur le modèle chinois de guérilla et assurer avant tout la primauté du politique sur le militaire. Un nouveau programme de lutte est défini, occultant la lutte des classes et mettant en sourdine la future révolution agraire au profit d’un front nationaliste qui doit « chasser les fascistes français et japonais, en alliance avec les démocraties en lutte contre le fascisme et l’agression ».
Le programme élaboré à Tsin Tsi est fondamental car le VM ne s’en écartera jamais : « chasser les Japonais et les Français », « rendre le Vietnam indépendant » (« Doc Lap »), faire une « alliance avec les démocraties qui combattent le fascisme et l’agression » (Américains, Gaullistes, Chinois), « édifier une République démocratique du Vietnam » (avec une large représentation populaire, contrairement à certains autres mouvements nationalistes demeurés groupusculaires). On renonce temporairement à la révolution agraire car, selon Giap, « lutter, c’était élargir et consolider la solidarité », sans heurter qui que ce soit par des réformes qui auraient pu diviser le mouvement. La grande union nationale prônée par le futur Ho Chi Minh n’est pas une tactique de circonstance mais une stratégie à long terme qui ne prendra fin qu’avec l’avènement du Lao Dong le 3 mars 1951 (Franchini 1, 1988, p. 159-160 ; Deroo, Dutrône, 2008, p. 11 ; Devillers, 1952, pp. 97-100 ; Giap 1, 2003, p. 21)
Le VM se dote également d’un programme de politique sociale basée sur 10 points avec respect des libertés fondamentales qui visent à gommer l’aspect purement communiste du mouvement pour ratisser large : abolition des impôts personnels, égalité des sexes, droit de réunion, protection sociale en cas d’accident, journée de travail de 8 heures, minimum salarial (Marangé, 2012, p. 136).