Juin 67 : McN demande à McNaughton (sous-secrétaire à la Défense) de commencer à réunir les documents qui deviendront les Pentagon Papers. McN demande un travail « encyclopédique et objectif » (Pentagon Papers, Final Report OSD Vietnam Task Force & Index, 15 janvier 1969). 6 puis 36 analystes doivent ratisser large : Défense, C.I.A., département d’État et Maison Blanche (mais les archives resteront inaccessibles pour cette dernière). Les analystes qui travaillent au projet sont dirigés par Leslie H. Gelb. Ni Johnson ni Rusk ne sont mis au courant de la mise en chantier du projet (McNamara, 1996, p. 271-272).
Le cargo soviétique Turkistan est touché dans le port de Campha. Simple protestation des Russes (Toinet, 1998, p. 315).
Les Américains continuent à envoyer des renforts sur Khe San (26e Marines) où les accrochages se font de plus en plus sévères sur les collines 881. On réoccupe et améliore les bunkers laissés par les Français. Du fait de la mousson, l’aviation intervient peu (Herr, 1980, p. 116).
Des scientifiques et des intellectuels de France, d’U.R.S.S., de Grande Bretagne et des États-Unis (dont Kissinger, alors professeur à Harvard) se réunissent à Paris. On évoque le Vietnam. Il est décidé d’envoyer un scientifique français, Herbert Marcovitch, à Hanoi pour sonder l’attitude des N-V au sujet d’éventuelles négociations de paix. Raymond Aubrac, ami de Marcovitch et hôte d’HCM lors de son séjour en France (voir 31 mai 1946 et fin juillet 1946), l’accompagnera pour rencontrer son vieil ami HCM. C’est l’amorce de l’opération Pennsylvania (voir mi-juillet).
Au Cambodge, confrontés à la répression gouvernementale, Chea Sim et Heng Samrin rejoignent à leur tour le maquis.
6 juin 67 : Nguyen Huu Tho (président du F.N.L.) fait parvenir à Sihanouk une lettre qui engage officiellement son mouvement à reconnaître et respecter les frontières actuelles du Cambodge (Tong, 1972, p. 125). Reconnaissance tout à fait provisoire car particulièrement litigieuse depuis des lustres.
8 juin 67 : Après le F.N.L. (voir 31 mai), la République Démocratique du Vietnam reconnaît le Cambodge dans ses frontières de 1954. Pham Van Dong envoie une lettre à Sihanouk dans laquelle il affirme « solennellement qu’il reconnaît et s’engage à respecter l’intégrité territoriale du Cambodge dans ses frontières actuelles et s’engage à les respecter ». La réalité sera tout autre avec la constitution de sanctuaires sur les zones frontalières qui aboutiront à la crise de mars 1970 (Tong, 1972, p. 187).
10 juin 67 : Troisième raid aérien visant une centrale électrique dans Hanoi, sans succès. Nouveaux dégâts dans la périphérie de la ville. Selon De Quirielle, « dans la banlieue, les agglomérations de Ha Dong et Van Dien furent sauvagement frappées. » (De Quirielle, 1992, p. 119)
11 juin – 9 août 67 : Les Américains stoppent partiellement les bombardements pour une durée de 59 jours dans un rayon de 18 km autour de Hanoi (Johnson, 1972, p. 693).
12 juin 67 : McN et Cyrus Vance (sous-secrétaire à la Défense) conseillent au président de rejeter les demandes en effectifs des états-majors, s’appuyant pour cela sur un rapport de la C.I.A. qui souligne l’opiniâtreté des N-V et les risques de guerre avec la Chine et l’U.R.S.S. (McNamara, 1996, p. 268).
15 juin 67 : Une attaque du Vietcong à la roquette sur la base aérienne de Da Nang fait 8 tués et 170 prisonniers. 10 avions sont détruits et 2 endommagés (Burns Siger, 1992, p. 47).
17 juin 67 : Début de la collecte de documents sur ordre de McNamara, qui ne croit plus en une possibilité de victoire américaine, et donne l’ordre d’établir par un ensemble de hauts fonctionnaires civils et de cadres militaires ce qui va devenir les Pentagon Papers. Leur travail durera environ 18 mois et aboutira à la rédaction de 47 volumes. Les rédacteurs ne travailleront que sur pièces, sans être autorisés à mener leurs investigations plus loin en allant interroger les « acteurs ».
21 juin 67 : Évoquant le conflit entre Israël et les pays arabes (Guerre des Six Jours), De Gaulle revient sur le conflit vietnamien dénonçant une fois de plus l’intervention des Américains et rappelant que seul « le retrait de leurs forces dans un délai déterminé pouvait mettre fin aux combats. » L’allocution est reprise par le journal du parti n-v qui titre « Le président De Gaulle déclare : « Il est impossible d’aboutir à un règlement pacifique de la situation actuelle à moins que les États-Unis ne retirent leurs forces du Vietnam. » » (De Quirielle, 1992, p. 195)
22 juin 67 : Au Cambodge, ouverture à Phnom Penh d'une représentation permanente du Front national de libération du Sud-Vietnam (F.N.L.) qui, du moins officiellement, vient de reconnaître les frontières du pays khmer dans ses limites de 1954.
23 juin 67 : LBJ reçoit Kossyguine à Glasboro dans le New-Jersey. Par son intermédiaire, le président russe informe son homologue d’un message des autorités d’Hanoi déclarant qu’une interruption des bombardements sur le N-V pouvait entraîner une ouverture des discussions. Elles pourraient démarrer un jour ou deux après la fin des bombardements. LBJ considère l’offre « comme extrêmement sérieuse » mais constate que 5 divisions n-v sont concentrées au nord de la D.M.Z. et menacent directement la région tenue par le 1er Corps. Or seules les attaques aériennes sont en mesure de gêner les lignes d’approvisionnement n-v (Johnson, 1972, pp. 312-313).
24 juin 67 : Au Cambodge, la représentation de la République Démocratique du Vietnam du Nord (R.D.V.N.) est élevée au rang d'ambassade.
25 juin 67 : Alors que Kossyguine est toujours aux U.S.A., après avoir consulté Rusk et McN, LBJ informe son homologue russe que les États-Unis sont prêts à stopper les bombardements s’il y a respect d’un retrait commun aux abords de la D.M.Z. La proposition paraît « dans l’ensemble » satisfaisante à Kossyguine qui la transmet à Hanoi. Selon LBJ, aucune réponse ne parviendra ni d’Hanoi ni de Moscou (Johnson, 1972, pp. 312-313).
28 juin 67 : Au Cambodge, signe de tension avec le régime de Sihanouk, des étudiants mettent à sac les locaux du journal de droite Khmer Ekareach, dirigé par Sim Var.
Raymond Aubrac est contacté à Rome par Emmanuel d’Astier De la Vigerie (ancien résistant ayant dirigé le mouvement Libération-Sud) qui lui demande de le retrouver le lendemain à Paris au domicile d’Étienne Bauer, également ancien résistant et membre de la direction de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires.
Il y rencontre les membres du comité exécutif de Pugwash, un groupe de scientifiques internationaux de haut niveau dirigé par Bertrand Russell qui s’est formé en juillet 1955 pour mesurer l’impact de leurs découvertes après l’utilisation de l’arme atomique au Japon. Le groupe a pris le nom de Pugwash (un village canadien où s’est tenue sa première réunion) en juillet 1957.
Le groupe est discret mais influent puisqu’il rend compte de ses travaux aux chefs d’État dont ils dépendent (à l’Est comme à l’Ouest) (Aubrac, 2000, pp. 319-321). Kissinger est à Paris. Il a déjà participé aux activités du mouvement en tant que professeur de sciences politiques. Il n’a aucune fonction officielle dans l’administration Johnson quoiqu’il laisse entendre dans ses mémoires dans lesquelles il ne mentionne d’ailleurs même pas le nom du groupe Pugwash comme étant à l’origine de l’initiative en cours (Kissinger 1, 1979, p. 243).
29 juin 67 : Nouvelle réunion du groupe Pugwash. Selon Aubrac, c’est sur une initiative personnelle de Kissinger que vient la mission qui lui est confiée ainsi qu’à Herbert Marcovitch (microbiologiste, directeur à l’institut Pasteur) : « Il ne s’agissait pas d’arrêter la guerre d’un coup de baguette magique, mais d’en enrayer l’escalade. Si les Américains cessaient les bombardements du Nord-Vietnam et si les forces du Front national de libération au Sud n’étaient pas augmentées, mais recevaient seulement du Nord les approvisionnements en vivres et munitions nécessaires à leurs effectifs actuels, alors l’escalade s’arrêterait et on pourrait envisager le début de la négociation. »
Les 2 émissaires la jugeant recevable l’acceptent. Kissinger ne vient pas, se contentant d’un simple coup de téléphone pour s’assurer que les 2 hommes ont bien compris ce qu’on leur demandait. Aubrac n’apprécie pas cette absence. On rappelle Kissinger qui finalement fait une courte apparition, éludant une question d’Aubrac quant à la présence du F.N.L. au sein de la négociation (Aubrac, 2000, p. 325).
Fin juin 67 : A l’approche des élections prévues pour le 3 septembre, une rivalité éclate entre Nguyen Van Thieu et Nguyen Cao Ky qui visent tous deux le poste de futur président du S-V. Ils portent leur différend devant le Conseil des Forces armées qui doit trancher. Après de longs débats, un compromis est trouvé : Thieu visera la présidence et Ky la vice-présidence. Selon LBJ, le bouillant Ky fait ici preuve de faire-plait car, depuis deux ans, c’est lui qui avait dirigé le gouvernement et jouissait d’un soutien considérable au sein de l’armée.
Toujours selon le même, la campagne électorale « fut rude mais honnête » : 11 listes de candidats sont établies et chacun d’entre eux peut présenter son projet. La campagne est contrôlée par des observateurs étrangers, notamment des fonctionnaires des ambassades de Saigon. Les journalistes scrutant le processus électoral dénoncent les habituelles tentatives de corruption. A la veille des élections, les Américains dépêcheront 22 élus américains démocrates et républicains et d’autres notables pour surveiller les irrégularités. Ils rendront compte au président américain de leur mission le 6 septembre (Johnson, 1972, pp. 320-322).