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par Jean-François Jagielski

Juin 1966

Été 66 : Le pessimisme de McN et de son adjoint McNaugthon est contredit par l’optimisme affiché de Rusk (« La situation en est arrivée au point où le Nord-Vietnam ne peut pas gagner »), de Rostow (nouveau secrétaire d’État à la Sécurité nationale, « Nous n’avons pas touché au but mais nous avançons. »), de l’ambassadeur Lodge (« L’aspect militaire de cette guerre va bien […] ce qui veut dire que le vrai danger – le seul danger – serait que le peuple américain perde courage et choisisse de « ramener les boys à la maison. Ce serait réellement le premier « domino » à tomber. »), de Komer (responsable de la guerre anti-insurrectionnelle, de retour du Vietnam qui fait savoir qu’il est à la fois « optimiste et réaliste. ») (cité in McNamara, 1996, pp. 254-255).


Juin 66 : Premiers signes publiques de désaffection envers McN : dans 2 établissements universitaires, lors de la remise d’un diplôme honoris causa, le corps enseignant et certains étudiants quittent la salle en sa présence. McN observe que ce sont les meilleurs étudiants qui désertent. Il note aussi l’apparition de manifestations dans les meilleures universités : Berkeley et Stanford.

C’est en mentionnant une visite à Harvard qu’il note rétrospectivement dans ses mémoires : « […] puisque la guerre ne se déroulait pas comme on l’espérait, des chercheurs futurs souhaiteraient sûrement étudier pourquoi, et j’estimais prévenir des erreurs semblables à l’avenir. Une idée qui aboutirait en définitive aux Pentagon Papers. » (McNamara, 1996, pp. 247-248 et p. 250)

Les frappes P.O.L. (visant les hydrocarbures) à proximité des grandes villes entraînent une riposte des N-V. Ceux-ci utilisent des batteries de missiles antiaériens soviétiques S.A.M. qui commencent à infliger des pertes sévères à l’Air Force et à l’aéronavale (Baulon, 2009, p. 440).

McN lance le « Programme 3 » qui prévoit la présence de 391 000 soldats américains (79 bataillons) pour la fin de l’année et 431 000 pour juin 1967. Face aux critiques de la presse et des chefs d’état-major, LBJ demande à McN à ce que ce programme soit accéléré. Mais ces renforts seront rapidement jugés insuffisants par un Westmoreland de plus en plus insatiable (voir 18 juin) (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 511).

Naissance en France du Paris American to Stop War (P.A.C.S.). Constitué d’intellectuels, artistes et libéraux américains vivant dans la capitale, le mouvement est en liaison avec des responsables et des acteurs du mouvement anti-guerre français. Il apporte son aide au petit nombre de déserteurs de l’armée américaine (Journoud, 2016, p. 70).


7 juin 66 : L’émissaire canadien, Chester A. Ronning (voir mars), se rend à nouveau à Hanoi pour sonder les intentions des N-V. Il a reçu l’aval du département d’État américain (dans le cadre de l’opération Marigold). En attendant les résultats de cette rencontre, Rusk, en voyage en Europe, demande à LBJ de retarder les bombardements des installations pétrolières jusqu’au retour de Ronning. Rusk pense que le fait de décider le bombardement des réserves pétrolières aura un important retentissement sur l’opinion publique mondiale du fait des pertes humaines inévitables. LBJ suspend donc à nouveau temporairement ces raids (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 508-509).

Après s’être réuni au préalable en mai, le Comité de rédaction des lois électorales soumet au gouvernement s-v des propositions réglementaires pour élire une assemblée constituante. Les élections auront lieu le 11 septembre (Johnson, 1972, p. 302).


10 juin 66 : LBJ autorise à nouveau, après s’être donné un délai de réflexion (voir mars), les frappes aériennes sur les installations pétrolières du N-V situées près des deux grandes villes du Tonkin : Hanoi et Haïphong. Ces frappes demeurent ultra secrètes : ni l’amiral Sharp (C.I.N.P.A.C.) ni Westmoreland n’en sont informés (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 508). Elles entreront en vigueur le 22.


12 juin 66 : Au Cambodge, un train de voyageurs est attaqué sur la ligne Battambang-Poipet. Les attaquants seraient des communistes cambodgiens conduits par Muol Sambath.


16 juin 66 : Première alerte aérienne sur Hanoi (De Quirielle, 1992, p. 98).


18 juin 66 : Westmoreland revoit ses demandes de renfort à la hausse par rapport au « Programme 3 » (voir juin) : il lui faut 111 588 hommes de plus en 1966 et ses effectifs doivent atteindre 542 588 hommes en 1967 (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 512).


22 juin 66 : La mission Ronning ayant échoué, Washington lance le message d’exécution autorisant les raids aériens contre les installations pétrolières n-v dans la région Hanoi-Haïphong. Mais avec certaines précautions : pas d’attaques contre les navires de commerce, pas plus que sur les navires de guerre sauf en cas de riposte ou que l’on soit sûr qu’ils soient n-v. A l’évidence, on veut éviter toute bavure concernant les bateaux soviétiques. On veut également éviter les victimes civiles, ce qui aurait mauvais effet sur l’opinion publique internationale, même si la capitale n-v est plus bombardée que le port d’Haïphong. L’opinion publique internationale réagit peu à ces attaques (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 509 et pp. 531-532).


23 juin 66 : McN confie à Harriman (sous-secrétaire d’État aux Affaires politiques) que la seule solution militaire acceptable est d’« entrer en contact direct » avec les N-V et le VC pour négocier. Cette demande ne rencontre aucun écho au sein des proches conseillers de LBJ (voir été 66). Le secrétaire d’État à la Défense confie dans ses mémoires : « Mon désaccord avec les autres conseillers de haut niveau de Lyndon Johnson s’aggrava tout au long de l’année. La divergence d’analyse devint de plus en plus tranchée et manifeste. » (voir 14 octobre) (McNamara, 1996, p. 255)


29 juin 66 : Après un retard dû aux mauvaises conditions météorologiques, nouveau bombardement américain sur Hanoï et sur les réserves pétrolières (dépôts de Gia Lam, à 2 km du pont Paul Doumer, voir carte in Salisbury, 1967, p. 68) et d’huile à Haïphong. 80 % des réserves sont incendiées. C’est la dernière vaste opération aérienne décidée par McN (Sheenhan, 1990, p. 800 ; Halberstam, 1974, p. 552 ; De Quirielle, 1992, pp. 98-99). Elle est un succès et entraîne une assez faible réaction de l’opinion publique internationale (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 510). C’est à la suite de ce raid que les N-V vont mettre en place une défense anti-aérienne très mobile dans et autour d’Hanoi.

L’un des pilotes américains abattu au cours de ce raid est exhibé à Hanoi. Selon De Quirielle, « dans la soirée, un des pilotes abattus fut promené à travers les artères de la capitale sur un camion à la lueur des projecteurs. Une foule hurlante, mal contenue par la police, avait envahi les rues et couvrait le malheureux, hébété, de quolibets et de menaces. » (De Quirielle, 1992, p. 99)

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