1er - 2 juin 64 : Nouvelle conférence stratégique à Honolulu entre Lodge, Rusk, Westmoreland, William Bundy, McN, Taylor, McCone et Sullivan. Lodge qui jusque-là avait appelé à la retenue, demande à ce que l’on bombarde le N-V pour remonter le moral du Sud. La conclusion de cette conférence en vient à différer pour l’instant les actions les plus radicales (projet d’invasion terrestre du Nord). Elle se termine « sans conclusion ». Le projet d’attaque du Nord ne sera à nouveau évoqué que le 7 septembre et repoussé du fait du chaos politique qui règne et va régner au S-V (McNamara, 1996, p. 126). Aucun consensus ne ressort de cette conférence : Lodge, McN, Rusk et McCone sont favorables à une action brutale ; Taylor est un peu plus mesuré mais déplore l’inaction actuelle. Au final, on décide simplement d’ajourner pour l’instant les mesures les plus radicales (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 281).
3 juin 64 : William Bundy (sous-secrétaire à la Défense), dans une note qui doit permettre à Rusk de présenter les résultats de la précédente conférence d’Honolulu à la Maison Blanche, préconise d’encore se donner du temps pour affiner les évaluations. Il souhaite la tenue d’une campagne d’opinion aux U.S.A. pour éliminer les doutes quant à la nécessité d’aller plus loin. Il sera entendu car plusieurs fuites dans la presse des départements d’État et de la Défense souligneront la volonté d’engagement plus en avant de l’administration durant le mois de juin. Au soir du 3, McN, Mc Cone (C.I.A.), Taylor (président de l’état-major interarmes) et Rusk (secrétaire d’État) rendent compte de la réunion à LBJ qui approuve, tout en voulant s’assurer que les moyens seront rapidement opérationnels (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 281-282).
4 juin 64 : McN donne l’ordre à l’armée de faire le nécessaire pour améliorer la préparation de son matériel. A partir de juin et juillet, l’administration américaine met publiquement l’accent sur ses mouvements militaires préparatoires à un engagement plus en avant au Vietnam (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 282).
5 juin 64 : Le sous-secrétaire d’État Georges Ball, devenu sensible depuis quelque temps à un éventuel désengagement américain, est reçu par De Gaulle qui, avec sa liberté de ton habituelle, lui déclare : « Les Sud-Vietnamiens ne sont pas et ne seront pas avec vous parce que vous êtes une puissance blanche, parce que vous êtes une très grande puissance étrangère. Le gouvernement américain trouvera sans doute quelques Sud-Vietnamiens qui travailleront avec lui comme Diem, comme Khanh, mais le peuple vietnamien, celui qui compte, ne sera pas du côté des Américains […] Plus vous agirez vous-même directement, plus vous prendrez à votre compte ce combat, moins les Vietnamiens seront avec vous. » (cité in Journoud, 2011, p. 173). Au vu de ce qu’a démontré la malheureuse expérience française, la seule option envisageable est de faire la paix, d’abord avec la Chine puis avec les N-V. Mais Ball, comme LBJ, pense qu’il faut cependant prendre le risque de l’escalade militaire. Quand De Gaulle tient ces propos à Ball, il fait figure d’ultime recours et d’allié indépendant car, pour lui, le S-V n’est pas Berlin.
6 juin 64 : Le Conseil de Sécurité de l’O.N.U. accorde au Cambodge la réparation des dommages matériels subis suite aux incursions américano-s-v (voir 26 mars et 7 mai), souligne les responsabilités des agresseurs et « demande à tous les États et autorités [...] de reconnaître et de respecter la neutralité et l'intégrité du territoire du Cambodge ».
6 - 7 juin 64 : Dans le cadre des opérations 34-A, 2 avions de l’US Airforce en reconnaissance au-dessus du Laos sont abattus par la D.C.A. ennemie. Les autorités américaines laissent officiellement la responsabilité de ces actes au gouvernement laotien en place (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 282-283). Mais cette affaire ne laisse pas indifférents certains membres du Congrès. Le sénateur Wayne Morse accuse l’administration de violer les accords de Genève de 1962 et de tromper la nation sur la question de l’engagement américain en Indochine (Francini 2, 1988, p. 290). Les missions de ce type seront désormais escortées par des avions de combat américains et, à la fin du mois, des avions de transport de troupes viendront en appui lors de la contre-offensive de l’armée royale laotienne (Francini 2, 1988, p. 279).
8 juin 64 : Suite au 9e plénum du Lao Dong (voir décembre 1963), des purges ont été opérées dans l’A.P.V.N. et parmi certains intellectuels qui s’opposent à la ligne actuelle, prochinoise, du parti. Un tribunal secret a même été mis en place pour juger et exclure ceux que l’on juge être les « révisionnistes » prorusses. C’est le ministre de la Sécurité publique Tran Quoc Hoan, qualifié par certains de « maoïste enragé », qui a été chargé cette besogne.
Ce jour, des cadres militaires n-v à réfugiés à l’ambassade de Moscou à Hanoi et refusant de subir de multiples séances d’autocritique demandent l’asile en U.R.S.S., demande qui leur sera accordée dès juin (Marangé, 2012, p. 320-321).
9 juin 64 : Au Laos, des jets américains attaquent des positions d’artillerie du Pathet Lao ainsi que des postes de commandement.
Un rapport de la C.I.A. commandité par McCone met à mal la théorie des dominos soutenue par l’administration Johnson. Tant que les U.S.A. gardent leurs bases dans la région, la Chine et le N-V ne tenteront aucune agression dans le Sud-Est asiatique (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 283-284).
14 juin 64 : Un discours de Rusk (secrétaire d’État) au Williams College met l’accent sur la détermination des U.S.A. à soutenir leur allié s-v, sans toutefois évoquer publiquement l’intention d’accroître l’engagement militaire en cours (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 283).
17 juin 64 : Blair Seaborn, nouveau membre canadien de la C.I.C., se rend à Hanoi dans le cadre de ses nouvelles fonctions. Il est porteur de propositions américaines : les U.S.A. ne cherchent pas à renverser le régime n-v (!...), ils ne cherchent pas à conserver des bases au S-V (mais en possèdent...), ils entendent que le N-V respecte les accords de Genève de 1954 et 1962 pour le Laos en n’envoyant plus de troupes au Sud. Si ces propositions sont acceptées, ils sont prêts à aider tous les pays de la région, y compris le N-V. La réponse d’Hanoi qui se sait en force est ferme : les U.S.A. doivent se retirer totalement du Sud, un régime « neutre » doit être installé selon les exigences du F.N.L. qui a un rôle décisif à y jouer. Une nouvelle tentative en août essuiera un refus encore plus catégorique (Johnson, 1972, p. 91).
18 juin 64 : Le représentant canadien de la C.I.C., Blair Seaborn, toujours présent à Hanoi, rencontre Pham Van Dong (premier ministre). Il lui fait savoir que les ambitions des U.S.A. dans le Sud-Est asiatique sont limitées et leurs intentions essentiellement pacifiques mais que leur patience a des limites. Dong, plus que sceptique, reste de marbre. On prévoit cependant de se revoir le 10 août (Francini 2, 1988, p. 279). Il y aura par la suite de multiples tentatives de reprise d’un dialogue mais qui se solderont toutes par des échecs, et ce jusqu’à l’annonce de l’arrêt des bombardements du N-V le 1er novembre 1968 (voir leur descriptif in Johnson, 1972, pp. 694-705).
19 juin 64 : Au cours d’une visite officielle en France, Sihanouk, dans un discours prononcé à la Faculté de droit de Paris, rappelle ses positions neutralistes. Il suggère la création d’une zone tampon composée du Cambodge, du S-V et du Laos qui séparerait les Occidentaux des communistes en Indochine (Sihanouk, 1979, pp. 238-239).
20 juin 64 : Le général Westmoreland, nommé le 25 avril à la tête du M.A.C.V., prend ses fonctions et succède à Harkins.
Sihanouk propose au Front de Libération du Sud-Vietnam un accord sur le « tracé actuel » des frontières terrestres et la reconnaissance de la souveraineté du Cambodge sur les îles côtières revendiquées par Saigon.
21 juin 64 : Le New-York-Times couvre l’arrivée de matériel militaire américain en Thaïlande (voir 3 juin).
24 – 26 juin 64 : Sihanouk est accueilli en visite officielle en France par De Gaulle. Les 2 hommes s’apprécient. Sihanouk avait tenu à rendre, en juin 1946, une visite personnelle au Général alors qu’il avait quitté la vie publique. Ils ont continué à entretenir une correspondance régulière. Les relations entre les deux hommes seront toujours très cordiales. Un important accord d’aide militaire (livraison de chars, aménagement d’un complexe militaire à Siem Rap), économique et culturelle (grandes écoles) est signé. Selon Cambacérès, à cette époque, la présence de la population française au Cambodge est plus importante que du temps du protectorat (Cambacérès, 2013, pp. 124-125). De Gaulle approuve « sans réserve » la demande du Cambodge de reconnaissance de sa neutralité et la fixation du tracé de ses frontières.
28 juin 64 : L’ambassadeur à Saigon Henry Cabot Lodge quitte ses fonctions. Il sera remplacé par le général Maxwell Taylor le 14 juillet.