Juin 47 : Note de Cong An (VM, proche de Nguyen Binh) sur les actions à mener par « le service de renseignements vietminh » pour déstabiliser les Français et créer un climat de guerre urbaine dans Saigon et sa région. Il faut « détruire les centrales électriques, les dépôts d’essence, les PTT, services administratifs autonomistes, les biens des Français, les bases militaires, en un mot, tous les objets militaires ennemis, domaines agricoles, plantations d’hévéas, magasins à vivres appartenant aussi bien aux Français qu’aux traîtres dans les villes. Le service de renseignements est le seul qui ait le droit de former le service de sabotage […] La section a le droit d’exécuter tous les grands traîtres et les réactionnaires, les soldats français et les soldats autonomistes […] » (Goscha, 2002, p. 45).
5 juin 47 : Les Américains lancent le plan Marshall (Pedroncini, 1992, p. 323).
9 juin 47 : Conseil de défense qui déplore la situation en Cochinchine : les pouvoirs civil et militaire ne s’entendent pas et la terreur y règne. Valluy déclare : « Nous sommes englués. Le dynamique est mort peu à peu au prix du statique, parce que nos troupes sont dispersées dans 500 postes ont à faire face à de nombreuses missions qui en détournent la majeure partie de la chasse aux rebelles. » (cité in Chaffard, 1969, p. 127). On décide de regrouper les postes au maximum pour reconstituer des réserves « en abandonnant certaines régions au contrôle des rebelles ». Valluy entend mener à l’automne une grande offensive (validée par Bollaert qui en même temps tente de négocier avec le VM…) permettant d’encercler les zones où s’est réfugié le gouvernement vietnamien au Tonkin, quitte à délaisser pour l’instant le reste et notamment la Cochinchine.
10 juin 47 : Lettre d’HCM adressée à l’ancien président du Conseil Léon Blum dans laquelle il dénonce les ravages de la guerre et les déplore (citée in extenso in Devillers, 2010, pp. 447-448).
Bollaert fait savoir au gouvernement qu’il va faire connaître par la radio un appel à l’adversaire pour l’inviter à envoyer des plénipotentiaires à qui sera remis le texte du projet de convention. Il n’y aura aucune place pour la négociation : le VM doit l’accepter ou le rejeter. Ramadier trouve la procédure trop brutale et convoque Bollaert à Paris (Devillers, 2010, pp. 460-461).
11 juin 47 : En Indochine du Sud, les légionnaires (Légion étrangère) sont assez peu appréciés par le colonel Chanson qui écrit : « Il faut bien reconnaitre que, de toute évidence, ils ont un rendement très inférieur aux autres éléments européens. » On leur reproche des exactions à l’égard des civils vietnamiens et de nombreuses désertions (Bodinier, 1989, p. 80).
12 juin 47 : HCM lance un appel au peuple français. Après avoir dénoncé les exactions et les exigences françaises jugées inacceptables, il s’adresse directement aux Français : « […] Vous qui avez lutté héroïquement pour défendre votre patrie, mettez-vous à notre place, accepteriez-vous de pareilles conditions ? Pensez-vous qu’ainsi pourrait se réaliser l’Union française ? […] Nous voulons l’union et l’indépendance de notre pays dans l’Union française […] Nous lutterons jusqu’au bout. Nous faisons notre fière devise « Mieux vaut la mort que l’esclavage ». Notre cause est juste. Nous vivrons et vaincrons […] » (cité in extenso in Bodinier, 1989, pp. 429-430)
13 juin 47 : HCM fait connaître le sens des rapports qu’il entend tenir avec les Français dans Cuu Quoc, organe central du front vietminh. Le mot « indépendance » signifie que le Vietnam aura un gouvernement, une assemblée, sa monnaie, des douanes, une armée et une police nationale. Les 3 Ky seront réunis car ils sont les parties d’une seule et même nation. Seule concession, une reconnaissance du Vietnam comme État libre, affilié à l’Union française avec des droits et intérêts économiques et culturels.
14 juin 47 : Suite à la convocation de Ramadier (voir 10 juin), Émile Bollaert arrive à Paris car le conseil des ministres souhaite débattre du texte de compromis produit par celui-ci. Malgré les réticences de plusieurs ministres M.R.P., le conseil de ministres donne son aval à ses propositions.
Mi-juin 47 : Le VM organise une troisième conférence militaire qui dégage 11 principes tactiques suite à l’expérience acquise dans la lutte contre les Français dont « conserver l’initiative de l’action » avec de faibles troupes pour ménager les réserves, « bien connaître l’ennemi et se connaître soi-même », « savoir utiliser les forces en réserve », « savoir concentrer ses forces, manœuvrer rapidement et en temps voulu », « dissimuler ses forces, désorienter l’ennemi », « attaquer à l’improviste, par surprise et exploiter les erreurs de l’ennemi », « élaborer des plans réalistes, cohérents et clairs » (Giap 1, 2003, pp. 116-117). Un effort particulier est porté par le VM sur la R.C. 5. Giap écrit au sujet de cet axe bien tenu par les Français : « Pour l’ennemi, c’était l’artère vitale, reliant le centre de commandement de Hanoi à Haïphong, base logistique essentielle. Mais pour nous aussi, la R.C. 5 représentait le corridor indispensable par lequel transitait la plupart des ressources humaines et matérielles originaires du delta du Tonkin et de Thanh Hoa-Nghe An et destinées à l’approvisionnement de la base arrière du Viet Bac qui effectuait ensuite la répartition. » (Giap 1, 2003, pp. 182-183).
17 juin 47 : Un porte-parole du département d’État déclare : « Les États-Unis désirent profondément qu’une solution pacifique puisse être trouvée en Indochine. » (cité in Devillers, 2010, p. 461).
19 juin 47 : HCM réaffirme dans un message le désir du peuple vietnamien « de coopérer étroitement avec le peuple français au sein de l’Union française dans la justice et la paix, sous un régime démocratique. » (cité in Devillers, 2010, p. 461)
23 juin 47 : Réintégration du docteur Hoach dans le palais du gouvernement à Saigon au grand dam du VM.
Poursuivant leurs manœuvres comme avec les sectes caodaïstes et Hoa Hao, les Français tentent de rallier à leur tour les Binh Xuyen, « une force armée de 2 500 hommes environ, fortement armés, et connaissant bien la Cochinchine. » Selon un rapport français, « ce sont d’excellents combattants et résistants de la première heure, 20 % d’entre eux, dont tous les chefs et tous les cadres, sont d’anciens condamnés de droit commun. » Ils sont jugés « anti-vietminh et anti-français. » Ils sont courtisés et par les nationalistes et par le VM qui « serait prêt à sacrifier Nguyen Binh qu’une haine tenace sépare de Bay Vien [leur dirigeant]. » Outre le fait que leur ralliement est problématique, ils sont jugés comme « un élément turbulent, très douteux au point de vue français […] qui devra être surveillé étroitement et contrôlé. » (Bodinier, 1989, pp. 469-470) La tentative française est délicate. Son résultat demeurera plus que mitigé au vu du faible nombre de ralliements (Bodinier, 1989, pp. 474-477).
26 juin 47 : Une note du comité politique du VM (qui sera prise par les Français le 10 septembre) dénonce les tentatives françaises de division des forces rebelles en y intégrant des « moutons » chargés de missions de propagande anticommuniste (Bodinier, 1989, p. 440).