Été 46 : Fondation de l’Association France-Vietnam qui a pour but de « créer entre les deux nations les liens d’une durable et compréhensive amitié ». Composée de personnalités d’opinions politiques différentes, avec une sensibilité dominante située à gauche, elle adopte des postions fermes d’opposition à la guerre et dénonce les responsabilités françaises (Ruscio, 1985, p. 118) Ses membres fondateurs sont Justin Godart (président), Andrée Viollis et Francis Jourdain.
Juin 1946 : Selon Varga, « Léon Pignon [conseiller politique de D’Argenlieu] tente une politique osée : se servir des troupes chinoises pour éliminer le Vietminh dont il redoute l’organisation et la puissance. » Sainteny ne le suit pas sur cette voie (Varga, 2009, p. 283).
Au Sud, HCM installe à Quang Ngaï un Comité de résistance du Sud-Viernam présidé par Tran Duc Quang. Il a délégation sur tout le territoire du Vietnam au sud de Tourane. Rapidement désorganisé, il sera absorbé fin août par le Comité du Nam Bo (Gras, 1979, p. 136).
Les forces gouvernementales du VM occupent et liquident au Nord toutes les anciennes zones d’influence du D.M.H. (Fall, 1960, p. 50).
Juin 46 : Au Cambodge, le Prince Sisowath Yutevong, rentré de France où il militait au sein du parti socialiste (S.F.I.O.), est élu président du parti démocrate.
1er juin 46 : Valluy est nommé au poste de commandant en chef du corps expéditionnaire par intérim en remplacement de Leclerc. Il n’occupera cette fonction définitivement que le 1er octobre (Bodin, 2004, p. 123).
Sous l’impulsion de D’Argenlieu, sans la tenue du moindre référendum comme les Français s’y étaient engagés le 6 mars, proclamation de la République autonome de Cochinchine sous la présidence du docteur Nguyen Van Thinh. Le colonel Xuan, un autre profrançais, en est le vice-président. Un Comité consultatif de Cochinchine est ainsi créé ex nihilo. Son statut est provisoire, reconnu par le gouvernement français « sous réserve du résultat du référendum prévu » par l’accord du 6 mars. D’Argenlieu l’avait évoqué à Paris le 20 février, sans opposition particulière de la part du Comité interministériel pour l’Indochine (Cominindo). La réponse de son ministre de tutelle (Moutet) avait été beaucoup plus réservée en avril mais il fallait, selon l’amiral, aller de l’avant face à la dégradation de la situation sur place. C’est en fait un acte délibéré d’hostilité de D’Argenlieu envers le VM (voir la réaction d’HCM exprimée à Salan le 31 mai) qui, lui, exige la réunification des trois Ky.
La gauche française n’est pas favorable à son existence (Francini 1, 1988, p. 306 ; De Folin, 1993, p. 149). Rétrospectivement, Jacques Chauvel, secrétaire général du Quai d’Orsay, commentera cette décision de la manière suivante : « L’amiral, sans avoir pris l’avis de personne [affirmation qui nous paraît discutable car on est plutôt ici confronté aux habituelles tergiversations gouvernementales, voir 5 juin], instituait la République autonome de Cochinchine, contrevenant ainsi sur un point capital de l’accord du 6 mars, préjugeant des résultats d’un plébiscite non fait et des conclusions d’une négociation à ouvrir et poursuivre en France [voir 6 juillet 1946], dont la conduite lui échappait complètement. » L’amiral a pris cette décision en estimant qu’elle « était l’aboutissement de notre action politique en Cochinchine dès octobre 1945, dans l’esprit de la déclaration du 25 mars [1945], seule base officielle existant à ce jour. » (cité in de Folin, 1993, p. 155)
D’Argenlieu avertit HCM en route vers Paris de l’existence de cette proclamation par le biais de l’ambassadeur de France au Caire. Mais, par ordre du Quai d’Orsay, le message de l’amiral n’est pas remis à son destinataire qui apprendra cependant la nouvelle par la radio avec ceux qui l’accompagnent (Salan et Jean D’Arcy, chef de cabinet du ministre des Armées) (Devillers, 1988, p. 189).
2 juin 46 : En France, suite au rejet de la première version de la constitution le 5 mai, ont lieu de nouvelles élections législatives pour former une nouvelle Assemblée constituante. Glissement à droite : le M.R.P. ressort renforcé devenant le premier parti de France avec 28 % des voix (160 sièges) devançant cette fois le P.C.F. (26 %, 146 sièges) et la S.F.I.O. en recul (21 %, 115 sièges). Le gouvernement sera dirigé à partir du 24 par Georges Bidault (M.R.P.). Le communiste Maurice Thorez demeure vice-président. Ce gouvernement prône une forme de continuité concernant l’Indochine autour de l’idée d’Union française. Moutet (S.F.I.O.) demeure ministre de la France d’Outre-mer.
3 juin 46 : Nguyen Van Thinh (président de la République autonome de Cochinchine) signe une convention avec Cédile (commissaire de la République en Cochinchine) fixant les rapports du gouvernement français et de celui de la République autonome de Cochinchine. Dans la réalité, c’est le gouvernement français qui détient la réalité du pouvoir, gardant la haute main sur l’administration cochinchinoise et l’organisation de la sécurité (Francini 1, 1988, p. 306).
Réponse de De Gaulle à la lettre de Leclerc du 25 avril : « Tenez quelques temps encore… »
5 juin 46 : Moutet (F.O.M.) et le Comité interministériel d’Indochine (dirigé par Labrouquère) soutiennent la position de D’Argenlieu et donc la création de la République autonome de Cochinchine. Moutet précise toutefois « qu’en aucun cas, il [le gouvernement autonome] ne doit apparaître comme une création des autorités françaises et comme un paravent de celles-ci. » (Francini 1, 1988, p. 306 ; Devillers, 1988, pp. 189-190). Cette approbation par le Cominindo est, d’entrée, une manière de condamner les négociations de la Conférence de Fontainebleau à un échec annoncé.
Le G.R.P.F. reconnaît ainsi cette République autonome de fait, mais non de jure. Et ce, pour ne pas entrer en totale contradiction avec les accords du 6 mars. Ce que rappellera le Cominindo à D’Argenlieu (Turpin, 2005, p. 251).
6 juin 46 : Le leader caodaïste Tran Quang Vinh, prisonnier du VM, s’étant échappé se rend aux troupes françaises. Par la suite, les Français accepteront de ramener des Comores leur chef religieux, Ho Phap Phan Cong Tac, exilé depuis 1941 par un ordre de l’amiral Decoux. Il invite ses fidèles (470 000 adeptes) à un ralliement vers les Français qui ne se fera que progressivement (Gras, 1979, pp. 137-138).
Les troupes françaises de Haïphong reprennent la garde des quais et des docks et réoccupent les casernes de la ville sans incidents (Pedroncini, 1992, p. 256).
7 juin 46 : Les Khmers issarak forment un « Comité de libération du Cambodge ». Un état-major khméro-vietnamien est constitué mais l’entente s’étiole rapidement car les Cambodgiens refusent de passer sous la tutelle vietnamienne (Bodinier, 1989, p. 132).
8 juin 46 : Lettre de Leclerc à Robert Schuman (M.R.P.) destinée à être transmise au futur président du Conseil Georges Bidault (M.R.P.) : « Ho Chi Minh est un grand ennemi de la France, dont le but poursuivi par lui-même et son parti est notre mise à la porte pure et simple. Nous avons en main tous les documents qui peuvent faire foi […] Tout est voulu et programmé par lui […] Ne vous laissez pas prendre par la sympathie et les artifices de langage que Ho Chi Minh et son équipe savent utiliser et manier à la perfection. » (cité in De Folin, 1993, p. 151 avec erreur de date, l’article du journal Le Monde qui la cite mentionne sa rédaction le 8 et non le 6 ; Pedroncini, 1992, p. 323 ; Turpin, 2005, p. 256) D’un Leclerc jusque-là assez conciliant avec le VM, on passe à un Leclerc combatif.
Leclerc s’adresse par lettre à De Gaulle pour évoquer sa mésentente totale avec d’Argenlieu : « Je crois comprendre, par les conseils que vous me donnez, que l’Amiral D’Argenlieu m’a représenté comme un impatient de servir sous ses ordres [...] Je me suis permis, alors, de lui exprimer par lettre ma manière de voir […] Au reçu de cette lettre, il a jugé bon de vous prévenir, en déformant vraisemblablement la vérité, et de demander mon rappel au Gouvernement. Il a choisi comme agent de transmission l’amiral Auboyneau qu’il m’avait lui-même défini en termes très durs à son arrivée en Indochine. Le général Juin rencontré par Auboyneau à Calcutta [voir 14 avril] dissuada celui-ci de remplir cette mission, c’est pourquoi il s’est contenté de vous voir et n’a pas fait la démarche auprès du Gouvernement. De mon point de vue, cette histoire se résume à ceci : l’Amiral s’est conduit à plusieurs reprises avec une parfaite mauvaise foi, je l’ai prévenu que j’étais au courant. » (cité in Turpin, 2005, p. 235)
9 juin 46 : Ralliement de Tran Quang Vinh, un caodaïste, à l’occupant français. Ce ralliement est avant tout le reflet d’une politique française de « vietnamisation » précoce du conflit, visant à se servir des indigènes – et notamment des minorités – comme moyen d’action contre le Vietminh (Louaas, 2015, p. 80).
Organisation à Hanoi d’une journée du Nam Bo visant à mobiliser les foules (Sainteny, 1967, p. 208).
9 - 20 juin 46 : Leclerc opère une grande tournée au nord du 16e parallèle : Vientiane, Dien Bien Phu, Haïphong, Hongay, Campha, Tourane, Hué (Pedroncini, 1992, p. 397).
10 juin 46 : Leclerc est à Hanoi et au Tonkin pour une semaine. Il y observe une atmosphère détendue. Il y rencontre Giap et note dans son journal de marche : « Il semble qu’ils aient compris que nous ne partirons pas et qu’il valait mieux composer avec nous. » (cité in Pedroncini, 1992, p. 256)
Léon Pignon (conseiller politique de D’Argenlieu) accompagne Cédile (commissaire de la République en Cochinchine) à Dalat, avec le Dr Nguyen Van Thinh afin de préparer la formation du futur gouvernement provisoire de la de Cochinchine. Pour Pignon, la situation au Sud est simple : c'est aux Sud-Vietnamiens et à eux seuls de décider par référendum de leur réunification et non au reste du Vietnam (Varda, 2007, p. 284).
12 juin 46 : Arrivée d’HCM à Biarritz. Sainteny le sent « réticent et nerveux ». La conférence de Fontainebleau lui paraît inutile depuis l’annonce de la proclamation de la République autonome de Cochinchine qui est en totale contradiction avec les accords du 6 mars. Sainteny, pour le rassurer, lui rappelle que le texte consacrant cette République précise : « sous réserve des résultats du référendum prévu par la convention préliminaire du 6 mars 1946. » (Sainteny, 1967, p. 205). Maigre consolation pour le président vietnamien qui se sent floué.
13 juin 46 : Départ de D’Argenlieu de Saigon pour Fontainebleau. Il y arrive le 14 puis demeurera à Paris jusqu’au 10 juillet pour y faire du lobbying politique, avant de repartir pour la seconde conférence de Dalat.
14 juin 46 : Arrivée de D’Argenlieu à Orly à 17 h 00. Son voyage s’est effectué en un temps record. L’amiral arrive à Paris dans un climat politique confus, avec la démission en cours du gouvernement Gouin. Selon Turpin, le G.R.P.F. a mal préparé la conférence à venir « en ne faisant pas le travail de synthèse et de décision nécessaires à la bonne marche des négociations. » (Turpin, 2005, p. 252) L’ouverture de la conférence prend d’entrée du retard (voir 8 juillet).
Leclerc adresse des directives à Valluy (commandant en chef du corps expéditionnaire par intérim) : « Sans pousser à la rupture, profiter au maximum des circonstances favorables pour asseoir et étendre nos positions. Agir en prévenant le gouvernement d’Hanoi et si possible avec son accord. » Les Français entendent réoccuper Langson, rétablir la liaison avec Sam Neua, rouvrir la route Hué-Savannakek, reprendre possession du palais du gouvernement général à Hanoi (occupé jusqu’alors par le général chinois Lou Han) et reprendre totalement le contrôle de l’hôpital Lanessan (Pedroncini, 1992, p. 256).
19 juin 46 : L’Assemblée nationale française désigne Georges Bidault au poste de président du Conseil (Devillers, 1988, p. 190). Il demeurera à ce poste jusqu’au 16 décembre 1946.
A Hanoi, les actions des extrémistes se poursuivent (V.N.Q.D.D. ?). La jeep du représentant britannique Simson Jones est pour la deuxième fois mitraillée par méprise et percée par 17 projectiles. Son occupant parvient à se réfugier dans une tranchée. Deux militaires français sont poignardés à la sortie d’un cinéma. Giap décide de renforcer les patrouilles mixtes (Fonde, 1971, p. 230).
20 juin 46 : Entrevue d’Argenlieu-De Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises. Ils évoquent ensemble des questions sur la situation nationale et internationale.
D’Argenlieu adresse au futur président du conseil Bidault la liste des négociateurs et des experts prévue par lui pour la conférence de Fontainebleau. Aucun homme politique d’une quelconque envergure n’y figure.
Incident franco-vietnamien à Haïphong : un Français est tué (Giap 1, 2003, p. 143).
Les Français occupent Phu Lang Tuong sur la route de Langson (voir 14 et 26 juin). Le VM vient d’en chasser le V.N.Q.D.D. Cette réoccupation marque un fugace signe de détente entre Français et Vietnamiens. L’ordre de réoccupation étant signé conjointement par Valluy et Hoang Huu Nam (secrétaire d’État à l’Intérieur) (Fonde, 1971, p. 231).
21 juin 46 : Le général de brigade Louis Morlière est mis à la disposition de Valluy (désormais commandant en chef du corps expéditionnaire par intérim, voir 1er juin) et prend également le commandement des troupes du Tonkin, toujours par intérim (Bodinier, 1987, p. 125). Il occupe également le poste de commissaire de la République du Tonkin, là encore par intérim (Cadeau, 2019, p. 592, note 2). Rétrospectivement, suite à leurs futurs démêlés, Valluy écrira : « […] jamais choix n’aura été sur le papier moins discutable, jamais choix n’aura été en réalité plus malheureux et d’abord pour l’intéressé lui-même qui sera placé dans d’inextricables situations [...] sa nomination n’est pas accueillie en Indochine avec grand enthousiasme » car, selon son supérieur, il n’est aimé de personne (Valluy 2, 1967, p. 359).
De Paris, D’Argenlieu lance les instructions pour la seconde conférence de Dalat qui doit s’élargir et s’ouvrir à tous les membres de l’Union française : la Cochinchine, le Cambodge et le Laos (Pedroncini, 1992, p. 397).
Sur ordre de D’Argenlieu, et contre l’avis de Leclerc qui avait annulé cette opération le 30 juin la jugeant contraire aux accords du 6 mars, les troupes françaises réoccupent facilement la région Pleiku-Kontum malgré la présence sur place de 4 000 hommes du VM (Pedroncini, 1992, pp. 256-257) D’un côté, on est censé négocier, de l’autre, on reconquiert des régions… Cette occupation des Hauts-Plateaux est l’occasion pour les Français de créer ce qu’ils dénomment une « région autonome moïe ».
22 juin 46 : HCM qu’on a fait lanterner part (enfin…) pour le Bourget. Début des négociations de Fontainebleau. Elles ont été plusieurs fois retardées car il y a eu en métropole rejet par référendum du projet de constitution le 5 mai, démission du gouvernement Gouin, élection d’une nouvelle assemblée constituante et la mise en place du gouvernement de Georges Bidault (président du G.P.R.F., M.R.P.) le 24 juin. Un gouvernement tripartite est à venir (voir 24 juin) mais dominé par un dirigeant du M.R.P., parti peu favorable au processus de négociation avec le VM. HCM avait réclamé à corps et à cri Paris, il devra, sur décision du futur président du Conseil Bidault, se contenter de Fontainebleau (voir 6 juillet).
Bien qu’absent, officiellement pour raison de santé, D’Argenlieu a fait et va faire tout son possible pour « torpiller » les négociations en cours. D’abord en ayant suscité le 1er juin la création d’une République Autonome de Cochinchine sous la présidence du docteur Nguyen Van Thinh, un habile moyen pour tirer profit de la traditionnelle rivalité culturelle et économique entre Tonkinois et Cochinchinois. Ensuite en prévoyant de réunir une deuxième conférence élargie qui se tiendra à Dalat du 1er au 15 août mais en l’absence d’HCM alors présent en France (voir 22 avril et 1er août). La réaction d’HCM est indignée : « On nous demande de jouer franc jeu et l’Amiral a profité de mon absence pour créer le Gouvernement de Cochinchine, occuper les plateaux Moïs et le palais du gouverneur à Hanoi et voilà maintenant qu’il convoque une conférence générale à laquelle à laquelle seul le Vietnam sera absent. » (cité in Pedroncini, 1992, p. 276)
24 juin 46 : Suite aux élections du 2 juin, Georges Bidault (M.R.P.) devenu président du Conseil le 19 forme son gouvernement. C’est un gouvernement tripartite, peu homogène, composé de membres du M.R.P., du P.C.F. et de la S.F.I.O.
Gouvernement Bidault 1 : Armées : Edmond Michelet (M.R.P.) ; Affaires étrangères : Georges Bidault (M.R.P.) ; France d’Outre-mer : Marius Moutet (S.F.I.O.).
25 juin 46 : À Hanoi, dès 4 heures du matin, le palais du Gouvernement général est réoccupé manu militari et par surprise par les troupes françaises qui en chassent les troupes de Lou Han. Elles sont immédiatement reconduites à l’aéroport (Fonde, 1971, p. 231 ; Pedroncini, 1992, p. 397).
26 juin 46 : Leclerc écrit au docteur Thinh (président du Conseil consultatif pour la Cochinchine) que la sécurité du Sud exige « une collaboration entière des Cochinchinois » (Pedroncini, 1992, p. 397).
27 juin 46 : À Hanoi, une grève générale de protestation est déclenchée par le VM contre les opérations françaises menées sur les plateaux Moïs et la réoccupation de la région de Pleiku et de Kontum (Annam) (Pedroncini, 1992, p. 397).
28 juin 46 : Le texte d’une nouvelle constitution de 1946 étant toujours en cours de rédaction, D’Argenlieu adresse au ministre de la F.O.M. (Moutet) une lettre le mettant en garde « sur les inconvénients très sérieux qu’il y aurait à préfigurer dans les textes constitutionnels ou législatifs le statut de l’Indochine, avant l’aboutissement des négociations en cours avec la République démocratique du Vietnam, comme des négociations avec les autres États, membres de la Fédération indochinoise. » Selon lui, et même s’il n’en pense pas un mot, les négociateurs doivent encore bénéficier « d’une très grande liberté d’action et de manœuvre. » (D’Argenlieu, 1985, p. 297)
Réunion informelle pour mettre en place la ligne politique en vue de la conférence de Fontainebleau. Sont présents : Georges Bidault, Edmond Michelet, Jules Moch et D’Argenlieu. Les ministres communistes ont été volontairement évincés (Ruscio, 1985, p. 124).
29 juin 46 : Ayant été mis au courant le 14 avril par le général Juin de l’existence d’une lettre de D’Argenlieu demandant au gouvernement de se séparer conjointement de Leclerc et Salan, le premier réagit en écrivant au chef de l’état-major français, le général Juin : « Ayant eu connaissance des attaques très dures prononcées par l’amiral D’Argenlieu contre moi-même, je me permets de préciser en deux mots, pourquoi je serai heureux de ne plus servir sous ses ordres. L’amiral est un autoritaire qui commande peu : jusqu’au débarquement du Tonkin inclus, pas un ordre, pas une directive, sauf parfois après la bataille. Mais en même temps, égocentrisme considérable qui n’admet pas d’autre autorité que la sienne. En somme, il serait nécessaire d’approuver sans cesse et d’encenser avec respect en attendant des ordres qui ne viennent pas. Le second reproche, peut-être plus grave, est un manque de probité intellectuelle dont je ne fus pas le seul à souffrir. » (cité in Pedroncini, 1992, p. 259)
Lors d’une entrevue entre Leclerc et Cédile (commissaire de la République en Cochinchine), le général apostrophe ce dernier en lui disant : « Venez donc prendre un whisky, ça vaut mieux que votre truc de gouvernement à la noix [gouvernement provisoire de Cochinchine] ! » (cité in Pedroncini, 1992, p. 277) Ce qui n’empêchera pas le général de défendre bec et ongles le statut de la Cochinchine lors de son séjour parisien.
Fin juin 46 : Hoang Minh Giam, futur négociateur à Fontainebleau rencontre Marius Moutet. Selon Pierre Brocheux, il « se montra déçu par Marius Moutet qu’il rencontre fin juin 1946 et chez lequel il ne trouve aucune sensibilité aux revendications vietnamiennes. En septembre et octobre 1946, assistant au congrès de la S.F.I.O., il s’aperçoit qu’il ne faut pas attendre grand-chose de la part de la direction du « parti-frère », absorbé par des luttes de tendance et des « combats des chefs ». » (Pedroncini, 1992, p. 237)