Juin 45 : Le colonel américain Simpson demande au département d’État un rapport sur l’avenir de l’Asie. Le document mentionne que les Français auraient « de graves difficultés à surmonter cette opposition et à rétablir le contrôle français » (Halberstam, 1974, p. 104).
Au Cambodge, constitution d'un groupe khmer issarak à Battambang.
Une note de synthèse intitulée « Activités antifrançaises dans le deuxième territoire militaire d’octobre 1943 à mai 1945 » datant de juin 1945 donne de nombreuses indications sur la véritable nature du VM. Des renseignements qui faisaient jusqu’alors cruellement défaut aux Français. Elle indique que le mouvement a réussi à obtenir une adhésion massive de la population : « La masse de la population des régions où s’exerçait l’activité du parti du Viet-Minh a adhéré en bloc au parti et l’a aidé avec tous ses moyens […] Il y a des documents Viet-Minh partout. » Le rédacteur indique que cette adhésion a été obtenue par la contrainte et une intense propagande. Il note cependant : « Avec des idées nouvelles, une politique plus large et plus conciliante que par le passé, nous devrions donc parvenir à une entente avec les grands chefs du Viet-Minh. » Le document dresse un portrait de son principal leader, HCM : « C’est un homme d’une soixantaine d’années, très cultivé, très lettré, profondément antifrançais et nationaliste et fondateur du P.C.I., dirigeant probable de l’actuel parti Viet-Minh. » (cité in Ruscio, 1985, p. 58) Pour autant, nombre de responsables français, y compris des membres de la D.G.E.R., se plaignent toujours d’être mal informés ou tributaires d’informations confuses (les différentes dénominations d’HCM ou des confusions dans le discernement des différentes factions nationalistes).
4 juin 45 : De Gaulle, en position de faiblesse par rapport aux Alliés, décide à contrecœur d’affecter le corps expéditionnaire prévu pour la libération de l’Indochine aux opérations du Pacifique contre le Japon (Gras, 1979, p. 42). Seul le 5e R.I.C. dépendant du Corps léger d’intervention de Blaizot (C.L.I.) se trouve à Ceylan à bord du Richelieu et du Triomphant (Francini 1, 1988, p. 223). Les Américains ne manifestent aucun empressement à transporter ces troupes, contrairement aux Britanniques qui le feront ultérieurement.
6 juin 45 : Alors qu’en métropole tout semble trompeusement serein, une note de La Laurentie (directeur des affaires politiques au ministère des Colonies) pousse un nouveau cri d’alarme pour l’Indochine : « Nous sommes en pleine crise coloniale. Les sentiments de déception, de désaffection, de défiance ou de haine se décèlent sur tant de points que cela forme un dangereux ensemble. Le contrepoids est léger : l’apathie des masses ne saurait balayer le nationalisme qui, un peu partout, naît ou s’affirme. » (citée in Isoart, 1982, p. 51)
7 juin 45 : Nommé par De Gaulle, le général Leclerc est chargé de mettre sur pied un Corps expéditionnaire pour l’Extrême-Orient (C.E.F.E.O.). Il envoie son chef d’état-major à Washington prendre un premier contact avec les Américains. En même temps, il détache dans toutes les unités en formation des officiers qu’il a choisis dans sa division et qui vont diriger, accélérer l’instruction de la troupe. La 9e D.I.C. est désignée pour être la deuxième division nécessaire au corps expéditionnaire, ajoutée à la 3e D.I.C.
11 juin 1945 : Le général de brigade Alessandri est nommé commandant supérieur des troupes françaises réfugiées en Chine en remplacement du général Sabattier (Bodinier, 1987, p. 107).
Pour satisfaire le nouveau gouvernement vietnamien pro-japonais, le commandant nippon de la 38e armée, le général Tsuchihaschi en poste à Saigon, rencontre Bao Daï à Hué et lui affirme que le Japon ne voit aucune objection à l’annexion par le Vietnam de la Cochinchine et de trois villes sous administration directe des Français (voir 20 juillet). Concernant la Cochinchine, le processus de proclamation de son indépendance (voir 14 août) sera toutefois retardé à cause de protestations du gouvernement cambodgien qui réclame la possession de ce territoire (voir 25 juin) (Pedroncini, 1992, p. 40). Une partie de la Cochinchine est en effet l’objet d’anciens litiges frontaliers avec le Cambodge qui vont d’ailleurs longuement perdurer.
12 juin 45 : Le général Sabattier quitte Kunming et le commandement des troupes françaises en Chine. Le général Alessandri prend sa succession. Sabattier sera remercié pour ce qui a été fait jusque-là par De Gaulle qu’il rencontrera à Paris. Dans les faits, on le congédie poliment (Francini 1, 1988, p. 222).
15 juin 45 : Création du Corps expéditionnaire d’Extrême Orient (C.E.E.O.) : 9e D.I.C. (général Valluy) et 3e D.I.C. (général Nyo). De Gaulle nomme Leclerc commandant en chef du corps expéditionnaire français en Indochine (en remplacement de Blaizot). Leclerc accepte cette fonction sans enthousiasme et ce, d’autant plus, qu’il sait qu’il va se retrouver sous l’autorité militaire de D’Argenlieu.
Mountbatten offre au général Blaizot (encore commandant du C.E.F.E.O.) « deux divisions anglaises à ajouter aux deux divisions françaises prévues pour assurer la libération de l’Indochine, le tout sous commandement français. » De Gaulle estime que ces renforts arrivent « un peu tard ». Il se dit en mauvais terme avec les Anglais et rejette la proposition. Ces deux divisions anglaises seront donc finalement remises au général américain MacArthur (De Folin, 1993, pp. 84-85).
25 juin 45 : Signature de la charte des Nations Unies.
A cette occasion, lors d’une rencontre entre Stettinius (secrétaire d’État) et Bidault (Affaires étrangères), le premier assure au second que son pays ne remettra pas en cause la souveraineté de la France en Indochine, même si cette question ne fait l’unanimité aux U.S.A. (Wainstock, Miller, 2019, p. 58).
Sihanouk affirme les droits du Cambodge sur une partie de la Cochinchine (voir 11 juin).
30 juin 45 : HCM de son maquis du Haut-Tonkin est approché par un membre du réseau anglo-américain Gordon qui vient lui donner son accord pour un parachutage d’une mission militaire américaine O.S.S.-A.G.A.S. L’Air Ground Air Service (A.G.A.S.) est l’organisme chargé de récupérer les aviateurs américains qui ont été abattus. Il est décidé de préparer une opération commune au nord-ouest d’Hanoi (Devillers, 1988, p. 62).