Juin 44 : La Laurentie (directeur des Affaires politiques au ministère des Colonies) prescrit sa vision des choses au Service Action de la D.G.E.R. à Calcutta. Il demande au Service Action de « recueillir des renseignements sur les partis politiques indigènes existant actuellement en Indochine, sur leur activité, leurs aspirations, leur influence sur la masse, sur les personnalités qui sont à leur tête […] Le S.A. pourra et devra entrer en contact avec les représentants de ces partis, mais il devra observer la plus grande circonspection dans les propos que ces agents seront amenés à tenir. » Ils auront constamment « présente à l’esprit la double préoccupation qui est la nôtre [ …] : mise en œuvre, d’une façon rapide et décisive, par nous-mêmes, d’un programme social et économique vigoureux cependant qu’un statut démocratique, octroyé sans parcimonie, donnera force et cohésion aux partis politiques et nous obligera de nous plier aux exigences d’un régime parlementaire […] Un point essentiel servira de borne à toutes les conversations qui pourront être entreprises, c’est que l’Indochine bénéficiera de la plus grande autonomie, mais que cette autonomie s’exercera dans le cadre d’une Fédération française unissant entre eux tous les pays français sur un pied d’égalité. » (cité in Isoart, 1982, p. 37 ; Devillers, 1988, p. 45)
1er juin 44 : En Inde, Mackenzie, chef de la Force 136 britannique basée à Jessore (Bengal) crée une section française de l’Indochine (French Indochina County Section) dirigée par le capitaine De Langlade. Cette unité est créée en vue de perpétuer des actions subversives. Elle dispose d’un petit nombre d’avions sous le commandement du lieutenant-colonel Boucher de Crèvecœur (Bodinier, 1987, p. 21).
2 juin 44 : Le Comité français de libération nationale (C.F.L.N.) prend le nom Gouvernement provisoire de la République française (G.P.R.F.) sous la direction de De Gaulle : il siège à Alger (2 juin - 31 août 1944) puis à Paris (31 août – 10 septembre 1944). René Pleven en est le ministre des Colonies.
4 juin 44 : Sous la pression du D.M.H. et du V.N.Q.D.D., le Vietminh fait paraître un tract intitulé « Pour l’Indépendance complète de l’Indochine ! » Il vise à démontrer l’absence de complaisance des communistes à l’égard des Français. Ce tract proteste « contre l’inconséquence du Comité d’Alger » qui se contente de produire des « flatteries, des assurances, des promesses. » Les communistes réclament « une liberté […] entière ». La déclaration française du 8 décembre 1943 ne leur suffira assurément pas (Devillers, 1988, pp. 43-44).
16 juin 44 : René Pleven (Colonies) donne des instructions au général Pechkoff (ambassadeur de France à Chunking) : il faut « 1°) s’opposer publiquement à toute indépendance annamite ou cambodgienne qui serait accordée par les Japonais […] Il devrait être dit que toutes les questions indochinoises ne peuvent être discutées qu’avec la France. 2°) Participer effectivement à la résistance intérieure. » (cité in Isoart, 1982, p. 37 ; Devillers, 1988, p. 44).
26 juin 44 : Annotation de Jean Chauvel (secrétaire général du Commissariat aux Affaires étrangères) en marge d’une dépêche du diplomate Henri Oppenot : « Si nous voulons nous servir de Decoux, ce qui est le cas, nous ne pouvons pas vouer Vichy aux gémonies sur tous les tableaux. » (cité in De Folin, 1993, p. 35) Massigli (commissaire aux Affaires étrangères) et Soustelle (chef des services secrets de la France libre) partagent cet avis : il vaut mieux ménager Decoux que de devoir mener une guerre de reconquête dont la France n’a vraiment pas les moyens. Ces avis vont faire infléchir la position de De Gaulle concernant Decoux.
Fin juin 44 : De Gaulle dépêche auprès de Decoux le commandant François De Langlade, un des premiers résistants qui s’est rallié à la cause gaulliste dès le 19 juin 1940 (ancien de la 2e D.B., dirigera le Service Action). Il lui remet un ordre de mission manuscrit qui a disparu et dont on ne connaît la teneur qu’indirectement. En 1987, Langlade déclarera à son sujet : « Le message confié pour la mission de juillet ne mettait pas complètement l’amiral à l’écart de la Résistance. Il voulait même, lui, De Gaulle, garder un contact avec lui. » (cité in De Folin, 1993, p. 36) Ce que De Langlade n’accepte pas.
Été-automne 44 : Bien qu’ayant perdu ses « bases révolutionnaires » dans l’ensemble du Vietnam, le VM recommence à tisser des réseaux de guérilla au Tonkin dans les provinces de Cao Bang, Bac Kan et Langson. Il devra cependant se replier en Haute-Région du fait de l’offensive japonaise de septembre 1944 au Kouang Si qui fait refluer les Vietnamiens de Chine vers le sud. HCM replie son P.C. dans la région de Thai Nguyen (Gras, 1979, p. 26).