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par Jean-François Jagielski

Juillet 1964

Juillet 64 : Michaël Forrestal (membre du C.N.S., spécialiste des affaires asiatiques) quitte la Maison Blanche pour un poste au Vietnam qui lui permettra de travailler in situ sur des détails concrets. Il élaborera le plan Sullivan-Forrestal pour dissuader les militaires de bombarder le N-V et sera donc évincé de l’administration Johnson (Halberstam, 1974, pp. 408-409).


1er juillet 64 : Nomination du général Maxwell D. Taylor à l’ambassade des U.S.A. à Saigon. Il succède à Lodge, dont l’efficacité est mise en doute par l’administration Johnson depuis son rôle dans la chute de Diem que le président n’a jamais vraiment acceptée.

Il a officiellement démissionné pour se concentrer à renforcer l’aile modérée du Parti Républicain, espérant un retour sur investissement dans la campagne pour les primaires assez tardives pour la présidence de William Strampton, adversaire modéré de Goldwater (Halberstam, 1974, pp. 469-470).

Le général Taylor, ancien président de l’état-major interarmes, est un militaire qui va mettre en route dès sa nomination à son nouveau poste un ordre de marche.  Il convoque rapidement le Conseil de la Mission au Vietnam où il expose 4 options envisageables :

- passer la main et se retirer.

- négocier avec les N-V, méthode qui à ses yeux est une forme de renoncement.

- prendre des mesures militaires contre le N-V en utilisant l’aviation s-v voire américaine.

- améliorer et étendre le programme de pacification au Sud.

C’est cette dernière option qu’il retient tout en se préparant à la troisième. Westmoreland, protégé de Taylor, repart de cette réunion en comprenant qu’on lui demande de tenir le Vietnam (Halberstam, 1974, pp. 470-471).


1er – 5 juillet 64 : Suite à l’intervention de Sihanouk à l’O.N.U. (voir 11 mars), une mission d’enquête du Conseil de sécurité entreprend une tournée dans les zones frontalières litigieuses du Cambodge après avoir séjourné une dizaine de jours au S-V. Un rapport sera remis le 28. Il est jugé décevant par le gouvernement royal (Sihanouk, 1979, p. 238).


3 juillet 64 : Le général Harold Keith Johnson est nommé chef d’état-major de l’armée américaine en remplacement du général du général Maxwell D. Taylor qui a été nommé ambassadeur à Saigon.


7 - 23 juillet 64 : Selon Sihanouk, de l’ypérite a été déversée sur 7 villages du district d’Andoung Pich dans la province de Rattanakiri. On déplore 76 morts et la perte d’animaux domestiques (Sihanouk, 1979, p. 238).


8 juillet 64 : Le secrétaire des Nations Unies, U Thant, propose « un retour à la table des négociations à Genève. » Côté américain, on est très loin de cette option.


14 juillet 64 : L’ambassadeur à Saigon Maxwell Taylor présente ses lettres d’accréditation et demeurera en poste jusqu’au 30 juillet 1965.


15 juillet 64 : A Paris, Mai Van Bo, chef de la délégation économique de la R.D.V.N., en appelle lui aussi à la tenue d’une nouvelle conférence (voir 8 juillet). Il fait également une mise au point : « On parle beaucoup de neutralité, de neutralisme, de neutralisation, mais chacun à sa manière. Tout pays qui se dit neutre a une politique étrangère conforme à ses intérêts. Le F.N.L. […] a déclaré opter pour la neutralité ; cela veut dire qu’il ne conclura pas d’alliance militaire et entretiendra des relations normales avec tous les pays. Quant au Vietnam du Nord, il n’a sur son territoire ni troupe ni aucune base étrangère. Est-ce de la neutralité ? On ne sait pas. C’est en tout cas conforme aux accords de Genève. » (cité in Journoud, 2011, p. 179).


16 juillet 64 : McN estime les infiltrations n-v entre 1 500 et 2 000 hommes par an, cadres politiques compris. Ce que conteste le N-V en démontrant que ces chiffres ne tiennent pas compte des contraintes matérielles : distance, fatigue, manque de moyens de transport, surveillance adverse (Chaffard, 1969, pp. 357-358).

A l’occasion du dixième anniversaire des accords de Genève, le représentant de la R.D.V.N.en France, Mai Van Bo, évoque à nouveau au cours d’une conférence de presse la tenue d’une nouvelle conférence à Genève (Chaffard, 1969, p. 361).


19 juillet 64 : Dixième anniversaire de la partition du Vietnam suite aux accords de Genève, qualifiés au S-V de « Jour de la Honte ». Dans le contexte d’« une semaine de la honte nationale » très antifrançaise (voir 29 - 30 juillet), contrairement à ses engagements antérieurs à l’égard de Washington (et à son grand dam…), Khanh ouvre une campagne de slogans militaristes sur le thème de la « Marche au Nord » et de la réunification du Vietnam.

Cette démarche va à l’encontre de l’attitude discrète que l’administration américaine entend se ménager en période pré-électorale en vue de la présidentielle.

Le maréchal de l’aviation Nguyen Can Ky révèle quant à lui à des journalistes les plans dressés secrètement entre les U.S.A. et le gouvernement s-v, approuvés par LBJ, pour des attaques terrestres et aériennes au Laos (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 286 et pp. 316-317).


20 juillet 64 : Le ministre des Affaires étrangères du N-V, Xuan Thuy, adresse aux membres de la conférence de Genève une note leur demandant de « faire tout leur possible pour prévenir une détérioration toujours plus grande de la situation en Indochine. » (Chaffard, 1969, p. 361).


21 juillet 64 : De Gaulle confie au secrétaire général de l’O.N.U., U Thant, son inquiétude de voir les Américains « s’enfoncer dans une illusion permanente et éprouver un grand besoin d’action qui ne peut signifier finalement que la guerre. » (cité in Journoud, 2011, p. 179).


22 juillet 64 : McN déclare devant le comité des crédits budgétaires du Sénat : « Le problème essentiel au Sud-Vietnam n’est pas un problème politique. Le problème essentiel est un problème politique et économique. Sinon nous ne pouvons pas instaurer la stabilité politique et économique dans ce pays, il n’y a aucune possibilité de solution militaire. » (McNamara, 1996, pp. 116-117).

Le tonitruant Nguyen Cao Ky, chef de l’armée de l’air s-v, confie à la presse saïgonnaise : « Voilà bien longtemps que les avions sud-vietnamiens larguent des commandos parachutistes au-dessus du territoire tonkinois. » Précisant qu’il a lui-même participé à un raid sur le Nord en 1960 (Chaffard, 1969, p. 367). Il semble que ces opérations clandestines aient démarré dès 1958 et se soient amplifiées notoirement sous l’impulsion américaine à partir de juin 1961 dans le cadre du « plan Staley ».


23 juillet 64 : Khanh rencontre Taylor qui vient de remplacer Lodge au poste d’ambassadeur. Il lui dit que les États-Unis devaient se rendre compte que la guerre était entrée dans une nouvelle dimension avec un engagement plus ferme de leur allié. L’ambiance de cette rencontre est tendue (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 286).

De Gaulle, faisant écho à l’offensive diplomatique en cours, suggère devant la presse une nouvelle conférence de Genève avec les mêmes participant qu’en 1954 « où l’on saisirait successivement de ce qui a trait au Laos, au Cambodge et au Vietnam, dans le domaine international, et dont l’essentiel s’appelle, par avance leur neutralité. » (Chaffard, 1969, p. 362). Selon lui, la réussite d’une telle conférence repose sur deux conditions : le désengagement des puissances comme La France, la Chine, l’U.R.S.S. et les U.S.A. et l’apport d’une aide économique et technique massive des États qui en auraient les moyens. Pour la première fois, il évoque l’existence d’un « État communiste au Tonkin » alors que jusqu’alors la France n’avait reconnu que le S-V. Khanh est furieux en découvrant l’intervention du Général. (Journoud, 2011, p. 181)

De leur côté, les N-V ne sont pas favorables à la tenue d’une nouvelle conférence de Genève, gardant en mémoire celle de 1954 où, malgré leur victoire à Dien Bien Phu, ils s’étaient fait rouler dans la farine par les Chinois (Journoud, 2011, p. 186). Par ailleurs, le nouvel homme fort du Lao Dong, Le Duan et le général Nguyen Chi Thanh (responsable n-v des opérations au Sud), n’ont pas perdu tout espoir de victoire militaire. lls espèrent toujours, si possible en évitant une guerre avec les U.S.A., faire tomber le gouvernement s-v.

Fin de non-recevoir de LBJ à l’offensive diplomatique du moment : « Nous ne croyons pas aux conférences appelées à ratifier la terreur ; donc notre politique ne changera pas. » (cité in Chaffard, 1969, p. 364). Malgré ses hésitations à entrer dans le conflit, LBJ avec ce genre de déclaration se place clairement dans le clan des « faucons ». Il le prouve en envoyant 5 000 conseillers supplémentaires au S-V.


24 juillet 64 : Nouvelle entrevue Taylor-Khanh. Khanh demande à son interlocuteur s’il doit démissionner. L’ambassadeur lui dit de n’en rien faire. Il envoie un télégramme à Washington pour que les États-Unis se concertent avec le gouvernement s-v afin de dresser un plan de bombardement du Nord (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 287).

Conférence de presse de LBJ. Il se fait clairement menaçant : « Il existe un danger de provocation du Nord ; une telle provocation entraînerait naturellement une riposte. » (Chaffard, 1969, p. 364)


25 juillet 64 : Au cours d’un C.N.S., les chefs d’état-major proposent de bombarder différents objectifs au N-V, notamment des bases de vedettes lance-torpilles au moyen d’appareils banalisés conduits par des équipages non américains (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 287).

L’U.R.S.S. demande la convocation d’une nouvelle conférence sur le Laos. La R.D.V.N. accepte cette proposition et y voit un moyen de préserver « l’indépendance, la paix et la neutralité du Laos » mais aussi « la paix de l’Indochine et du Sud-Est asiatique » (voir 16 juillet) (Chaffard, 1969, p. 362).


28 juillet 64 : Relayant Johnson (voir 24 juillet), le sous-secrétaire d’État George Ball déclare : « Nous n’envisageons pas de prendre des mesures extrêmes. Mais s’il y a provocation, il pourrait y avoir riposte. » (Chaffard, 1969, p. 366).


Nuit des 29 - 30 juillet 64 : Faisant suite à toute série d’actes antifrançais (profanation du monument aux morts de Saigon, manifestations où sont exhibées des représentations caricaturales de De Gaulle et HCM) dans le cadre de « la semaine de la honte », les locaux de l’ambassade de France sont saccagés. Comprenant que la France sert de bouc-émissaire, l’ambassadeur Georges Perruche demande sa mutation et écrit dans son rapport de fin de mission : « En laissant ainsi se donner libre cours à une xénophobie assez primaire, le gouvernement prétendait, devant les Américains, faire preuve d’un anti-neutralisme militant en même temps qu’il s’efforçait de rejeter sur la France la responsabilité d’un échec militaire qui tourne à la catastrophe. » (cité in Journoud, 2011, pp. 188-189)


30 juillet 64 : Protestation des autorités françaises suite aux actes contre leur ambassade et la profanation du monument aux morts de Saigon. Le ministère des Affaires étrangères s-v botte en touche, n’y voyant qu’une affaire vietnamienne.

Des commandos navals s-v sous les ordres de Westmoreland exécutent un raid amphibie sur les îles n-v de Hon Me et Hon Nieu dans le golfe du Tonkin. Le destroyer USS Maddox se trouve à 130 miles de là dans le cadre d’une patrouille De Soto. Il a pour consigne de ne pas approcher à moins de 8 miles des cotes n-v et de 4 des îles du golfe (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 288). Selon les mémoires de LBJ, « le Maddox n’a pas commencé ses opérations de patrouille et se trouvait à 120 miles de là. » (Johnson, 1972, p. 146)


Fin juillet 64 : Le général Khanh (premier ministre s-v) propose aux généraux bannis (voir 28 - 29 mai) de partir pour les U.S.A. y « suivre des cours d’administration publique ». Ces derniers refusent, comprenant qu’il s’agit là d’une manœuvre pour se débarrasser d’eux. Cette offre leur sera soumise à plusieurs reprises (Tran Van Don, 1985, pp. 200-201).

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