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par Jean-François Jagielski

Juillet 1947

5 juillet 47 : Bao Daï déclare dans le journal saïgonnais L’Union française qu’il est prêt à retourner aux affaires. Selon Giap, il déclare : « Si tout le peuple vietnamien a confiance en moi […] je serais heureux de rentrer au Vietnam. Je ne suis ni pour ni contre le Vietminh. Je n’appartiens à aucun parti. » (cité in Giap 1, 2003, p. 112). Côté français, on commence à réfléchir – faute de mieux – à une « solution Bao Daï », dont d’Argenlieu et Pignon ont été les précurseurs (voir 14 janvier). Bien qu’en exil à Hong-Kong, le citoyen Vinh Thuy (Bao Daï) est toujours depuis  le 19 août 1945 « conseiller suprême » du VM.


6 juillet 47 : Le général de brigade Boyer De la Tour prend la succession du général Nyo à la tête des T.F.I.S. (Bodinier, 1989, p. 26). D’entrée, il est confronté à la violence qui règne à Saïgon et plus généralement dans tout le Sud (Boyer de la Tour, 1962, pp. 23-28). Pour autant, en vue de mener la campagne offensive au Tonkin à l’automne, Valluy (toujours commandant en chef) décide de prélever des troupes françaises au Sud.


11 juillet 47 : Au Cambodge, mort inopinée du prince Sisowath Yutevong, chef du gouvernement.


14 juillet 47 : Bollaert part pour Paris défendre son projet d’armistice. Selon une note du VM intitulée « directives politiques adressées aux agents politiques de tous échelons », il aurait déclaré juste avant son départ : « A partir de ce jour, en attendant septembre 1947, le Vietnam aura son indépendance dans l’Union française : la France m’a confié cette mission. » Une déclaration reprise par la presse (citée in Bodinier, 1989, pp. 438-439).


15 juillet 47 : Bollaert  écrit à Valluy en lui demandant d’envisager une réduction d’effectifs à 100 000 hommes (contre 115 000 demandés en janvier). Mais les estimations seront encore revues à la baisse en fin d’année (voir 9 décembre) (Bodinier, 1989, p. 76).


17 juillet 47 : Au Cambodge, le décès du prince Youthevong, président du Conseil, laisse le pays désemparé. Lui succède brièvement Chhean Vam, un personnage de peu d’envergure. Sihanouk commence à soutenir ses adversaires démocrates dont certains éléments extrémistes  affichent un nationalisme actif et exigeant (Gras, 1979, p. 231).


19 juillet 47 : Le gouvernement vietminh ne peut rester tout à fait insensible à la lassitude croissante de la population face à la politique de terre brûlée et au sectarisme de certains dirigeants communistes extrémistes. Il décide donc une ouverture vers les Français en créant un gouvernement de négociation. Un important remaniement gouvernemental à lieu. Giap n’en fait plus partie mais est nommé commandant en chef de l’armée nationale. Le ministère de la Défense nationale est attribué à Ta Quang Buu, classé sans parti. L’Intérieur change également avec l’éviction de Ton Duc Than qui est remplacé par un ancien mandarin, Pham Ke Toai. Le socialiste Hoang Minh Giam qui avait joué l’ouverture vers les Français  est quant à lui confirmé aux Affaires étrangères. Le nombre de dirigeants marxistes passe de 6 à 3 mais HCM conserve la barre et certains postes-clés de ce nouveau gouvernement sont toujours occupés par des communistes. Mais ce n’est là qu’une concession de pure forme, car au-delà des ministères qui ne sont que des organes d’exécution des décisions. C’est le Comité central, le Tong Bo, dont Giap est et demeure un rouage essentiel, qui a la mainmise sur la réalité du pouvoir (Gras, 1979, pp. 183-184).

De son côté, la radio du VM multiplie les appels à Vinh Thuy (Bao Daï, en exil à Hong-Kong) « pour qu’il revienne bientôt s’occuper des affaires de l’État » avec HCM dont il demeure officiellement depuis 1945 le conseiller (Devillers, 2010, p. 461).

Pendant que l’on négocie (ou plutôt fait semblant de négocier…) un très improbable cessez-le-feu, Valluy produit un directive pour ses subordonnés fixant les objectifs politiques de son offensive d’automne au Tonkin. Elle repose sur deux constats et une proposition : les méthodes anciennes de pacification n’ont pas abouti ; ce semi-échec est dû au fait qu’on s’est adressé à des communautés politiques dispersées que l’on a traité séparément, contrairement au VM qui a étendu son appareil sur tout le Vietnam ; il faut donc s’appuyer sur Bao Daï et militairement « frapper à la tête » le gouvernement communiste : « C’est, dit-il, la mission numéro un. » (Chaffard, 1969, p. 131)


21 juillet 47 : Salan (commandant des T.F.I.N.) est chargé de conduire l’offensive d’automne au Tonkin (future opération Léa). Bollaert lui communique en présence de Valluy les instructions du gouvernement : occuper Cao Bang et Lao Kay. Le but de l’opération est de couper la principale route de ravitaillement reliant le Vietminh à la Chine, disloquer le réduit national vm identifié dans la région Bac Kan, Chiem Hoa, Tuyen Quang, Thaï Nguyen et le détruire. Les renseignements ont identifiés la région de Bac Kan (nord de Thaï Nguyen) comme la capitale de l’adversaire et l’endroit où se trouve concentré ses principales forces armées (Gras, 1979, p. 188).


22 juillet 47 : Retour de Bollaert à Saigon. Il déclare lors d’une conférence de presse : « Le colonialisme est mort et la France est la première à n’en plus vouloir. » HCM lui répond en prenant acte de ses déclarations. L’opinion au Vietnam est ébranlée par ces déclarations et penche de plus en plus vers une solution « Bao Daï–HCM », avec le premier comme chef de l’État et le second comme premier ministre. Il en est de même en France où l’on pense avec beaucoup d’illusions que la « solution Bao Daï » est la seule qui puisse maintenir une armature française au Vietnam.


23 juillet 47 : Dans une proclamation, le comité aux armées du Nam Bo (sudiste) prescrit une mobilisation entière de la force du peuple. Chaque zone doit former un comité de résistance comme cela existe ailleurs. Cette réorganisation doit toucher les provinces, les régions et villages (Bodinier, 1989, p. 103).


24 juillet 47 : Valluy expose à Paris son plan pour traiter en octobre le « réduit tonkinois » selon un plan d’action militaire déterminé le 10 février et précisé le 19 juillet. Il a été approuvé par Bollaert en Conseil de défense le 9 juin. Valluy devient donc, avec son plan d’automne, l’étoile montante du moment.


25 juillet 47 : Valluy fait connaître à Bollaert son total désaccord avec ses choix de compromis pacifiques. Le général part ce jour-même à Paris, officiellement « pour raison de santé », mais va en fait demander aux ministres M.R.P. (Georges Bidault, Pierre-Henri Teitgen, Paul Coste-Floret) de stopper le projet de cessez-le-feu et de valider son projet d’offensive pour octobre (voir 24 juillet). Le gouvernement est, à son habitude, divisé et indécis (voir 6 août). Valluy laisse l’intérim du commandement en chef à l’amiral Battet qui poursuit l’élaboration du projet d’offensive d’automne.

Au Cambodge, mise en place du gouvernement Sisowath Watchhayavong qui demeurera en place jusqu’au 20 février 1948 (Jennar, 1995, p. 142).


26 juillet 47 : Création aux États-Unis du Conseil de Sécurité nationale (C.N.S.) (ou National Security Council, N.S.C.) sous l’administration Truman.

Les grandes lignes de la future opération Léa sont arrêtées : parachuter 2 bataillons (1 000 hommes) sur Bac Kan où se trouverait, selon le 2e bureau, le gouvernement du VM puis refermer la « nasse » au moyen de 2 autres groupements dont 1 serait fluvial (atteindre Chiem Hoa par le Fleuve Rouge et la Rivière Claire) et l’autre terrestre avec la prise de Cao Bang comme objectif (zone perdue depuis 1945) pour y installer des postes le long de la R.C. 4. La R.C. 3 permettrait de faire la jonction entre les 2 groupements (Cadeau, 2019, p. 216). Le plan est conçu comme une offensive à l’européenne, « en mâchoire », qui semble ignorer les réalités du terrain et, de ce fait, l’étirement des unités que cela implique qui ne pourront que nuire à l’effet de nasse recherché.

En vue de l’offensive d’automne, Salan, commandant des T.F.I.N., signe l’ordre de bataille de l’opération Léa :

Groupement S (lieutenant-colonel Sauvagnac), une demi-brigade de parachutistes larguée dans la zone Bac Kan–Cho Don–Cho Moï qui doit se saisir des organes du VM et créer un effet de surprise.

Groupement B (colonel Beaufre) doit progresser vers l’est sur l’axe Langson – Cao Bang par la R.C.4 et faire leur jonction avec le groupement S sur la R.C. 3.

Groupement C (colonel Communal) doit progresser vers l’ouest et rejoindre le groupement S vers Ban Thi. Il dispose de moyens fluviaux.

Le projet d’offensive repose sur un synchronisme précis des mouvements. Or, on manque de renseignements et surtout du soutien de la population. Et l’on néglige les opérations de retardement que la tactique de guérilla voulue par le VM induira (Valette, 2010, pp. 69-70).

Directive du commandant des T.F.I.S. (Salan) pour limiter les importantes pertes d’armes qui tombent dans les mains du VM (Boyer de la Tour, 1962, p. 48).


27 juillet 47 : Un meeting tenu à Dai Thu (province de Thai Nguyen) instaure la journée des blessés de guerre. Ces derniers sont accueillis dans le Viet Bac pour y être soignés (Giap 1, 2003, p. 110).


Fin juillet 47 : L’effectif des troupes régulières vietnamiennes (Garde nationale du VM) passe de 85 000 à 120 000 combattants (Giap 1, 2003, p. 110).

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