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par Jean-François Jagielski

Janvier 1972

Début 1972 : Nixon a réduit l’engagement militaire américain. Depuis son entrée en fonction, il a retiré 400 000 hommes et le nombre de morts s’est réduit à 10 par semaine. Pour montrer sa volonté de désengagement, il révèle la poursuite des conversations secrètes avec les N-V mais dissimule le fait qu’il était désormais en position de faiblesse du fait du désengagement des troupes américaines et de fortes restrictions budgétaires.

Les U.S.A. envisagent des ouvertures spectaculaires en direction de la Chine et de l’U.R.S.S. Désormais, les chemins de la paix au S-V passent par la construction d’une relation triangulaire U.S.A.- Chine - U.R.S.S. En fait, la guerre du Vietnam est en train de passer au second rang des préoccupations des États-Unis. Les relations entre la Chine et l’U.R.S.S. étaient très mauvaises après la Révolution culturelle, Mao accuse les Russes de « révisionnisme » et est choqué par l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 par les troupes soviétiques. La Chine avait alors interdit l’utilisation de son espace aérien aux Russes pour alimenter la machine de guerre du N-V. Les N-V jouent donc sur les deux tableaux : en sollicitant les deux grands frères et en jouant sur leur rivalité, ils réussissent à obtenir le matériel nécessaire à la poursuite du conflit en vue de leur offensive de Pâques. Mais l’ouverture américaine change la donne du jeu. Russes et Chinois n’hésitent pas à faire passer d’abord leurs propres intérêts, et ce dès 1970, alors qu’ils cherchent un rapprochement avec les U.S.A. qui jusqu’alors étaient réticents.

Les négociations secrètes entre Le Duc Tho et Kissinger vont être plus que laborieuses. Une « guerre des caprices », selon l’expression du journaliste James Reston. Kissinger doit se heurter non seulement à l’intransigeance n-v mais également au refus des accords par Thieu. Ces négociations au forceps aboutiront cependant aux accords de Paris de janvier 1973 qui demeurent un jeu de dupes permettant aux Américains de se retirer du conflit mais qui plonge le S-V dans une spirale d’une défaite déjà bien engagée.


Début janvier 72 : Kissinger et Haig se rendent à Pékin pour préparer la visite de Nixon du 20 au 28 février (Portes, 2016, p. 82 ; Kissinger 2, 1979, pp. 1 106-1 108). Selon Portes, « or pendant ces pourparlers préparatoires qui durent plusieurs heures et dont le Vietnam est l’une des préoccupations principales, jamais les Chinois ne menacent de les rompre ni de remettre en cause la visite du président américain. Pour Pékin, les nouvelles relations avec les États-Unis sont essentielles, alors que le Vietnam ne pèse guère dans leurs préoccupations ; la position de Mao Dze Dung a beaucoup évolué depuis 1968, quand il conseillait aux Vietnamiens de ne jamais transiger. » Lors de la rencontre entre Zhou Enlaï et Kissinger, malgré l’annonce du retrait américain, le premier ministre chinois a annoncé que son pays continuerait à aider son allié, en respectant son indépendance et sans négocier à sa place. Une décision qui sera confirmée lors de la visite de Nixon à Pékin (Portes, 2016, pp. 82-83).


3 janvier 72 : Le sénateur démocrate McGovern reproche au gouvernement de n’avoir entamé aucune négociation sérieuse (Kissinger 2, 1979, p. 1098).


4 janvier 72 : Abrams (commandant le M.A.C.V.) avertit l’administration qu’une attaque d’envergure est imminente. Selon Kissinger, « un groupe important estima que nous devions laisser les événements suivre leur cours, en fournissant le même degré d’assistance, mais sans l’augmenter […] Mais Nixon et moi-même n’étions de cet avis. » (Kissinger 2, 1979, p.         1 162). Cette remarque relève de la rodomontade car depuis 1969, lui et Nixon ont retiré un nombre considérable de troupes américaines du S-V au nom de la vietnamisation… Il faut certes frapper fort mais, paradoxalement, avec de moins en moins de moyens humains et matériels…


5 janvier 72 : Nixon annonce qu’il se présente à sa propre succession.


13 janvier 72 : Nixon annonce que les effectifs américains seront ramenés à 69 000 hommes au 1er mai (Nixon, 1978, p. 432). Un nouveau retrait de 70 000 hommes est programmé dans les trois mois à venir (Burns Sigler, 1992, p. 129).

L’ancien sous-secrétaire d’État de l’administration Johnson, George Ball, critique le projet de voyage de Nixon en Chine dans un article sous-titré : « Ce voyage est-il nécessaire ? » (Kissinger 2, 1979, p. 1 109).


20 janvier 72 : Abrams avertit l’administration que l’ennemi va tenter de « nous mettre dans une situation la plus difficile possible. » (Kissinger 2, 1979, p. 1 153). Il demande à Washington d’autoriser des frappes au nord de la D.M.Z., notamment pour interdire aux N-V d’utiliser leur aviation qui constitue à ses yeux une menace « inacceptable ». Il est conscient que l’attaque n-v qui se prépare « sera, selon les mots de Portes, le test de réussite ou d’échec de la vietnamisation ». Kissinger et Nixon sont mis au courant de l’importance du projet d’offensive. Ils pensent que, vainqueurs ou battus, les N-V seront amenés à négocier (Portes, 2016, pp. 77-78).


24 janvier 72 : Kissinger organise une réunion pour examiner les demandes d’Abrams. Ni la Défense ni le département d’État ne manifestent le moindre enthousiasme pour reprendre les bombardements au Nord, pas même Nixon qui ne veut pas compromettre son voyage à Pékin. « Les inquiétudes d’Abrams parurent excessives. » (Kissinger 2, 1979, p. 1 154).


25 janvier 72 : Pressé de toute part, tant par le Congrès que par la presse quant à la date de retrait américain, Nixon révèle publiquement l’existence d’entretiens secrets entre Kissinger et Le Duc Tho qui ont eu lieu entre le N-V et les U.S.A. depuis le 4 août 1969 (Nixon, 1978, p. 432). Les N-V n’ont pas été mis au courant de cette déclaration. Nixon révèle la synthèse des 12 dernières rencontres entre son conseiller à la Sécurité nationale et Le Duc Tho. Le plan en 8 points du G.R.P. est également rendu public. Le président précise : «  La seule chose que ce plan ne fera pas, serait d’aboutir à un accord avec nos ennemis pour renverser notre allié ; une chose que les États-Unis d’Amérique ne feront jamais. Si notre adversaire veut réellement la paix, il aura d’abord à faire la différence entre un accord et une capitulation. Mais si la réponse de notre ennemi à notre proposition était d’accélérer leurs mouvements militaires, je prendrais toutes les responsabilités de commandant en chef de nos forces armées, afin de préserver la vie des soldats encore présents là-bas. » (cité in Portes, 2016, p. 81)

Selon Kissinger, Thieu a été mis au courant au préalable et n’a pas apprécié cette déclaration qui affaiblit sa situation au plan intérieur. Nixon se justifiera en déclarant : « Rien ne sert le silence lorsque l’autre côté exploite votre bonne volonté pour diviser l’Amérique et éviter la table de conférence. » (cité in Journoud, , 2012, p. 76) Toujours selon Kissinger, les réactions à ce discours dans l’opinion sont partagées (Kissinger 2, 1979, pp. 1100-1101). Dans un souci de discrétion, les rencontres auront désormais lieu non plus à Choisy-Le-Roi mais à Gif-sur-Yvette, dans la maison du peintre Fernand Léger décédé en 1955, qui était un proche du P.C.F. Kissinger emprunte des parcours de plus en plus compliqués pour « semer » les journalistes (Portes, 2016, p. 50).


26 janvier 72 : Laird (Défense) propose un compromis suite aux demandes d’Abrams, à l’exclusion – pour l’instant – d’un retour des bombardements au Nord. Il recommande d’accroître l’activité aérienne sur le Sud et de renforcer le dispositif de radars sur la D.M.Z. Kissinger approuve la non-reprise des bombardements au Nord en attente d’en savoir plus sur l’ampleur de l’offensive en préparation. Il préconise de maintenir un maximum d’hélicoptères pour faciliter la mobilité des troupes, d’augmenter le nombre de B-52, d’avions et de porte-avions.

Une réunion du C.N.S. est prévue le matin. Nixon acte les décisions de Kissinger.

Parallèlement aux révélations de Nixon dans son discours du 25, Kissinger lui suggère de faire un geste pour reprendre les négociations secrètes. Nixon accepte mais à contrecœur. Des contacts sont pris avec Pékin et Moscou pour dire qu’en cas d’attaque n-v, les U.S.A. répondront par la force. La Chine semble assez indifférente à cette déclaration (Kissinger 2, 1979, p. 1 157).


31 janvier 72 : Les N-V rendent public leur propre dossier de négociations et évoquent notamment les 9 points de Le Duc Tho du 26 juin 1971 (Kissinger 2, 1979, p. 1 101).

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