Janvier 71 : Sondage analysant l’évolution de l’opinion publique américaine sur le conflit au Vietnam : pour 31 %, contre 59 %, sans opinion 10 % (Nouilhat in collectif, 1992, p. 60).
Les Vietnam Veterans Against the War (V.V.A.W.) organisent une manifestation à Detroit (Michigan). L’un des principaux organisateurs est John Kerry (ancien officier de l’U.S. Navy) qui propose une marche sur Washington (voir 24 avril) (Prados, 2011, p. 33).
Au Cambodge, dans le Bulletin de documentation du mois, Sihanouk proteste contre l’expulsion de sa mère, la reine Kossomak, du palais royal à Phnom Penh. Des poursuites judiciaires ont également été engagées contre deux de ses fils, les princes Norodom Naradipo et Norodom Ranariddh ainsi que contre la princesse Bathum Bopha. Le prince Naradipo a été condamné par un « tribunal spécial » à 5 ans de travaux forcés pour avoir distribué « des tracts antigouvernementaux » (Sihanouk, 1979, p. 256).
5 janvier 71 : Départ de Laird (Défense) pour le Vietnam sur demande de Nixon (voir 23 décembre 1970).
7 janvier 1971 : Le M.A.C.V. commence la planification détaillée de l’offensive Lam Son 719. La tâche a été confiée au commandant du 14e Corps, le lieutenant-général James W. Sutherland, qui ne dispose que de 9 jours pour soumettre son projet au M.A.C.V. Ce trop bref délai sera l’une des causes de son échec.
Le New York Times publie un rapport du M.A.C.V. indiquant qu’en 1970 65 000 soldats américains ont consommé de la drogue (Burns Sigel, 1992, p. 124).
15 janvier 71 : Une réunion du Senior Review Group (composé de membres du département d’État, de celui de la Défense, du Joint Chiefs Staff de Westmoreland, de la C.I.A. et du C.N.S.) est chargée de faire des prospectives sur la situation au Vietnam en 1972. Du fait du retrait, on prévoit un déficit de forces américaines qui oscille entre 8 et 35 bataillons du fait des renforcements n-v à venir au Laos et Cambodge. La nécessité d’une opération militaire dans ces deux pays se précise (Kissinger 2, 1979, p. 1042).
18 janvier 71 : Réunion en compagnie de Laird revenu de son voyage au Vietnam. Sont présents: Nixon, Laird (Défense), Rogers (département d’État), Kissinger, Alexander Haig (conseiller militaire de Kissinger) et l’amiral Thomas H. Hoover (chef d’état-major interarmes). S’y ajoutent Rogers (secrétaire d’État) et Helms (directeur de la C.I.A.).
Laird, dans un premier temps, parle de tout, sauf du projet d’offensive. Il le présente comme une petite opération. Puis évoque une phase plus ambitieuse précisant le rôle des Américains : verrouiller les positions vers la route 9, tout en demeurant au S-V pour ne pas froisser le Congrès. Rogers acquiesce. Seul Helms pose des questions pertinentes : l’opération qui avait déjà été envisagée par le passé a toujours été rejetée car jugée trop difficile lorsque les Américains pouvaient s’impliquer. Qu’en sera-t-il avec les seules forces S-V ? (Kissinger 2, 1979, pp. 1 048-1 049).
Nixon autorise cette opération d’envergure pour couper la piste HCM au Laos (Kissinger 2, 1979, p. 1 045). Du fait des récentes interdictions du Congrès, elle doit être une pure opération de l’A.R.V.N., avec un simple appui aérien américain et un soutien en artillerie, accompagné d’un transport de troupes par hélicoptères. Quant aux troupes américaines, elles devront cantonner leur présence au seul territoire s-v (Nixon, 1978, p. 361).
Nixon note dans ses mémoires au sujet des enregistrements clandestins de ses conseillers à leur insu : « Finalement, pendant la période où l’on projeta et discuta [l’opération] Lam Son, je décidai de réinstaller le système d’enregistrement. » (Nixon, 1978, pp. 362-364) De plus en plus prudent et surtout méfiant, le président se couvre pour acter les décisions de son administration.
19 janvier 71 : Kissinger provoque une réunion du Washington Special Actions Group (W.A.S.G.) pour mettre au point les plans d’une incursion des troupes s-v au Laos et au Cambodge (future opération Lam Son 719). Selon Kissinger, « le point faible des méthodes de gouvernement de Nixon, c’était que l’on gaspillait trop de temps, d’efforts et d’énergie à essayer d’obtenir un consensus parmi les ministres et hauts fonctionnaires, de sorte qu’il ne restait plus beaucoup de temps pour scruter les défauts du plan ou imposer une certaine discipline au reste du gouvernement. » (Kissinger 2, 1979, p. 1 049). Qu’aurait-il dit s’il avait œuvré sous l’administration Johnson ?...
21 janvier 71 : Lors d’un plenum du Comité central du P.C. n-v, Xuan Thuy (plénipotentiaire n-v lors des séances plénières des pourparlers de Paris) tourne en dérision les propositions de Nixon prononcées lors de son discours du 7 octobre 1970 et exige que les Américains répondent positivement aux propositions en 8 points du G.R.P. (voir 17 septembre 1970) (Kissinger 2, 1979, p. 1 042).
Nouvelle réunion du W.A.S.G. Elle est présidée par le sous-secrétaire d’État Alex Johnson. Les experts du département d’État estiment qu’il faut différer l’invasion du Cambodge et obtenir au Laos l’accord formel du premier ministre Souvanna Phouma pour pouvoir mener l’opération. Des négociations aboutiront en ce sens mais ce formalisme agace Nixon et Kissinger (Kissinger 2, 1979, p. 1 051).
Pressentant du fait des bombardements préparatoires la future opération au Cambodge, 64 membres de la chambre des Représentants déposent une proposition de loi visant à geler les crédits à toute opération visant ce pays (Kissinger 2, 1979, p. 1 054).
22 janvier 71 : Au Cambodge, des troupes vietcong attaquent l’aéroport Pochetong proche de Phnom Penh. Elles tirent durant 4 heures une centaine de coups de mortier et de roquettes de 122 mm. Le gouvernement est complètement pris au dépourvu et aucune riposte n’est accomplie. La totalité de la piètre force aérienne cambodgienne est anéantie. Cette attaque réalisée à 5 km de la ville montre à la population de la capitale et aux Américains combien celle-ci est mal défendue (Shawcross, 1979, p. 186).
25 janvier 71 : Kissinger revoit les plans d’invasion d’une partie du Cambodge et du Laos avec le président de l'état-major interarmées, l’amiral Moorer (future opération Lam Son 719). Il avoue rétrospectivement dans ses mémoires : « Je manifestai, peut-être trop tard, une série de préoccupations. S’il s’avérait que le fait de couper la piste Ho Chi Minh était une opération aussi décisive, potentiellement, que le pensait Abrams, il fallait s’attendre à ce que les Nord-Vietnamiens se battent durement. » De plus, la prise de Tchepone au Laos, point de convergence des différents rameaux de la piste HCM, est rendue délicate par le fait que les renforts n-v pouvaient arriver à la fois du Nord et du Sud (Kissinger 2, 1979, p. 1 052). D’entrée, cette opération trop ambitieuse est trop vite et trop mal pensée.
27 janvier 71 : Nixon convoque un C.N.S. Sont présents Laird (Défense), Rogers (secrétaire d’État), Helms (C.I.A.), Moorer (président de l'état-major interarmées), Haig (conseiller militaire de Kissinger) et Kissinger. L’amiral Moorer expose le plan d’attaque du Cambodge. Nixon fait savoir qu’il en a assez « des atermoiements et Rogers [est] sommé de s’expliquer. » Tout comme Helms (voir 18 janvier), le secrétaire d’État estime que les risques sont excessifs et ce, d’autant plus que l’on oblige les S-V à entreprendre une opération à laquelle les Américains avaient eux-mêmes renoncé à mener alors qu’ils étaient encore 500 000 au S-V. Nixon lui oppose que le discours fut le même lors de la première incursion au Cambodge (voir 30 juin 1970) et que l’opération fut loin d’être catastrophique. Il passe donc outre cet avis et donne l’ordre d’attaque. Il demande cependant à Moorer d’envisager la suppression de l’opération aéroportée sur Tchepone car, du fait de l’amendement Church-Cooper (voir 30 juin 1970), aucun soldat américain ne peut plus mettre un pied en dehors du S-V. Les proches de Nixon ne comprennent donc plus si l’engagement du président est véritablement réel et complet… (Kissinger 2, 1979, p. 1 053)
21 sénateurs renouvellent la proposition de loi pour un désengagement complet des troupes américaines au 31 décembre 1971 (Kissinger 2, 1979, p. 1 054).
31 janvier – 2 février 71 : Les Vietnam Veterans Against the War (V.V.A.W.) organisent à Detroit (Michigan) un forum intitulé Winter Soldier Investigation portant sur les crimes de guerre auxquels ont participé ou dont ont été témoins certains vétérans. Le but n’est pas tant de condamner de tels actes que de faire pression pour l’ouverture par le Congrès d’une enquête sur la conduite de la guerre. Il s’agit aussi d’éduquer les politiques à mettre l’armée sous le contrôle permanent d’instances purement civiles (Gibault in collectif, 1992, p. 77).