Début 69 : Au Cambodge, formation de centres d’entraînement des Khmers rouges par le F.N.L. Ils comptent à cette époque moins de 1 000 combattants.
Janvier 69 : Négociations secrètes. Harriman et Xan Thuy se rencontrent pour la forme mais sans avancées à la veille du changement de président américain (Portes, 2016, p. 36).
2 janvier 69 : A la conférence de Paris apparaissent rapidement des divergences quant à la composition des délégations (voir 10 décembre 1968, 18 janvier) (Burns Siger, 1992, p. 86).
7 janvier 69 : Arevell Harriman soumet un mémorandum dans lequel il est stipulé que toutes les troupes n-v devront quitter le S-V (armée régulière, unités de réserve pouvant renforcer le Vietcong) en cas d’accord. Rappelant la déclaration de Manille, il peut s’avérer nécessaire que la présence américaine se maintienne tant que l’on n’a pas la certitude que tous les N-V aient véritablement quitté le S-V. Un accord est trouvé : les U.S.A. et les N-V débattraient des questions militaires et le traitement des questions politiques serait réservé uniquement aux Vietnamiens du Nord et du Sud (Kissinger 1, 1979, p. 26).
9 janvier 69 : En vue de la future opération Breakfast (Petit Déjeuner), Creighton Abrams télégraphie au général Wheeler (chef d’état-major interarmes) qu’il est en possession d’« informations récentes, provenant de photos de reconnaissance aériennes, ainsi que d’un transfuge [qui] fournissent des renseignements de premier ordre sur les installations du C.O.S.V.N. H.Q. dans la zone militaire 353. » Jusqu’alors, les services de renseignement américains situaient ce présumé Q.G. des forces du F.N.L. au Laos. Ils sont désormais persuadés qu’il se trouve plus au sud, à la frontière, dans un secteur à cheval entre le S-V et le Cambodge. Les Américains savent qu’il n’y a aucune infrastructure en dur et que la zone est recouverte d’une jungle épaisse. Ce qui d’entrée remet en cause la véracité de leur interprétation photographique. Pour autant, ils entendent attaquer car ils sont persuadés que le F.N.L. prépare de cet endroit précis une offensive contre Saigon. Nixon et le C.N.S. vont valider dans le plus grand secret ce projet (Shawcross, 1979, pp. 13-14).
15 janvier 69 : Les Pentagon’s Papers sont présentés à Clark Clifford (Défense) par Leslie H. Gelb à qui McN avait confié la direction du projet. Kissinger est mis au courant de leur existence et y aura accès avant sa prise de fonction (Portes, 2016, p. 20).
18 janvier 69 : A La conférence de Paris, un compromis est trouvé pour éteindre les querelles protocolaires d’agencement (voir 10 décembre 1968). On convient d’une table ronde pour les délégations et deux tables carrées diamétralement opposées pour les secrétaires-sténographes de chaque délégation (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 222).
20 janvier 69 : Investiture du nouveau président des États-Unis, le républicain Richard Nixon. Son entourage le décrit comme ayant une personnalité introvertie. C’est un homme solitaire, angoissé, secret, méfiant et retors, ce qui lui vaut le surnom de « Tricky Dick » (« Richard le Retors »). Il n’aime guère le contact des autres et a confié à son attaché de presse : « Il serait tellement plus facile de diriger la Maison Blanche si on n’avait pas affaire à des gens. » (cité in Wainstock, Miller, 2019, p. 250).
D’entrée, il reconnaît : « Je n’espérais pas grand-chose des conversations de Paris [qu’il n’évoque quasiment pas dans ses mémoires] pour régler les affaires du Vietnam. Nous avions besoin, à mon avis, de repenser entièrement notre politique diplomatique et militaire au Vietnam. J’étais déterminé à éviter le piège dans lequel Johnson était tombé, en consacrant pratiquement tout l’effort et le temps de sa politique étrangère au Vietnam qui n’était réellement qu’un problème à court terme. » (Nixon, 1978, p. 246). L’évolution de la situation va rapidement le faire changer d’avis.
Arrivé aux affaires, sachant qu’il ne pourrait gagner la guerre par des moyens purement militaires, Nixon a deux objectifs : se rapprocher de la Chine et de l’U.R.S.S. pour mettre un terme à la guerre du Vietnam. Il institue assez rapidement un nouveau Conseil national de Sécurité (C.N.S.) dirigé par Kissinger qui obtient le titre de Conseiller à la Sécurité nationale (Nixon, 1978, p. 247). Contrairement à l’immense majorité des dirigeants américains jusqu’alors, ce dernier refuse - à juste raison - de considérer le bloc communiste comme un ensemble monolithique et orientera sa politique extérieure sur cette conviction. C’est lui et non le secrétaire d’État (William P. Rogers) qui va gérer l’essentiel de la diplomatie américaine en vue de la sortie du conflit.
La refonte du C.N.S. est voulue et décrite dans un rapport intitulé N.S.D.M. 1, signé de la main de Nixon. Il touche à la Sécurité nationale et au resserrement en matière de politique étrangère autour de deux personnalités : Kissinger et de Morton Halperin (conseiller de Kissinger). Ce qui n’empêchera pas les fuites émanant du Pentagone qui tourneront rapidement à l’obsession chez le nouveau président (Nixon, 1978, pp. 278-279).
Nixon ne possède la majorité ni au Sénat ni à la Chambre des Représentants qui demeurent démocrates. Les élections pour ces deux chambres n’auront lieu que le 3 novembre 1970 et ne lui donneront pas de majorité au Congrès (Nixon, 1978, p. 301).
Le nouveau président évoque un climat tendu dès le premier jour de son élection du fait du conflit vietnamien : « Le jour de mon investiture, le « Secret Service » interdit à ma femme et moi de figurer dans le cortège en voiture découverte, parce que des centaines de manifestants brandissant des drapeaux du Vietcong bordaient les rues du défilé et que l’on avait reçu des centaines de menaces contre nous. Même avec les vitres fermées, nous entendions de notre voiture les cris des manifestants qui scandaient : « Ho Ho Ho Chi Minh. Le F.N.L. va gagner ! » » (Nixon, 1985, p. 111)
22 janvier 69 : Melvin Laird succède à Clark Clifford au poste de secrétaire d’État à la Défense, fonction qu’il occupera jusqu’au 29 janvier 1973. Ses relations avec le président se dégraderont au fil du temps. Ce dernier a compris que le système des N.S.S.M. (brèves notes d’étude adressées au groupe interministériel à rendre rapidement) instauré par Kissinger a pour but d’occuper les différents services administratifs en les noyant sous des études diverses alors que toutes les décisions essentielles sont prises par la Maison Blanche. Contrairement à la période précédente, Kissinger entend mêler l’administration à la politique le moins possible. Déjà en 1968, il avait déclaré : « La seule façon de garder un secret consiste à exclure de la prise de décision tous ceux qui sont théoriquement chargés de l’exécuter. » (Shawcross, 1979, pp. 78-81)
25 janvier 69 : Ouverture officielle des négociations à Paris entre le S-V, les U.S.A. d’un côté et le N-V et le F.N.L. de l’autre, en vue de l’établissement d’un cessez-le-feu. Elles traîneront sans notables avancées jusqu’au 17 septembre 1970. La conférence a mal démarré avec d’interminables discussions quant à la forme de la table des réunions (voir 10 décembre 1968 et 18 janvier), la validité du statut politique des délégations, leurs pouvoirs et leur représentativité. La composition quadripartite, avec inclusion du F.N.L., est en soi une absurdité car refusée de longue date par les S-V (voir 26 février) qui ont été obligés de céder, mais contraints sous la pression conjointe des U.S.A., de la France et des autres alliés.
Constitution des délégations officielles (et officieuses pour la suite lors de la mise en place des négociations secrètes) :
U.S.A. : Henry Cabot Lodge (chef de la délégation en remplacement d’Harriman), David Bruce, William Porter (à partir de septembre 1971), Winston Lord et John Negroponte (équipe Kissinger), Philip Habib.
N-V : Xuan Thuy (chef de la délégation), Ha Van Lau (expert militaire), Vo Van Sung, Le Duc Tho (conseiller spécial).
F.N.L. : Tran Buu Kiem (chef de la délégation), Nguyen Thi Binh (ancienne institutrice détenue dans les geôles françaises, « madame Binh » dans les mémoires de Kissinger, future ministre des Affaires étrangères du G.R.P.) ;
S-V : Pham Dang Lam (chef de la délégation s-v, nommé par Thieu), temporairement car sa présence est contestée par le F.N.L., Nguyen Phu Duc (conseiller de Thieu qui a reçu ses instructions, voir 28 janvier). A noter la présence dans un premier temps du vice-président Nguyen Cao Ky envoyé par Thieu pour superviser la mise en place de la délégation (Portes, 2016, p. 44 ; Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 222-223 et p. 226).
28 janvier 69 : Arrivée à la conférence de Paris de Nguyen Phu Duc (conseiller présidentiel) qui a reçu avant son départ des instructions de Thieu. Le président s-v a établi trois volets pour la négociation : un forum international pour les questions militaires et internationales ; un forum bilatéral entre le Sud et le Nord-Vietnam ; des négociations privées entre le S-V et le F.N.L. (ce dernier n’étant pas reconnu par son interlocuteur, ces rencontres ne se feront donc pas).
Thieu est favorable à une désaméricanisation de la guerre avec retrait de deux divisions américaines pour le mois de juillet puis des retraits successifs sur 4 ou 5 ans. Une présence américaine permanente lui paraît toutefois nécessaire pour garantir la paix. A l’égard du F.N.L., il envisage des élections anticipées pour mars durant lesquelles les communistes pourront se présenter et voter. Il estime que son gouvernement contrôle le pays à 86 % et va donc remporter facilement ces élections. Pour lui, le cessez-le-feu n’est pas une urgence : on peut négocier et combattre en même temps.
Nguyen Phu Duc rencontre Nguyen Cao Ky (vice-président du S-V) qui lui confie que « le F.N.L. n’est pas une entité mais c’est une réalité ». Il se dit prêt à rencontrer ses membres mais cette proposition est rejetée par les N-V.
Puis il rencontre Cabot Lodge (chef de la délégation américaine) qui lui confie la nécessité de l’existence de négociations secrètes car l’échange permanent de diatribes à la conférence de Paris n’aboutira à rien. Il estime que le Laos et le Cambodge devraient participer à la conférence. Selon lui, les Russes, favorables à une paix, devraient faire partie du système de contrôle international. Nguyen Phu Duc l’informe des trois volets que Thieu a élaborés (Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 223-225).
29 janvier 69 : Nguyen Phu Duc rencontre Michel Debré (ministre des Affaires étrangères français). Ce dernier lui confie qu’Hanoi n’a pas confiance en la parole américaine. Il revient à la vieille idée gaulliste du discours de Phnom Penh (voir 1er septembre 1966) sur la neutralisation du Vietnam avec retrait des forces américaines (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 225).
30 janvier 69 : Deuxième séance plénière à la conférence de Paris. Nguyen Phu Duc s’y rend pour prendre la température. On y prononce des discours séparés. La seule amorce de dialogue se fait sur la question du respect de la D.M.Z. par le bais d’une intervention de Cabot Lodge (négociateur américain) durant laquelle Le Duc Tho lit un journal… (Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 225-226).
Kissinger a un entretien au Pentagone avec Laird (secrétaire d’État à la Défense) et Wheeler (présidents des chefs d’état-major) pour tenter de riposter aux attaques récurrentes des N-V au Sud qui provoquent de nombreuses pertes dans les rangs américains (voir 1er février) (Kissinger 1, 1979, pp. 249-250).