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par Jean-François Jagielski

Janvier 1967

Début 67 : Après 3 années assez catastrophiques tant du point de vue militaire que politique, LBJ estime la situation en voie d’amélioration : les N-V perdent des armes, les taux de pertes sont chez eux nettement supérieur à ceux des alliés, 27 000 VC se sont rendus aux autorités s-v, le contrôle des zones par le VC est en net recul (3,2 millions de personnes en juin 1966, 2,4 millions en janvier 1967) (Johnson, 1972, p. 314).


Janvier 67 : Selon Debouzy, « en janvier 1967, une manifestation de religieux eut lieu à Washington : ils firent une marche silencieuse devant la Maison Blanche et une veille pour la paix. Le mois suivant 2 500 femmes blanches d’allure respectable mobilisées par le Women Strike for Peace prennent d’assaut le Pentagone. Elles portent des pancartes où l’on peut lire : « Les mères disent : «  Arrêtez la guerre du Vietnam », « Laissez tomber Dean Rusk et McNamara, pas les bombes. » (Debouzy, 2003, p. 29)

Mise en place, suite à une demande de McN, des Hamlet Evaluation System (H.E.S.) pour évaluer l’efficacité des hameaux stratégiques : « En janvier 1967, à la demande du Secrétaire à la Défense, le Conseil de mission américain au Vietnam a lancé le système d'évaluation de Hameaux stratégiques (H.E.S.), un nouveau dispositif de compte rendu pour évaluer l'état de la pacification dans tout le Sud-Vietnam. La procédure exige que chaque conseiller de district évalue chaque mois les hameaux de son district en fonction de critères standardisés couvrant ses caractéristiques militaires, politiques, économiques et sociales. Après examen par le personnel consultatif du M.A.C.V. au niveau provincial, les rapports complétés sont envoyés à Saigon où ils sont compilés et informatisés pour une variété de critères analytiques et de gestion. » (Final Report - Hamlet Evaluation System Study (F.E.S.S.) ACG 60F du 1er mai 1968, archives déclassifiées)

Le dispositif est placé sous la direction  du colonel Joy Vallery, chef de la division à la formation des unités à la C.O.N.A.R.C. (Commandement de la formation et de la doctrine de l'armée) qui doit transmettre mensuellement les données récupérées au M.A.C.V. A partir d’un questionnaire invariable, il note les localités de A (« super hamlet ») jusqu’à E (« contested ») selon les rapports plus ou moins falsifiés des dirigeants locaux. Ce système bureaucratique sera l’objet de vives critiques, servant avant tout d’outil de propagande au commandement militaire américain pour justifier les bienfaits de son action. Il sera également chapeauté par la C.I.A. fin 1968 dans le cadre du programme Phoenix (Tucker, 2000, p. 160 ; Fournier, 2019, pp. 240-243). xyxy


2 Janvier 67 : Début de l’opération aérienne Bolo pour neutraliser l’armée de l’air n-v. Au cours du plus vaste combat aérien de la guerre 7 MIG-21 sont détruits par les F-4 Phantom.

Le journaliste américain Harrison Salisbury du New York Times (voir 23 décembre 1966) obtient une longue interview avec le premier ministre Pham Van Dong. Au préalable, un questionnaire a été soumis au dirigeant n-v. Selon Salisbury, « on ne saurait parler d’une interview, ce fut une longue conversation, un long soliloque de Pham Van Dong avec de brèves interruptions de ma part. » (Salisbury, 1967, p. 187) L’entretien dont le contenu est soumis au ministère des Affaires étrangères n-v sera publié dans l’organe officiel de la R.P.V. Pham Van Dong estime que les États-Unis se sont mis dans une impasse et que l’escalade (effectifs américains engagés, bombardement du N-V) n’y changera rien. Il insiste particulièrement sur la force des communistes n-v ou du Vietcong : la motivation de leurs troupes et le fait que le facteur temps joue en leur faveur.

Le leader n-v déclare à son interlocuteur : « Nous nous sommes préparés à une très longue guerre » qui peut durer « 20 ans » si cela est nécessaire. Le débat porte également sur les « quatre points » énoncés par Pham Van Dong le 8 avril 1965 que les Américains entendent négocier mais que le premier ministre considère comme intangibles : « Quoi que vous fassiez, il faudra bien en venir là. » Il en ajoute même un cinquième : l’arrêt préalable des bombardements considérés « comme un acte illégal d’agression » puisque qu’aucune déclaration de guerre de la part des États-Unis n’a jamais été proclamée (simple résolution du golfe du Tonkin de 7 août 1964). Pham Van Dong déplore le fait que les U.S.A. refusent de dialoguer avec le F.N.L. A une question sur le blocage du processus de négociation dû selon le journaliste à une mauvaise volonté n-v, Pham Van Dong estime que c’est aux États-Unis de « faire le premier pas. » (Salisbury, 1967, pp. 186-198)


6 janvier 67 : Sihanouk part en France pour 2 mois. Au Cambodge, Lon Nol met cette absence à profit pour instaurer un nouveau système de ramassage du paddy par l'armée qui paie le riz un tiers du prix pratiqué sur le marché libre. Ce ramassage-rançonnage s'accompagne de brutalités et parfois même d'assassinats. Pour lancer cette campagne, Lon Nol s'est installé à Battambang dont il fut gouverneur de province de 1946 à 1953.


7 janvier 67 : Le journaliste américain du New York Times Harrison Salisbury (voir 23 décembre 1966) constate à nouveau la faible efficacité des bombardements américains sur Hanoi et sa région. A Hanoi même, le pont Long Bien, principal axe de communication de la ville, n’a jamais été attaqué, pas plus d’ailleurs qu’une centrale électrique proche de là. Les digues du Fleuve Rouge n’ont subi que des frappes très partielles. La zone portuaire de Haïphong n’est pas prise pour cible par peur de représailles du fait de la présence de bateaux russes. Il observe que les attaques ne sont généralement pas hiérarchisées et se concentrent la plupart du temps sur des « objectifs insignifiants » mais souvent meurtriers. Elles ne font en fait que renforcer la détermination des N-V qui les subissent et ternissent l’image de cette guerre à l’étranger (Salisbury, 1967, pp. 199-205).


8 - 28 janvier 67 : Sans en informer les S-V par soucis de discrétion mais surtout manque de confiance, lancement de l’opération Cedar Falls (« cèdre abattu ») pour essayer de déloger le Vietcong dans le Triangle de Fer (zone au nord-ouest de Saigon, jouxtant les tunnels de Cu Chi, carte in Tertrais, 2004, p. 38).

LBJ la considère comme une réussite (Johnson, 1972, pp. 314-315). Le journaliste Jonathan Schell, présent lors de l’opération, s’y est particulièrement intéressé en lui consacrant un livre qui en montre toutes les limites : « Pour les Américains, toute la région de la Rivière de Saigon autour de Ben Suc, comprenait un célèbre secteur de jungle d’une centaine de kilomètres carrés connu sous le nom de Triangle de Fer, avait été le théâtre d’agaçants échecs. Les petites opérations menées dans ce secteur tournaient à la défaite ; les opérations de plus vaste envergure ne menaient à rien. Les grosses pièces d’artillerie tiraient jour et nuit sans donner de résultats tangibles. Les effectifs ennemis anéantis étaient faibles et le nombre de villages « pacifiés » restait à zéro. Bien mieux, un certain nombre de villages convertis en « hameaux stratégiques » au cours de l’opération Sunrise, lancée trois ans auparavant [voir 3 février 1962], avaient chassé leurs protecteurs gouvernementaux pour revenir sous le contrôle du Front. » (Schell, 1967, p. 27)

La mise en œuvre de l’opération regroupe les 1st, 2nd, 3rd et 196th brigades ainsi que la 173rd Airborne et le 11th Armored Cavalry. Les troupes de l’A.R.V.N. n’arriveront qu’en cours d’opération, essentiellement pour mener les opérations de police et une partie des interrogatoires de prisonniers (Schell, 1967, p. 70-81). Une noria de 60 hélicoptères achemine le dispositif au cœur même des villages à conquérir. Un soutien par bombardement aérien est prévu (napalm). Il s’agit d’une zone occupée depuis 1945, truffée de tunnels vietminh (Cu Chi) que les Américains entendent neutraliser à coup de bulldozers mais, dans les faits, ils « se bornèrent à tracer […] quelques larges avenues à travers la jungle » (Schell, 1967, p. 115). Malgré l’important effectif engagé côté américain (30 000 hommes, services de l’arrière compris), la destruction des villages « contaminés » et le déplacement non préparé d’une grande partie de la population civile abandonnée aux mains de l’A.R.V.N. dans des camps totalement improvisés, les résultats sont mitigés (Penycate, Mangold, 1986, pp. 165-181). Le bilan de cette opération n’est qu’en apparence positif : 750 pertes ennemies et des documents de première importance saisis mais le « Triangle » ne sera jamais véritablement et durablement contrôlé par l’armée américaine, une fois son retrait amorcé.


9 janvier 67 : Dans une interview, le ministre français des Affaires étrangères, Maurice Couve de Murville, déclare : « Il est inexact que, comme le soutient la propagande américaine, la cause du conflit est une agression  du Nord contre le Sud. C’est au contraire une révolte de la population du Sud contre son gouvernement, son gouvernement qui, depuis 1954 et les accords de Genève, est indépendant ou doit être indépendant et qui est en fait soutenu par une puissance extérieure. » Il ajoute que tout règlement des problèmes intérieurs au Sud implique la participation du F.N.L. au même titre que celui du gouvernement de Saigon (De Quirielle, 1992, p. 194)


10 janvier 67 : Nouvelle tentative de négociation informelle sous le nom de Sunflower. Suite à une intervention britannique, l’ambassadeur américain à Moscou, John Guthrie, rencontre son homologue d’Hanoï, Le Chang, qui écoute le rapport de l’Américain mais ne propose rien. Aucune avancée diplomatique notable n’est enregistrée (McNamara, 1996, pp. 244-245).


27 janvier 67 : Rapide rupture des négociations amorcées le 10 (McNamara, 1996, p. 245).

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