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par Jean-François Jagielski

Février 1972

Février 72 : Au Cambodge, un rapport de la C.I.A. observe une volonté d’Hanoi de mieux utiliser les KR dans la lutte, avec la volonté d’atténuer les ataviques tensions ethniques et raciales entre les Khmers et les Vietnamiens. Le processus s’accentuera encore plus au printemps, lors de l’offensive de Pâques, durant laquelle des troupes vietnamiennes seront retirées pour aller combattre au S-V. Le nombre de KR recrutés (souvent de force) et impliqués dans les combats ne cesse d’augmenter depuis le début de la guerre civile, avec des effectifs très variables selon les évaluations des services de renseignement (Coppolani, 2018, p. 74).


1er février 72 : Nixon adresse à Kissinger un mémorandum qui doit demeurer confidentiel en vue d’un rapprochement avec les Chinois (Nixon, 1978, p. 398).


2 février 72 : Les N-V rendent public une version légèrement remaniée des 9 points. Hanoi accepte publiquement de restituer les prisonniers au moment même du retrait américain, mais en liant toujours le tout à la démission de Thieu (Kissinger 2, 1979, p. 1 102).


5 février 72 : Un rapport sur la situation des réfugiés présenté au Sénat des États-Unis indique qu'il y a deux millions de sans-abri au Cambodge.


9 février 72 : Le New York Times publie une étude du général britannique Michael Calvert, chargé de recherche à l’université de Manchester : « Les Russes fournissent 90 % des armes par le port de Haïphong, les Chinois ne fournissent que 10 %, plus les vivres et l’habillement. Le Vietcong souffre de la disette de riz en raison des progrès de la pacification dans le delta cochinchinois. C’est pourquoi les communistes nord-vietnamiens sont implantés au Cambodge, grenier à riz, pour saisir la récolte en cours de moisson. » (cité in Toinet, 1998, p. 287)


10 février 72 : Les négociations officielles de Paris sont à nouveau totalement interrompues (Burns Sigler, 1992, p. 129).


11 février 72 : En France se tient une « Assemblée mondiale de Versailles pour la paix et l’indépendance des peuples d’Indochine ». Selon le journal Le Monde, « elle a voté à l'unanimité une motion condamnant Washington, qui a interrompu les travaux de la conférence de Paris. Soixante-quinze pays sont représentés à Versailles, mais ni Pékin ni Tirana n'ont répondu aux invitations, comme ce fut déjà le cas lors de semblables réunions organisées à Stockholm. »

La délégation cambodgienne est la seule représentée par un membre du gouvernement, Thioum Prasith, ministre de la coordination du G.R.U.N.C. Il déclare que son gouvernement rejettera « toute paix boiteuse et temporaire qui sortirait d'une « conférence internationale » quelconque ou d'une « solution de compromis ». Il rappelle que 28 pays ont reconnu son gouvernement. « Quant à M. Svahnstrom, président de la conférence de Stockholm sur le Vietnam et l'un des organisateurs de l'assemblée, il a rendu hommage au gouvernement français, « qui ne s'est pas laissé intimider par la pression de Washington, qui voulait faire interdire la tenue » de cette réunion. » (Le Monde, 14 février 1972)


21 février 72 : Nixon se rend à Pékin en vue d’un rapprochement entre les deux pays (Nixon, 1978, pp. 397-429). Des discussions s’engagent avec Zhou Enlaï, premier ministre chinois. Ce dernier conseille à Nixon de lâcher le Vietnam. Zhou réaffirme que la Chine n’abandonnera pas le N-V tant qu’il y aura une présence américaine. Nixon laisse entendre que les U.S.A. peuvent se retirer en six mois si les N-V accordent un cessez-le-feu et le retour des prisonniers américains mais qu’en aucun cas, ils ne lâcheront le S-V.

Pas de réponse concrète des Chinois hormis que la « porte des négociations doit rester ouverte » et qu’il n’y a peu de chance qu’un conflit éclate entre la Chine et les U.S.A. Ce que confirme Mao dont le pays est au plus mal avec l’U.R.S.S (stationnement de 40 divisions russes à la frontière commune entre les deux pays). Il y a certes des avancées mais les positions demeurent tranchées (Hanhimäki, 2008, p. 61).

Pour Kissinger, « les propos de Tchou sur le Vietnam furent un chef d’œuvre d’ambigüité » car « la Chine n’exprimerait aucun point de vue sur les négociations en cours […] Son principal argument pour la cessation rapide des hostilités était que les États-Unis s’embourbaient dans la guerre qui détournait nos énergies des plus importantes régions du globe. » Toujours selon Kissinger, Zhou « ne défendit pas vraiment le programme politique d’un gouvernement  de coalition et le renversement de Thieu réclamés par Hanoi et nos détracteurs. » (Kissinger 2, 1979, p. 1 129)

Nixon et Kissinger rencontrent un Mao physiquement très affaibli, en l’absence du secrétaire d’État Rogers qui n’a pas été invité par les Chinois suite à un ancien différend sur la question de Taïwan (Kissinger 2, 1979, pp. 1 114-1 119).

Pour les N-V, cette visite leur rappelle la trahison de la Chine à la conférence de Genève de 1954 puis quand avait été torpillé le processus de référendum de juillet 1956 jamais réalisé. Ils ont l’impression que la Chine et les U.S.A. négocient « derrière leur dos » le sort du N-V. Pour Hanoï, les Chinois leur avaient conseillé quatre mois plus tôt de laisser en suspens la question Thieu et de consentir à un accord rapide pour hâter le désengagement des troupes américaines. Les N-V considérèrent cette proposition nettement insuffisante car ce serait la mise entre parenthèses de l’idée majeure de vouloir réunifier le Vietnam.


24 février 72 : Reprise des négociations officielles à Paris interrompues le 10. L’émissaire n-v les quitte au bout de 17 minutes pour protester contre l’intensité actuelle des bombardements américains (Burns Sigler, 1992, p. 129).


29 février 72 : Départ d’un premier contingent de soldats sud-coréens du S-V (11 000 hommes) 37 000 demeurent toujours sur place (Burns Sigler, 1992, p.129).

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