Décembre 66 : Arrivée à Hanoi d’un envoyé spécial du F.N.L., Nguyen Van Tien. Le communiqué officiel annonçant sa venue le dénomme « Chef de la Représentation permanente du Front national de libération au Nord-Vietnam ». Il est assimilé à un rang d’ambassadeur et les N-V l’installent dans l’ancien consulat des États-Unis. Lors d’un entretien avec De Quirielle, Nguyen Van Tien lui affirme que « le Front national n’appartenait pas au camp socialiste. Lorsqu’il serait au pouvoir, il instituerait un régime de neutralité politique et économique, établirait des relations avec tous les pays sans discrimination, solliciterait et accepterait leur aide. » (De Quirielle, 1992, p. 164) Peu après son installation, vers la fin décembre, Nguyen Van Tien reçoit le journaliste du New York Times Harrison Salisbury et s’entretient longuement avec lui du programme politique et sociétal du F.N.L. (Salisbury, 1967, pp. 155-169).
Au Cambodge, répression contre les opposants au pouvoir (Khmers Serei de Son Ngoc Thanh venus du S-V, communistes) avec une forte publicité car les exécutions sont filmées et diffusées aux « actualités » des salles de cinéma. Sihanouk justifiera auprès de Cambacérès le filmage de ces exécutions en faisant référence à un film sur Mata Hari et au fait que les Français avaient eux aussi photographié cette exécution… (Cambacérès, 2013, pp. 146-148)
2 et 4 décembre 66 : De nouvelles frappes aériennes autour d’Hanoï, initialement prévues pour le 10, mais anticipées pour cause de mauvais temps à venir, mettent à mal les tentatives d’avancées diplomatiques en cours (McNamara, 1996, p. 243). Le 2, l’objectif est la gare de Van Dien (7 km d’Hanoi) qui avait déjà fait l’objet d’une attaque en avril. Le 4, c’est la gare de triage de Yien Vien (De Quirielle, 1992, p. 110).
6 décembre 66 : Initiée dès le 31 mai, une hypothétique rencontre entre Américains et N-V (opération Marigold) qui aurait pu avoir lieu à Varsovie sous l’égide du représentant polonais de la C.I.C., Janusz Lewandowski, est annulée par les Américains car rejetée par les N-V (Francini 2, 1988, p. 318 ; Johnson, 1972, pp. 306-307).
L’ambassadeur des U.S.A. en Pologne est reçu par le ministre polonais des Affaires étrangères en vue de discussions. Mais il n’y a aucune présence n-v à ce moment précis dans la capitale polonaise (McNamara, 1996, p. 244).
13 - 14 décembre 66 : Le 13, nouvelles frappes américaines renforcées autour d’Hanoï (McNamara, 1996, p. 244). Les ateliers de l’aéroport de Gia Lam sont touchés. 2 gares de la banlieue de Hanoi reçoivent de nouveaux bombardements. Le centre de la ville est cette fois atteint le 14. Des bâtiments officiels sont atteints, notamment l’ambassade de Chine et de Roumanie. On déplore en tout 23 morts et 62 blessés.
Selon de Quirielle, « ce bombardement souleva une profonde émotion dans l’opinion internationale et même américaine. Une polémique s’engagea sur la nature et les motifs de cette attaque. » Le Pentagone conteste avoir effectué ce bombardement, affirmant que les dégâts ont été provoqués par la retombée de missiles Sam ou d’obus de D.C.A. non éclatés. Selon le même témoin qui s’est rendu sur les lieux, « nous pûmes nous rendre compte que des projectiles non explosés n’auraient pu creuser des cratères d’une tel diamètre et d’une telle profondeur. » Un rapport est demandé aux membres de la C.I.C. mais il est bloqué par les Canadiens qui ne veulent pas véritablement mettre en cause la responsabilité des Américains (De Quirielle, 1992, p. 110).
15 décembre 66 : Le ministre des Affaires étrangères polonais Rapacki informe l’ambassadeur américain en Pologne Gronouski que la reprise des raids aériens au Tonkin (Hanoi et sa région) ont liquidé les amorces de pourparlers en les U.S.A. et le N-V (McNamara, 1996, p. 244).
Décembre 66 : Début de la mise en place de la ligne McNamara. Installation d’ouvrages fortifiés au Sud, le long de la D.M.Z. destinés à freiner les infiltrations communistes (McNamara, 1996, p. 241).
Selon le dossier du Pentagone, les attaques aériennes des 2, 4, 13 et 14 décembre sises dans un rayon de 50 km autour d’Hanoi torpillent « le mouvement en faveur de la paix qui paraissait se dessiner du côté de Hanoi » (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 556).
23 décembre 66 : Troisième pause dans les bombardements d’une durée de 78 jours jusqu’au 1er mars 1967. Elle n’est que partielle. Seul un rayon de 18 km autour d’Hanoi est épargné (Johnson, 1972, p. 693).
Pour démontrer la mauvaise foi du Pentagone au sujet des bombardements, les N-V invitent, par l’entremise de Wilfried Burchett, le directeur-adjoint du New York Times, Harrison Salisbury, jusqu’au 7 janvier 1967. Ce journaliste aguerri de 58 ans est un spécialiste du monde communiste. Il obtient de larges facilités pour se déplacer et s’informer. Il est reçu par le premier ministre Pham Van Dong et certains membres du corps diplomatique présents à Hanoi. Cette visite donnera lieu à une série d’articles, un livre (Behind the lines - Hanoi, December 23, 1966-January 7, 1967, Harper & Row, 1967) et une audition devant la commission des Affaires étrangères du Sénat dirigée par son président, le sénateur Fulbright, le 2 février 1967 (texte de cette audition consultable en ligne : https://www.govinfo.gov/content/pkg/CHRG-90shrg74687/pdf/CHRG-90shrg74687.pdf).
Si le journaliste minimise les effets des bombardements sur la capitale n-v, il n’en décrit pas moins les dégâts provoqués la plupart du temps par des bombardements aveugles, un saupoudrage des frappes sans véritables buts stratégiques. Il remet en doute leur efficacité et constate qu’ils ne remettent pas en cause l’approvisionnement en hommes et matériel vers le Sud (De Quirielle, 1992, pp. 111-112).
24 – 26 décembre 66 : Dans le cadre d’un arrêt partiel des bombardements (voir 23 décembre), les Américains stoppent une première fois totalement les bombardements pour une durée de 2 jours (Johnson, 1972, p. 693).
25 décembre 66 : Les publications du New York Times écrites sous la plume de Harrison Salisbury (voir 23 décembre et 7 janvier 1967) provoquent ce que le dossier du Pentagone nomme « un débat explosif sur les bombardements » (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 555). Le 25, Salisbury qui se trouve à Nam Dinh révèle que la campagne aérienne a tué 89 personnes civiles et blessé 405 autres sans qu’il puisse discerner sur place le moindre objectif militaire probant (Salisbury, 1967, p. 102). Les autorités américaines réagissent en contestant ces chiffres. Les rapports de la C.I.A. montreront pourtant que les chiffres de Salisbury sont en-deçà de la réalité.
31 décembre 66 : Le total des effectifs américains est maintenant de 385 000 hommes. 30 000 hommes sont appelés chaque mois (Portes, 2007, p 212). 200 000 hommes ont été intégrés durant l’année, en plus de 35 000 soldats basés en Thaïlande et de 60 000 marins. Les Coréens du Sud sont au nombre de 46 000. Le taux de désertion dans l’A.R.V.N. atteint les 20 % (116 858 cas). Les forces n-v et vietcong sont au nombre de 287 000 hommes. Entre 45 et 60 000 réguliers n-v se sont infiltrés au Sud. Les pertes américaines sont de 5 008 morts au combat et 30 093 prisonniers. Celles du S-V s’élèvent à 9 500 morts au combat et 10 100 prisonniers (Burns Siger, 1992, p. 31).
Dans son allocution de fin d’année, De Gaulle condamne à nouveau (voir 28 octobre) le conflit au Vietnam : « Guerre injuste, car elle résulte en fait de l’intervention des États-Unis sur le territoire du Vietnam, guerre détestable puisqu’elle conduit une grande nation à en ravager une petite. » (cité in De Quirielle, 1992, pp. 192-193)
31 décembre 66 – 2 janvier 67 : Dans le cadre d’un arrêt partiel des bombardements (voir 23 décembre), les Américains stoppent une seconde fois totalement les bombardements pour une durée de 2 jours (Johnson, 1972, p. 693).
Fin 66 : L’administration Johnson se replie sur elle-même et se divise en 3 camps : « les colombes désillusionnées » autour de McN, la faction militaire qui veut amplifier la guerre (Westmoreland et les chefs d’état-major), Johnson et les hauts-fonctionnaires de la Maison Blanche et du département d’État favorables à une voie moyenne d’escalade progressive mais sans véritables illusions sur son effet.
L’U.R.S.S. fournit à la défense antiaérienne n-v des batteries de missiles SAM. Selon De Quirielle, il faudra un temps d’adaptation et de formation avant que leur redoutable efficacité émerge (voir ci-dessous). Les Soviétiques se contentent de fournir un matériel défensif et refusent une dotation de l’armée n-v en missiles sol-sol capables d’atteindre la VIIe flotte américaine ou leurs bases au Sud (De Quirielle, 1992, pp. 107-108). Quant aux N-V, ils acceptent le matériel (missiles SAM, avions de chasse MIG) mais, une fois réceptionné, rechignent à recevoir les instructeurs russes qui pourraient les aider à prendre ce matériel en main. D’où un manque temporaire d’efficacité et de nombreux ratés dans la défense n-v.
Le journaliste américain Salisbury (voir 23 décembre) recueille les confidences d’« un communiste occidental qui se vantait de son expérience militaire » : « Ces gens-là sont invraisemblables. Nous leur avons offert de les faire profiter de notre expérience, particulièrement dans le domaine des missiles où nous sommes assez calés. Ils ont refusé alors que, vraiment, ils ne savent pas s’en servir. » Salisbury attribue cette attitude au fait qu’« il y a une politique calculée de la part d’Hanoi. Il ne veut pas se placer dans une situation dans laquelle l’Union soviétique ou la Chine pourrait prétendre que l’autre est favorisée, car il en résulterait un dommage pour l’effort de guerre. » (Salisbury, 1967, pp. 180-181)
Les militaires demandent à Johnson d’intensifier les bombardements et évoquent l’idée d’envahir le Laos, le Cambodge et même une partie du N-V (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 546).
Depuis le déclenchement des bombardements en 1965, les études américaines estiment à 29 000 le nombre de civils tués au N-V (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 548). 385 300 Américains sont alors présents au Vietnam (Portes, 2008, p 115).