Décembre 65 – janvier 66 : Saloth Sar (futur Pol Pot) séjourne à Hanoi où il rencontre HCM et Le Duan. Puis il se rend pour un mois en Chine où il échange avec Deng Xiaoping et Kang Cheng (Deron, 2009, p. 160).
1er - 31 décembre 65 : La 3e brigade de la 25e division d'infanterie, fraîchement débarquée, commence à participer aux opérations du IIe Corps. L'U.S. Navy déploie la River Task Force en vue des opérations navales du Corps.
1er décembre 65 : Selon les statistiques de Saigon, en un an, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 49,4 % (Knöbl, 1967, p. 364, note 78).
2 décembre 65 : Entretien Johnson-McN : ce dernier émet les plus vives réserves sur l’option purement militaire et les demandes de Westmoreland qu’il juge excessives. Il préconise une pause et d’envisager d’autres voies. Pas de réaction de Johnson à ses propos (McNamara, 1996, p. 220).
3 décembre 65 : Un rapport de la C.I.A. précise au sujet des N-V : « […] ils demeurent opposés à atténuer le conflit ou à envisager des négociations. Ils s’attendent à ce que la guerre soit longue, mais ils continuent à penser que le temps est leur allié et que leur propre endurance est supérieure à la nôtre. » Suite à ce rapport, McN demande comment réagirait le N-V si l’on bombardait tous les objectifs importants. La C.I.A. lui répond que le N-V n’abandonnera ni la lutte ni les infiltrations au Sud. Une manière de redire clairement les limites de Rolling Thunder (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 507).
4 décembre 65 : Le Vietcong fait sauter un hôtel de Saigon, le Metropole Bachelor Enlisted Quarters, occupé par des soldats américains, tuant selon des sources américaines 8 personnes, civiles et militaires, et en en blessant 137 autres. Le VC affirmera de son côté avoir tué 200 Américains.
7 décembre 65 : Dans un mémorandum, McNamara avertit LBJ que l'A.P.N.V. et le Vietcong s'installent dans une guerre longue, c'est-à-dire une guerre d'usure, convaincus que le temps joue contre les États-Unis et que leur capacité de résistance à long terme est nettement supérieure à celle des Américains. Il préconise une pause de longue durée dans les bombardements et une acceptation des demandes de Westmoreland en effectifs. Johnson demeure sceptique face aux réserves de son ministre de la Défense, étant quant à lui plutôt favorable aux options des militaires (McNamara, 1996, p. 220 ; Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 520-521).
La question des bombardements du N-V est discutée dans le ranch de LBJ au Texas. McN, Rusk et Bundy s’y rendent. Le président écoute les uns et les autres. Une pause dans les bombardements gêne LBJ : que dira-t-on au moment de leur reprise ? Les 3 invités n’y voient pas un problème. Une pause temporaire est donc décidée (Johnson, 1972, p. 288).
8 - 9 décembre 65 : L'aviation américaine lance l'opération Tiger Hound, une importante attaque des axes routiers reliant le Nord et le Sud-Vietnam, afin de réduire les infiltrations ennemies.
8 - 19 décembre 65 : Une offensive conjointe des Américains et des Sud-Vietnamiens met en déroute l'A.P.V.N. mais se solde par la perte de deux bataillons de l’A.R.V.N. dans les provinces de Quang Nam et Quang Tin (Burns Siger, 1992, pp. 9-10).
9 décembre 65 : La faible efficacité des raids aériens américains pour réduire l'approvisionnement en hommes et en matériel en provenance du Nord-Vietnam fait l'objet d'un article explosif du New York Times. L’article s’appuie sur un rapport de la Defense Intelligence Agency qui parle d’« erreur monumentale ». Les bombardements n’ont ni atteint sensiblement l’économie n-v ni même freiné l’approvisionnement en hommes et armes vers le Sud. Pour autant, et quoiqu’en disent les rapports de ce genre, ces bombardements (parfois massifs) se poursuivront jusqu’à la fin du conflit (Burns Siger, 1992, p. 10).
13 décembre 65 : Dans un mémorandum, McN expose à LBJ un projet de déploiement de 367 000 hommes pour 1966 et 395 000 pour 1967. Les prévisions pour cette dernière année sont donc revues à la hausse (voir 30 novembre) (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 497-498).
14 décembre 65 : Malgré les difficultés politiques et militaires du moment, l’administration Johnson bénéficie d’un soutien de l’opinion américaine. Un sondage d'opinion révèle que seul 20 % des Américains pensent que les États-Unis auraient dû se retirer du Sud-Vietnam avant le déclenchement des hostilités. Seuls 7 % sont pour un retrait total du Vietnam (ils étaient 25 % en septembre). 65 % estiment qu’il faut tenir pour éviter une victoire communiste (ils étaient 49 % en septembre). 28 % pensent que l’on doit porter la guerre au N-V, au risque de provoquer un conflit avec la Chine (ils étaient 26 % en septembre) (Portes, 2007, p. 215).
15 décembre 65 : Premier raid aérien américain visant un objectif industriel nord-vietnamien. L'US Air Force détruit une centrale thermique située à Uongbi.
16 décembre 65 : Le général Westmoreland envoie un mémorandum à NcN réclamant 443 000 hommes pour la fin de 1966. Cette demande ne cessera d’augmenter par la suite (voir 28 janvier 1966). Il dispose en cette fin d’année de 185 000 hommes au S-V (Sheehan, 1990, p. 636 ; Le dossier du Pentagone, 1971, p. 498).
17 décembre 65 : Johnson ouvre une réunion avec ses collaborateurs en se déclarant prêt à « faire n’importe quel pari » qui lui donnerait du résultat. McN défend cependant ses positions antérieures (voir 7 décembre) ainsi que ses propositions de solutions diplomatiques (McNamara, 1996, p. 221).
18 décembre 65 : LBJ réunit à la Maison Blanche Rusk, McN, Mc Bundy, Ball, Alexis Johnson et des hommes qui n’appartiennent pas à l’exécutif comme Clifford et Fortas que le président considère comme « de vieux amis ». Un débat fait de désaccords s’ouvre entre le président et McN lorsque le premier évoque l’avis négatif des militaires au sujet d’une pause d’un mois des bombardements. Rusk souligne l’impopularité des bombardements aux U.S.A. et semble continuer à n’y être guère favorable. Fortas pense qu’une longue pause ne fera pas plier Hanoi. Clifford adopte le point de vue des N-V et pense que ceux-ci ne plieront que s’ils savent qu’ils ne pourront gagner la guerre. Il faut donc attendre un geste d’Hanoi pour enclencher une longue pause. Finalement LBJ, ménageant la chèvre et le chou, opte pour une pause de courte durée (30 heures) pour Noël, décision que les S-V approuvent (Johnson, 1972, pp. 289-291).
18 - 19 décembre 65 : Le nouveau ministre des Affaires étrangères de la R.D.V.N., Nguyen Duy Trinh, se rend à Pékin pour rencontrer Zhou Enlaï et Chen Yi. Tous deux réitèrent leur opposition à toute négociation estimant que les États-Unis n’ont aucune intention de faire la paix. Zhou Enlaï conclut l’entretien en mettant en garde son homologue vietnamien de ne pas tomber dans « le piège tendu par les impérialistes américains et les révisionnistes soviétiques. » (Marangé, 2012, p. 326).
21 décembre 65 : Le gouvernement américain accuse le Cambodge d’accorder des sanctuaires au Vietcong. Les autorités militaires américaines reçoivent donc l’autorisation d’attaquer les sanctuaires situés en territoire cambodgien.
22 décembre 65 : Les Américains annoncent d’un cessez-le-feu de 30 heures dans le déroulement des bombardements pour la période de Noël (voir 18 décembre).
24 - 25 décembre 65 : Le Vietcong propose une trêve de Noël qui est respectée. La perspective de pourparlers de paix conduit les États-Unis à accepter une seconde suspension totale de l'opération Rolling Thunder jusqu'au 31 janvier 1966 (soit 36 jours et 15 heures). Sa prolongation sera prononcée officiellement par Johnson. Dans les faits, il ne s’agit que d’une suspension partielle des bombardements jusqu’au 31 janvier 1966 afin de laisser le temps de la réflexion aux N-V (Sheenhan, 1990, p. 688).
26 décembre 65 : Fin de la trêve de Noël et reprise des attaques du Vietcong.
27 décembre 65 : Sans prendre contact avec l’équipe dirigeante, McN se rend dans le ranch de Johnson. Il relance le choix de la piste diplomatique plutôt que militaire. Johnson accepte de suspendre les bombardements pour une durée indéterminée (en fait, jusqu’au 31 janvier 1966) dans l’espoir d’amener Hanoï à la table de négociation. Rusk, non favorable à cette pause, doit être convaincu de son efficacité. Il suit finalement le président, tout comme Clifford et Fortas, tous deux sceptiques quant aux chances de réussite (McNamara, 1996, p. 222).
28 décembre 65 : Cherchant une solution à l’insoluble problème vietnamien, Johnson et McN prennent des contacts avec l’équipe dirigeante en vue d’une vaste offensive diplomatique : Averell Harriman part vers l’Europe ; George Ball et Arthur Goldberg (ambassadeur américain aux Nations-Unies) doivent rencontrer le secrétaire général de l’O.N.U., Sithu U Thant, puis se rendre à Rome pour avoir un entretien avec le pape (McNamara, 1996, p. 222). Toutes ces tentatives diplomatiques se solderont par des échecs.
31 décembre 65 : 184 300 Américains sont au Vietnam dont 41 000 Marines (Portes, 2007, p 212). Les effectifs ont augmenté de 160 000 hommes en un an. Les forces aériennes sont composées de 500 avions, de 21 000 pilotes et hommes d’équipages stationnés sur 8 bases au S-V. 171 avions ont été perdus durant la première phase de Rolling Thunder. Les pertes des troupes américaines sont de 1 369 morts au combat et 7 645 prisonniers. L’A.R.V.N. a perdu 11 000 morts au combat et compte 22 600 prisonniers. Les pertes n-v et vietcong sont de 34 585 morts au combat et 34 585 prisonniers (Burns Siger, 1992, p. 10).
Le nouveau délégué du gouvernement par intérim, François de Quirielle, quitte la France pour prendre son poste à Hanoi. Il a cette fois accepté cette proposition sachant que « De Gaulle souhaitait que notre pays retrouvât sa place en Extrême-Orient […] ». De son côté le ministère des Affaires étrangères français envisage d’accorder dans un avenir assez proche un statut semblable à Mai Van Bo, sachant que la non-réciprocité française avait jusqu’alors nui au travail de Sainteny (De Quirielle, 1992, pp. 57-60).
Fin 65 : Selon Baulon, « dès la fin de 1965, le « search and destroy » révéla ses défauts. Certes, les forces américaines avaient infligé de lourdes pertes au Vietcong lors d’une première bataille, à Ia Drang (novembre 1965). Ce relatif succès reposait toutefois sur l’exploitation d’une énorme puissance de feu. Les États-Unis s’engageaient donc dans une stratégie d’attrition meurtrière pour les populations civiles, un choix qui desservait la « conquête des cœurs et des esprits », rendant un peu plus improbable la réalisation de l’objectif politique de la guerre : stabiliser le Sud en restaurant l’autorité d’un gouvernement proaméricain [...] En dernier lieu, le niveau pertinent des forces à déployer dépendait des défaillances de l’État allié et de la capacité adverse à suivre la montée en puissance américaine. » (Baulon, 2009, p. 439)
Selon Johnson, de 75 000 hommes en juillet, les forces américaines passent à 185 000 hommes en fin d’année. Les pertes communistes de l’année sont évaluées à 35 000 morts et 6 000 prisonniers. Du fait des infiltrations et des recrutements, les Américains estiment à 221 000 le nombre de soldats ennemis présents au Sud (Johnson, 1972, p. 286).