Décembre 55 : Disparition définitive de la piastre au S-V (Goscha, 2016, p. 55).
1er décembre 55 : Catroux informe par lettre Navarre que la commission d’enquête s’estimait « convenablement éclairée » par l’unique audition de l’intéressé accompagnée de ses notes écrites. Il n’est donc pas nécessaire de le ré-auditionner. L’ancien commandant en chef accuse réception, tout en estimant que tout n’a pas nécessairement été dit. Navarre estime que Catroux a pressé les choses car il est pris par des affaires marocaines mais également par le fait qu’il n’entend pas être mêlé aux débats politico-militaires qu’une seconde audition risquerait de faire émerger (Navarre, 1979, p. 410).
3 décembre 55 : Fin des travaux de la commission d’enquête Catroux portant sur la défaite de Dien Bien Phu. Elle s’est tenue durant 22 séances et a produit un rapport de 91 pages divisé en 6 parties et une annexe (descriptif du plan de ce rapport in Bodinier, 1994, p. 70 ; la 4e partie intitulée « La conduite de la guerre et la bataille de Dien Bien Phu » et la 6e, dénommée « Hommage aux combattants des trois armées ayant participé à la bataille de Dien Bien Phu » sont citées in extenso dans cet article).
Dans le texte de présentation du rapport, son président est écrit : « Il paraît superflu d’affirmer que la Commission a conduit les travaux dans un esprit de parfaite objectivité et d’entière impartialité. Elle a eu le devoir pénible de faire apparaître les fautes et les responsabilités d’officiers généraux tenus pour des hommes de valeur. » Le rapport est destiné au seul ministre de la Défense nationale et n’a pas vocation à être publié « dans les termes où il a été rédigé » (Bodinier, 1994, p. 71). Il est pourtant, comme il se doit dans ce genre de document, des plus mesuré, tant pour le gouvernement que pour Navarre.
Pour autant, l’ancien commandant en chef estime que la première partie, remise au gouvernement, « avait été [par la suite] modifié[e] dans un sens défavorable pour [lui]. » Il est question de ses « erreurs » dont certaines sont qualifiées de « stratégiques ». L’ex-commandant en chef aurait dû réviser son plan concernant le Laos lorsqu’il a su qu’il n’obtiendrait pas de renforts terrestres et aériens. On lui reproche d’avoir accepté une bataille « générale » à Dien Bien Phu. Il aurait fallu dégager le camp retranché par des actions extérieures grâce à un prélèvement de troupes engagées dans l’opération Atlante.
Une concession lui est accordée cependant : ses responsabilités sont atténuées par les conditions politiques dans lesquelles il a dû exercer son commandement. Le différend entre le commandant en chef et Cogny est évoqué. Les remarques qui ont été faites à ce dernier ne sont arrivées à l’intéressé « qu’a postériori » et sous une forme « inadmissible ». La commission reconnaît que lui aussi commis des fautes, mais celles-ci sont excusables vu les difficultés considérables auxquelles il a dû faire face.
Navarre observe que les critiques à l’égard du gouvernement de l’époque ont été édulcorées. Là aussi des fautes ont été commises, notamment l’absence de buts de guerre clairement établis et le fait que le commandant en chef n’a reçu « ni instructions ni directives » claires. Le plan d’opération n’a été approuvé par le gouvernement que de façon « tacite ». Pas un mot n’est dit sur l’annonce de la conférence de Genève alors qu’on était en peine bataille. On déplore simplement le fait que le commandant en chef aurait dû être « dûment informé » de la politique et des orientations gouvernementales.
Dans une annexe, la commission d’enquête estime que les seuls destinataires de ses travaux doivent être le ministre de la Défense, Navarre et Cogny. L’annexe précise également que l’ancien commandant en chef doit pouvoir bénéficier d’une nouvelle affectation dans sa carrière. Toutefois, pas moins de 2 ministres de la Défense consécutifs refuseront toute diffusion aux premiers intéressés (voir février 1956) (Navarre, 1979, p. 410-413).
Un accord provisoire est signé entre la France et la R.D.V.N. sur l’avenir de l’Institut Pasteur d’Hanoi. Son fonctionnement est maintenu avec des subventions vietnamiennes. Le professeur Pierre Huard, ancien doyen de la faculté d’Hanoi, le dirige. Mais cet accord ne sera que temporaire (voir 31 décembre 1956) (Fall, 1960, p. 141). En parallèle, maintien des travaux de l’École française d’Extrême-Orient et de l’Institut du Radium mais à régime réduit.
6 décembre 55 : Au Cambodge, l’assemblée nationale vote une réforme de la constitution. Sont instaurées des assemblées populaires dans les provinces et dans la capitale. On instaure également un Congrès national qui « permet au peuple de prendre une connaissance directe des affaires d’intérêt national » et doit se réunir au moins deux fois par an (Sihanouk, 1979, p. 234).
9 décembre 55 : Le S-V quitte définitivement l’Union française (Cadeau, 2019, p. 633, note 43)
12 décembre 55 : Fermeture du consulat américain à Hanoi puisque les U.S.A. ne reconnaissent pas le régime de la R.D.V.N. Il y a donc totale rupture diplomatique entre les U.S.A. et le N-V (Fall, 1960, p. 138).
19 décembre 55 : Le S-V se retire définitivement de l’Union française.
21 décembre 55 : Diem n’ayant obtenu aucune réponse de la France au sujet du maintien ou non de la mission Sainteny au N-V décide de la sortie de son pays de la zone du franc à partir du 1er janvier 1956 (Chaffard, 1969, p. 199).
29 décembre 55 : Faisant suite aux déclarations du général Tran Tu Oai (voir 31 août), le chef d’état-major s-v, le général Le Van Ty, considère que la mission des soldats s-v est de « combler le fleuve Ben Hai [sur le 17e parallèle] » et de marcher sur le Nord (Chaffard, 1969, p. 211). Le S-V devient belliciste.
30 décembre 55 : Des accords quadripartites sont signés entre la France, le S-V, le Laos et le Cambodge. Ils mettent fin à l’union économique, monétaire et douanière indochinoise. C’est un acte qui marque la fin de « l’Union française » en Indochine (Devillers, 2010, p. 354).
Fin décembre 55 : La commission d’enquête sur la défaite de Dien Bien Phu rend son verdict définitif. Selon Navarre, « je ne pus, malgré mes demandes réitérées, obtenir communication de ce rapport. Le prétexte donné fut qu’il devait rester strictement secret. » Toujours selon le même, tout ou partie du rapport ont fuité dans la presse ou auprès de « personnalités non qualifiées – politiques et autres – dont certaines n’en ont pas fait mystère. » (cité in Navarre, 1956, p. III)
Navarre et Cogny sont épinglés pour leurs erreurs. Cogny est jugé assez sévèrement. Pour autant, Navarre ne reçoit aucune nouvelle affectation alors que Cogny poursuivra une belle carrière. Malgré les demandes de Navarre, les conclusions ne sont pas rendues publiques d’où sa future démission de l’armée le 12 octobre 1956. Une nouvelle polémique renaîtra entre les deux généraux à l’occasion de la publication en 1956 de l’ouvrage de Navarre intitulé Agonie d’Indochine (1953-1954) (Cadeau, Cochet, Porte, 2021, p. 243). Dans cet ouvrage, Navarre précise s’être « abstenu de reproduire des documents encore classifiés « Secret » […] qui pourraient être produits en cas de contestations. » (cité in Navarre, 1956, p. V, note 1)