Cronkite Walter Leland : Né en 1916. Il a couvert le procès des dirigeants nazis à Nuremberg. Très influent chroniqueur de télévision. Il rejoint la chaîne C.B.S. en 1950 et devient en 1962 le principal animateur de la très suivie émission « CBS Evening News ». Il a une réputation de sérieux et d’impartialité. En général, il soutient l’engagement américain au Vietnam et défend des idées plutôt conservatrices.
Mais il peut également soutenir la diffusion de reportages gênants pour le pouvoir. Ainsi en est-il pour la diffusion le 3 août 1965 des images d’un Zippo Raid mené par l’armée américaine et filmées par Morley Safer. Les images sont dures mais l’animateur, soutenu par sa hiérarchie, entend maintenir leur diffusion malgré les pressions gouvernementales. Le public américain est choqué par de telles images mais également par les commentaires des Marines qui participent à l’action et estiment faire du « bon travail ». Le lendemain, le président de la chaîne, Franck Stanton, est violemment pris à partie au téléphone par LBJ : « Êtes-vous en train de me baiser ? Franck, je suis votre président et, hier soir, vos gars ont chié sur le drapeau américain. » (cité in Portes, 2007, p. 216) LBJ fera enquêter sur Safer mais cette enquête n’aboutira à rien.
Le 27 février 1968, Cronkite qui vient de rentrer du Vietnam, déclare aux téléspectateurs : « Il semble maintenant plus certain que jamais que l'expérience sanglante du Vietnam va se terminer par une impasse. Dire que nous sommes plus proches de la victoire aujourd'hui, c'est croire, face à l'évidence, les optimistes qui se sont trompés dans le passé. Suggérer que nous sommes sur le bord de la défaite serait céder à un pessimisme déraisonnable. Dire que nous sommes coincés dans une impasse semble la seule conclusion réaliste, aussi peu satisfaisante qu’elle soit. » Après avoir écouté ce commentaire, Johnson aurait répondu : « Si j'ai perdu Cronkite, j'ai perdu l'Amérique moyenne. » Jacques Portes estime qu’il faut cependant observer « l’influence des médias [avec] la plus grande prudence ». Se pose la question de savoir si ces informations ont pu réellement provoquer « des changements profonds dans l’opinion. » Les analyses de leur répercussion incitent à la prudence. Portes conclut : « Autant d’éléments qui prouvent que l’influence des médias sur l’opinion américaine a été très réduite et, en aucun cas décisive. » (Portes, 2008, pp. 196-197 et pp. 198-199).