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par Jean-François Jagielski

Avril 1977

Avril 77 : Le premier ministre vietnamien Pham Van Dong, en route vers Paris, fait deux escales à Moscou, l’une à l’aller l’autre au retour. Son second séjour dure un mois pendant lequel il est rejoint secrètement par Le Duc Tho (Marangé, 2012, p. 362).

Poursuite des massacres de civils dans les villages vietnamiens situés le long de la frontière vietnamo-cambodgienne dans les « zones économiques nouvelles » créées en 1975 par les KR et implantées sur des territoires frontaliers contestés par les deux nations. Ces incursions particulièrement violentes (viols, meurtres, incendie des villages) seront récurrentes, notamment en septembre 1977 et juillet 1978 et pousseront le Vietnam à envahir le KD en janvier 1979.


1er avril 77 : Une directive du service « Bureau 870 » (nom de code de la direction polpotiste) ordonne de procéder à « trois extirpations ». Sont concernés tous les Vietnamiens encore au Cambodge, tous les Khmers parlant le vietnamien et tous les Khmers ayant des relations (mariage, amitié, travail) avec des Vietnamiens (Biernan, 1998, p. 361)


4 avril 77 : Le numéro d’avril 1977 de Tung Padevat (publication à diffusion restreinte du P.C.K.) estime : « Nos ennemis ne disposent plus d’une cinquième colonne au sein de notre parti et de notre peuple à partir de laquelle fomenter des activités contre-révolutionnaires visant à renverser notre régime […] Par ailleurs, ils n’ont plus la capacité de nous attaquer militairement de l’extérieur. » La publication poursuit : « Devant cette situation encourageante, quelle position adopter ? Devons-nous porter des coups encore plus sévères à nos ennemis, ou bien devons-nous nous contenter des résultats obtenus ? […] Nous devons les attaquer sans relâche et partout, en prenant nos propres initiatives et en suivant scrupuleusement les instructions de notre parti, dans le domaine de la politique intérieure comme dans celui des relations étrangères […] Nous devons combattre l’ennemi venu de l’extérieur sur tous les théâtres d’opération et sous toutes les formes. » (cité in Biernan, 1998, pp. 426-427).


10 avril 77 : Arrestation du ministre de l’Information et de la Propagande cambodgien, Hu Nim, un des « trois fantômes » réapparu en 1970. Il est torturé à mort à S 21. Selon Kane, il n’a jamais eu qu’une influence marginale au sein du P.C.K., n’ayant jamais été que membre suppléant du comité central du parti. Il s’est toujours opposé à Pol Pot sur la question de l’abolition de la monnaie et peut passer pour un modéré qui plaidait une plus grande clémence à l’égard du « peuple nouveau ». On l’accuse d’être un agent de la C.I.A., une première qui se reproduira à de multiples reprises lors des futures purges de cadres kr (Kane, 2007, pp. 156-157).

Durant le mois d’avril, les cadres de la région du Sud-Ouest arrivent dans celle du Nord-Ouest. Ils liquident les anciens dirigeants en les qualifiant d’« agents de Hu Nim ». Cette arrivée est synonyme de profond durcissement par rapport à l’ancienne gouvernance : imposition des repas communautaires, déportations des populations, arrestations, exécutions à tout va de ceux qui sont considérés comme des ennemis du peuple (anciens militaires ou fonctionnaires) (Biernan, 1998, p. 293).


11 avril 77 : Le comité permanent du P.C.K. se réunit en présence de Pol Pot, Nuon Chea, « Phin » (So Phim ?), Ta Mok, Vorn Vet, Ieng Sary, Moul Sambath, Ke Pauk et Son Sen. Il est décidé de poursuivre l’épuration en cours dans chaque ministère (Biernan, 1998, p. 420).


14 avril 77 : Relayant le discours belliciste du moment, Radio Phnom Penh, munie d’une nouvelle direction, clame : « Frères et compagnons d’armes respectés : votre sang vermeil et fougueux coule avec la même vivacité  que les rivières et les fleuves irriguant le sol sacré de notre bien aimée patrie cambodgienne ! »  (cité in Biernan, 1998, p. 420)


17 avril 77 : A l’occasion du deuxième anniversaire de la prise de pouvoir par les KR, Ta Mok prend la parole lors d’un meeting à Prey Nop (Province de Kampot). Il déclare qu’il faut chasser tous les provietnamiens de l’armée et du Parti. Ce qu’il fera en liquidant deux membres de l’état-major du parti de la zone, dont le commandant et le commissaire politique de la 1ère division militaire de la zone et le commissaire politique-adjoint de la 2e division, deux secrétaires du P.C.K. des régions 1, 2, 4 et 5 (Biernan, 1998, pp. 298-299).

Déclaration de Khieu Samphan : « Notre défense nationale s’améliore d’une année sur l’autre. La situation en 1977, en particulier, est infiniment meilleure qu’en 1976. » (cité in Biernan, 1998, p. 426).

Une liste des prisonniers retenus à S 21, établie pour le deuxième anniversaire de la chute de Lon Lol, comptabilise 1 566 noms entre le 17 février et le 17 avril. C’est à peu près l’équivalent du total de l’année 1976 (Biernan, 1998, p. 419).


25 avril 77 : Les registres de S 21 dénombrent 1 132 prisonniers. On y trouve un assortiment à peu près équitable de responsables du Centre, des régions et de l’armée (Biernan, 1998, p. 420).


25 – 28 avril 77 : Visite en France du premier ministre vietnamien Pham Van Dong (Bui Xuan Quang, 2000, p. 714).


30 avril 77 : Dans une attaque de grande envergure, les KR attaquent et brûlent une série de villages vietnamiens de la province d’An Giang (secteurs de Chau Doc et Ha Tien). Le Vietnam riposte en opérant des bombardements. Aucune des deux parties ne fait état publiquement de ces graves incidents (Richer, 2009, p. 64). Des dizaines de milliers de Vietnamiens fuient vers l’intérieur de leur pays.

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