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par Jean-François Jagielski

Avril 1969

Avril 69 : 543 000 soldats américains sont présents au Vietnam (Kissinger 1, 1979, p. 245).

Depuis décembre 1966, 21 000 tonnes d’armes et de matériel militaire destinés aux NV et aux VC ont transité par le port de Sihanoukville. Ce trafic  bénéficie aux membres de la belle-famille de Sihanouk qui touchent des commissions à chaque opération (Tong, 1972, p. 128).


1er avril 69 : Le numéro deux chinois, Lin Piao, fait connaître les intentions pacifiques de la Chine dans une interview accordée au journaliste Edgar Snow rappelant les propos de Mao en 1965 qui affirmait (faussement) que ses troupes ne combattaient pas en dehors de leurs frontières (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 265). L’attitude actuelle de la Chine semble aller vers l’ouverture, dans l’espoir de contrer par un rapprochement avec les États-Unis, l’U.R.S.S. (voir 18 décembre).


2 avril 69 : Selon Huret, dans l’affaire de My Laï, « c’est une lettre rédigée par le soldat Ronald Ridenhour, et envoyée le 2 avril 1969 à différents journaux et aux autorités politiques et militaires, qui transforme la rumeur de Pinkville en « incident », selon la terminologie militaire. » Ridenhour n’a pas été témoin du massacre. Il a toutefois entendu parler de la rumeur, interrogé des témoins et recoupé les informations. Suite à son courrier, l’armée américaine diligente bon an mal an une enquête officielle (Huret, 2008, p. 130).


3 avril 69 : Présentation de la mission Vance à Nixon afin de persuader l’opinion publique américaine que le gouvernement américain veut en finir avec la guerre. Cette mission se fait parallèlement aux négociations de Paris. Kissinger pense que l’attitude des délégués américains n’est pas « assez disciplinée » et trop divisée (Kissinger 1, 1979, p. 279).


8 avril 69 : Kissinger adresse à Laird (Défense) une réponse aux propositions de mise en « quarantaine » du Cambodge par les chefs d’états-majors américains. Il faut selon eux, pour l’instant, les laisser en suspens et voir si Sihanouk est disposé à « adopter  des mesures politiques et pratiques plus positives pour empêcher l’occupation illégale de son pays par les forces communistes. » (Shawcross, 1979, p. 91)


10 avril 69 : Les U.S.A. fixent le calendrier de leur retrait. Il s’étend du 31 décembre 1970 au 3 décembre 1972. On fixe à la fin de chaque année le nombre de soldats devant encore être au Vietnam : 1969, 475 000 ; 1970, 234 000 ; 1971, 156 800 ; 1972, 24 200. Ce calendrier ne sera jamais revu, même si lors des négociations secrètes, Kissinger feint de pouvoir jouer sur les dates de retrait (Portes, 2016, p. 39).


11 avril 69 : Les relations diplomatiques sont officiellement rétablies entre les États-Unis et le Cambodge. Pour autant, la situation demeure tendue entre les deux pays du fait des récentes incursions et interventions américaines et s-v sur son territoire (voir 14 avril).


12 avril 69: Kissinger envoie un mémorandum à Nixon qui reprend les points qu’il entend évoquer avec Dobrynine (ambassadeur soviétique à Washington) en vue de l’amélioration des relations américano-russes. Ce dernier répond qu’il tient à ce que ces négociations aboutissent, indépendamment de ce qui peut se passer au Vietnam. Il s’attend à ce que la Chine cherche à provoquer un affrontement entre les U.S.A. et l’U.R.S.S. qui servirait les intérêts chinois. L’U.R.S.S. a donc tout intérêt à ce que la situation ne dégénère pas et son représentant estime que la conversation de ce jour entre les deux hommes sur ce sujet est donc « importante » (Kissinger 1, 1979, p. 280).


14 avril 69 : Nixon approuve le mémorandum fixant un délai de deux mois pour aboutir en vue des perspectives de coopération économiques avec les Russes (Kissinger 1, 1979, pp. 279-280).


14 avril - 12 mai 69 : Au Cambodge, les avions de l'US Air Force déversent des défoliants sur 85 000 ha dans les districts de Memot et Ponhea Krek (province de Kompong Cham).


16 avril 69 : Au sujet du Cambodge, les États-Unis déclarent reconnaître les « frontières actuelles » du pays conformément à un vœu exprimé deux ans plus tôt par Sihanouk (Cambacérès, 2013, p. 151).


18 avril 69 : De Quirielle (délégué du gouvernement français à Hanoi) apprend avec stupéfaction par Paris la fin de sa mission : « N’ayant pas le sentiment d’avoir démérité, je ressentis désagréablement cette mesure. » On ne lui propose aucune nouvelle affectation mais lui accorde un délai d’un mois supplémentaire à son poste actuel. Il ne quittera définitivement la délégation que le 15 juillet (De Quirielle, 1992, pp. 213-214).


19 avril – 12 mai 69 : Poursuite des actions d’épandage de défoliants au Cambodge. Des appareils américains effectuent des épandages de produits chimiques sur une zone d’environ 85 000 hectares sur la zone des districts de Memot et de Ponhera Krek (province de Kompong Cham). 15 152 hectares d’hévéas sont ravagés sur un total de 60 000 exploités au Cambodge. Un rapport sera dressé à l’issue de cet épandage mené par deux scientifiques. Il estime le montant des dégâts causés à 227 668 dollars. Un article du New York Times publié le 14 janvier 1970 les estimera quant à lui à 11 millions de dollars (Sihanouk, 1979, p. 249).


20 avril 69 : Appel de Jérome Grossman (militant politique sur les questions de prolifération des armes de destruction massive et nucléaires) à une grève générale aux États-Unis si la guerre ne se termine pas en octobre. David Hawk et Sam Brown, qui avaient déjà travaillé à la campagne présidentielle infructueuse du républicain Eugene McCarthy en 1968, ont changé le concept en un moratoire moins radical. Ils commencent à organiser l'événement sous la forme du futur Vietnam Moratory Commitee (V.M.C., Comité du Moratoire du Vietnam) avec David Mixner, Marge Sklenkar et John Gage (voir 15 octobre). Le mouvement modéré est jugé « respectable » : il s’agit de regrouper le plus d’opposants à la guerre, non forcément sur les seuls campus, mais également en essayant de toucher d’autres classes sociales.

L’idée consiste à organiser des grèves ouvrières temporaires et croissantes pour se faire entendre du gouvernement sur la question du Vietnam. Le mouvement, bien organisé et bénéficiant de fonds, attire des étudiants, des intellectuels (Noam Chomsky, John Kenneth Galbraith), des universitaires d’Harvard, des syndicalistes (secteur de l’automobile) (Portes, 2008, pp. 231-232).

Décrivant l’une des manifestations du Moratoire, le journaliste du Monde, Jacques Almaric, observe : « Si la manifestation a drainé un nombre considérable de jeunes, elle n’a pas « mordu » en revanche sur la population adulte : huit manifestants sur dix étaient en effet des étudiants ou des élèves du secondaire. Les Noirs n’étaient guère représentés, malgré la présence de la veuve du pasteur King à la tête de la marche […] C’est avant tout la jeunesse qui forme les rangs des opposants et qui constitue une véritable société à l’intérieur des États-Unis. » (cité in Férier, 1993, p. 100)


22 avril 69 : Ayant ou allant procéder à de nombreuses libérations de prisonniers vietnamiens durant toute l’année (Tong, 1972, p. 135), Sihanouk reconnaît lors d’une conférence de presse : « Les communistes devraient être reconnaissants au Cambodge de tout ce qu’il a fait pour les aider. L’aide que le Vietminh et le Vietcong ont reçue du Cambodge se situe sur le plan diplomatique et sur le plan matériel. Le Cambodge leur a fourni toutes autres sortes d’assistance, afin de leur permettre de résister aux Américains pour reprendre leur territoire et leur indépendance. » (cité in Tong, 1972, pp. 135-136)


24 avril 69 : Au Cambodge, à Labansick (chef-lieu de province de Rattanakiri), Sihanouk stigmatise « les néfastes activités d’un groupe de traîtres vendus à l’étranger […] » Il vise les KR qui « s’efforcent de ruiner l’économie de la province en faisant régner l’insécurité sur les routes et en incendiant des plantations de caoutchouc. » (Sihanouk, 1979, p. 248)


26 avril 69 : Les Forces armées royales khmères (F.A.R.K.) attaquent des positions tenues par le P.C.K. dans la province de Ratanakiri. Selon Sihanouk, « les Vietnamiens socialistes sont derrière les Khmers rouges et occupent déjà Bokham et les environs d’Andaung Pich. » (Sihanouk, 1979, p. 245)


27 avril 69 : Le Washington Post évoque à son tour (voir 26 mars) les bombardements américains au Cambodge (Kissinger 1, 1979, p. 262). Selon Nixon, la réaction de Sihanouk à ces bombardements est favorable aux Américains car ils débarrassent le pays de l’occupation n-v (voir 28 mars). Le prince, qui n’est pas et ne sera jamais à un revirement près, feint de découvrir la chose par le biais des journaux américains.

Il déclare lors d’une conférence de presse : « Et voilà le premier rapport sur plusieurs bombardements de B-52. Pourtant je n’en ai pas été informé du tout, car je n’ai perdu aucune maison, aucun compatriotes, rien, rien. Personne n’a été pris dans ces barrages, personne, aucun Cambodgien. Si un buffle ou un Cambodgien était tué, j’en serais immédiatement informé. Mais ceci est une affaire entre les Américains et le Vietcong-Vietminh, sans le moindre témoin khmer. Il n’y a pas eu de témoins khmers, alors comment puis-je protester ? » (cité in Nixon, 1985, p. 120) Bel exemple de duplicité non dénuée d’une bonne dose de cynisme due à un nième revirement diplomatique dont Sihanouk a le secret.

Suite à l’échec d’un référendum portant sur des projets de réformes, De Gaulle donne sa démission du poste de chef de l’État français. Ce départ n’est pas commenté officiellement au N-V.


30 avril 69 : L’effectif terrestre engagé par les Américains au Vietnam atteint son niveau maximal avec la présence de 543 482 hommes.

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