Août 72 : 43 000 membres de l’US Air Force demeurent au S-V (Burns Sigel, 1992, p. 131).
Le secrétaire à la Défense américain, Laird, recommande à Nixon de baisser de 20 % la proportion des renforts aériens, proposition acceptée par Nixon (voir 28 août). Il veut également restreindre les sorties aériennes de 40 %, ce que refuse le président (Kissinger 2, 1979, p. 1 385).
1er août 72 : La plus longue et la plus complexe des séances de négociations secrètes de Choisy-Le-Roi d’une durée de 8 heures. Dans un rapport à Nixon, Kissinger la qualifie comme « la plus intéressante de toutes nos rencontres. » Il fait des propositions arguant du fait qu’elles ont été inspirées par Brejnev qui les avait évoquées avec Nixon lors de sa visite à Moscou (voir 24 mai).
La réponse de Le Duc Tho contient de réelles propositions tenant dans un document en dix points, accompagné de quatre annexes secondaires : le départ immédiat de Thieu n’est plus exigé ; plus de date limite fixée pour le départ des Américains ; Thieu nommerait ses représentants tout comme les membres du G.R.P. et d’Hanoi les leurs au niveau du gouvernement provisoire ; des discussions pourraient être envisagées avec Thieu à Paris ; un cessez-le-feu est envisageable entre Vietnamiens accompagné de négociations dans chaque région.
Pour autant, les Américains bloquent malgré la proximité des positions des N-V d’avec les leurs du 25 janvier et du discours de Nixon le 8 mai : un accord ne peut être trouvé sans négociations mais surtout l’idée d’un gouvernement de concorde ne les séduit pas car ils n’y croient pas (pas plus que Thieu d’ailleurs…).
Nixon lui-même est hostile à l’idée d’accord. Il déclare à Kissinger : « Oh ! que j’aimerais les duper ; j’aimerais le faire en semblant parvenir à un accord puis les emberlificoter lors de son application ; nous pourrions promettre quelque chose et, juste après l’élection, dire que Thieu n’acceptera pas, pour pouvoir exercer la pression sur eux. » (cité in Portes, 2016, p. 100) On fait donc semblant de négocier mais chaque camp est rempli d’arrière-pensées. Un compte rendu est envoyé à Nixon qui demeure sceptique. Thieu en est également destinataire (Kissinger 2, 1979, pp. 1 371-1 372).
12 août 72 : Les dernières troupes terrestres américaines de combat (6 000 hommes) quittent le Sud-Vietnam, il ne reste alors que 43 000 aviateurs et le personnel de soutien.
14 août 72 : Nouvelle rencontre Kissinger-Le Duc Tho, très procédurière. Les Américains répondent aux 10 points du 1er août. Aucune proposition d’ordre politique n’est faite. On décide de se revoir le 15 septembre. Les annotations écrites de Nixon faites à la lecture du compte rendu envoyé par Kissinger montrent que, pour le président, on n’avance guère (Kissinger 2, 1979, pp. 1 373- 1 375).
17 août 72 : Kissinger se rend à Saigon. Selon lui, « à Saigon, la rumeur courait que j’étais venu imposer la paix. » Bunker, venu l’accueillir, est assez optimiste mais avec un bémol : Thieu est persuadé qu’il est en situation de force du fait sa position militaire du moment. Ses engagements antérieurs ne sont donc plus forcément d’actualité. Kissinger résume dans ses mémoires d’une belle formule l’aporie situationnelle : « Le dialogue entre Saigon et Washington suivait donc le cours d’une tragédie grecque, dans laquelle chaque acteur fait son propre malheur en cherchant à satisfaire à ses propres impératifs. » (Kissinger 2, 1979, p. 1 380)
Pour autant, les premiers entretiens semblent sereins. Thieu est accompagné de Nguyen Phu Duc (Affaire étrangères) et de Hoang Duc Nha, neveu de Thieu, attaché de presse et confident qui, au premier abord, fait mauvaise impression à Kissinger. Ce dernier évoque son projet de négociation avec Le Duc Tho pour leur entrevue du 15 septembre : aucune modification dans la position américaine à l’exception du délai de retrait américain qui passerait de 4 à 3 mois. Kissinger rejette l’idée d’un gouvernement de coalition mais est favorable à la constitution d’une commission électorale mixte comprenant toutes les forces politiques et donc les communistes. Cette commission électorale prendrait le nom de « Comité de réconciliation nationale » et ses décisions se prendraient à l’unanimité des voix. Ce qui donnerait donc à Saigon un droit de veto. Thieu ne formule pas de rejet, il discute, pose des questions, semble suivre son interlocuteur mais « à la vietnamienne », une attitude qui n’est pas sans rappeler à Kissinger celle de Le Duc Tho lorsqu’il négocie… (Kissinger 2, 1979, pp. 1 375-1 378)
18 août 72 : Thieu remet à Kissinger un document de 8 pages proposant de revoir une vingtaine de points des propositions américaines. Or on ergote sur certains d’entre eux : le « cessez-le-feu sur place » devient « un cessez-le-feu général », Thieu critique le Comité de réconciliation nationale tripartite que les S-V risquent de rejeter, la question politique ne lui semble pas réglée car il craint de nouvelles concessions américaines, le peuple s-v peut prendre cet accord comme une défaite à peine voilée.
Kissinger écrit rétrospectivement : « Nous réalisâmes que peu à peu nous nous trouvions devant une différence de point de vue fondamentale et non de simple rédaction. Il se trouvait tout simplement que Thieu et son gouvernement n’étaient pas prêts pour une paix négociée. » Thieu ne s’avoue pas vaincu et semble préférer, suite à ses récentes victoires, la poursuite d’une lutte militaire plutôt que de se lancer dans une lutte politique. Or les Américains, le Congrès et même Nixon et son administration en ont assez de cette guerre qui n’en finit pas et ne voient guère d’autre solution pour y mettre fin que ce qu’ils proposent à cet instant précis. Un projet que Thieu rejette… (Kissinger 2, 1979, pp. 1 378-1 381). Kissinger, sur le départ, écrit : « Je quittai Saigon avec le sentiment trompeur d’être parvenu à une concordance d’idées avec Thieu. » Or, après le départ de Kissinger, Thieu s’enferme dans son habituel silence, refusant même de rencontrer l’ambassadeur Bunker.
19 août 72 : Thieu ne donne aucune réponse aux commentaires américains au sujet des propositions de son mémorandum du 18 (Kissinger 2, 1979, p. 1 382). La situation est à nouveau bloquée. Thieu, dans son attitude de refus confortée par ses récentes victoires militaires, mesure mal combien l’intervention de l’aviation américaine y a fortement contribué. En cela, il s’illusionne sur le véritable rôle qu’a joué son armée lors de l’offensive de Pâques…
21 août 72 : Au Cambodge, tentative d'assassinat contre le premier ministre proaméricain Son Ngoc Thanh.
22 août 72 : Rencontre Kissinger-Dobrynine. Le secrétaire à la Sécurité nationale lui fait part de la position s-v. Avec clairvoyance, l’ambassadeur russe à Washington pense que les positions intransigeantes des deux adversaires sont dues au fait qu’ils n’ont guère envie de négocier l’aspect politique de l’après-cessez-le-feu. On s’achemine selon lui vers un « processus qui pourrait durer éternellement » car chacun d’entre eux aspire encore à l’idée d’une victoire militaire. Le processus imaginé par Kissinger est donc confronté à une impasse de défiance commune.
Kissinger veut cependant essayer de faire aboutir le processus de négociations avant les élections américaines. Nixon, quant à lui, est favorable à une solution de force juste après leur tenue. Les deux hommes ne sont, une nouvelle fois, plus sur la même longueur d’ondes (Kissinger 2, 1979, p. 1 384).
25 août 72 : Kissinger expose à Nixon sa position : s’il n’est pas possible de faire parvenir les N-V à « une solution raisonnable », il faut ménager l’opinion publique américaine en leur imputant l’échec du fait « d’exigences politiques exorbitantes ». A ses yeux, si Hanoi et Saigon rejettent ses propositions, c’est « parce que les deux parties vietnamiennes aspir[ent] encore à une victoire décisive » (Kissinger 2, 1979, p. 1 384).
28 août 72 : Message chaleureux de Nixon à Thieu qui lui sera transmis le 6 septembre par le biais de Bunker en séjour aux États-Unis : « […] Finalement, je veux, Monsieur le Président, vous exprimer l’admiration du peuple américain pour votre courage et pour les exploits de votre peuple et de vos forces armées dans la défense réussie contre l’invasion du Nord-Vietnam […] Le courage et l’unité de votre peuple sont la principale garantie de sa liberté. Pour réussir dans cette dernière étape de notre longue entreprise, nous devons avoir une parfaite confiance entre nous. Nous ne devons pas aider l’ennemi par notre désaccord, alors que nous avons réussi grâce à notre unité. » (cité in Portes, 2016, pp. 1 14-115)
29 août 72 : Pour illustrer ce que Kissinger nomme « le syndrome des retraits », Nixon annonce le retrait de 12 000 hommes du S-V avant le 1er décembre. Ce qui ramènerait les effectifs américains à 27 000 hommes au S-V et affaiblit encore la position américaine dans les négociations en cours (Burns Sigel, 1992, p. 131). Après le retrait de toutes les forces terrestres américaines (voir 12 août), c’est donc sur les effectifs de l’aviation demeurés sur place que Nixon entend diminuer.
30 août 72 : Un sondage pré-électoral prédit 64 % d’opinions favorables pour Nixon et 30 % pour son rival McGovern (Kissinger 2, 1979, p. 1 386). Nixon sait qu’il va être réélu.