Août 62 : Les premières forces militaires australiennes arrivent en soutien au Sud-Vietnam.
Un membre de la délégation de la R.D.V.N. à Genève confie à Georges Chaffard (journaliste au journal Le Monde) : « Pour l’avenir, nous ne sommes pas exigeants. Nous accepterions un gouvernement bourgeois à Saigon. Tout ce que nous demandons, c’est que ce gouvernement pratique une politique de neutralité, d’indépendance nationale et de bon rapport avec le Nord. Qu’il reçoive l’aide de la France, nous n’y voyons pas d’inconvénient. Nous préférons voir à Saigon des conseillers et des capitaux français que des conseillers et des capitaux américains. » (cité in Chaffard, 1969, p. 267)
Dans un Bulletin du Front de libération du Sud-Vietnam, le dirigeant du F.N.L., Nguyen Huu Tho reconnaît la difficulté à maîtriser l’hétérogénéité de son mouvement mêlant communistes et membres de la secte Hoa Hao : « Il subsiste forcément parmi nos rangs, qui sont si nombreux, des divergences et même des contradictions qui nous opposent les uns les autres. » (cité in Lacouture, 1965, pp. 173-174). Tho évoque des « incidents regrettables » mais estime que « ces divergences ne sont pas telles qu’elles interdisent des concessions réciproques et un arrangement à l’amiable. » Les communistes sont parfois sectaires, les Hoa Hao indécis, travaillés par la propagande diémiste qui leur promet ce qu’elle n’a pas l’intention de réaliser. La nouvelle stratégie des Américains, avec leurs opérations aéroportées rapides et efficaces, pose également problème au mouvement. Il faudra momentanément lâcher le Delta et se réfugier dans les régions montagneuses au nord de Saigon. Seule la victoire d’Ap Bac, début 1963, pourra réconforter le leader du F.N.L. (Chaffard, 1969, pp. 282-283).
6 août 62 : Au Cambodge, dix-huitième gouvernement du Sangkum : gouvernement Chau Sen Cocsal qui demeurera en place jusqu’au 6 octobre (Jennar, 1995, p. 158). Khieu Samphan, Hou Yuon et Hu Nim en font partie.
10 août 62 : Nouvelle déclaration en 14 points du F.N.L. qui propose une réunification « pas à pas […] selon le principe d’égalité entre les deux zones, sans qu’aucune cherche à annexer l’autre. » (Chaffard, 1969, p. 266).
15 août 62 : Publication d’une « Déclaration du Front national de libération sur l’indépendance et la neutralité du Sud-Vietnam ». Elle vise à la création d'un État sud-vietnamien neutre et indépendant : « Le Sud-Vietnam neutre n'adhérera à aucun bloc, à aucune alliance de caractère militaire ». Il « n'acceptera la présence d'aucune armée, d'aucun soldat, d'aucune base militaire étrangère sur son territoire [...] Il pratiquera une politique intérieure et extérieure souveraine et totalement indépendante à l'égard des puissances ». Son armée sera « de défense nationale et de paix ».
Mi-août 62 : Joseph Mendenhall, après avoir quitté le poste de conseiller politique à l’ambassade américaine de Saigon, est de retour à Washington. Il produit un nouveau rapport pessimiste : « Nous ne pouvons pas gagner la guerre avec les méthodes de Diem et Nhu et nous ne pouvons changer ces méthodes, quelle que soit la pression qu’on exerce sur eux […] Il faut se débarrasser de Diem, M. et Mme Nhu et le reste de la famille Ngo. » (cité in Pericone, 2014, p. 60) Il préconise, pour la première fois dans l’administration américaine, le recours à un coup d’État pour se débarrasser du clan. Le document fait du bruit au secrétariat d’État mais ne remontera pas jusqu’à la Maison Blanche.
20 août 62 : Le journaliste français François Sully fait paraître dans le magazine Newsweek un long article intitulé "Viet Nam : The Unpleasant Truth". Il admet quelques progrès tactiques au Sud mais remet en cause l’engagement américain, estimant en citant Fall que les problèmes du Sud-Est asiatique sont plus politiques que militaires. Il critique le travail des conseillers américains qui forment les S-V à mener une guerre conventionnelle là où la situation ne s’y prête pas. Les Américains peuvent faire voler autant d’hélicoptères qu’ils le désirent, ils ne gagneront pas pour autant le cœur des soldats-paysans du Vietcong. En citant un général s-v anonyme, il remet en cause l’échec de la politique de Diem. L’armée s-v étant mal commandée du fait d’un régime de faveurs attribuées par le président. Ce régime lui paraît à bout de souffle. De plus, l’article est illustré par une photo des milices féminines de Madame Nhu. Elle porte la légende : « Milice féminine à Saigon : l'ennemi a plus d'ardeur et d'enthousiasme. » L’expulsion de Sully a été prévue par Diem depuis mars. La publication de cet article va l’acter (voir 9 septembre) (Hammond, 1990, pp. 24-29).
Sihanouk adresse un message à 12 chefs d'État leur demandant de reconnaître et garantir la neutralité et l'intégrité territoriale du Cambodge. La France, la Chine, l'U.R.S.S. et le NV répondent positivement.
22 août 62 (?, voir ci-dessous) : Sur les bords du lac de Genève, entrevue informelle dans le restaurant La Perle du Lac entre l’ancien président du Conseil neutraliste Tran Van Huu (voir 27 avril 1950) en exil à Paris, Nguyen Manh Ha (neutraliste également en exil) et le ministre des Affaires étrangères de la R.D.V.N., Ung Van Khiem, du député Tran Cong Tuong et du chef de la représentation commerciale du F.N.L. en France, Mai Van Bo. Les représentants de Hanoi rappellent leur attachement au Sud et affirment leur désir de réunification des deux Vietnam. Khiem va droit au but en déclarant à Huu : « Vous pouvez, monsieur le président, être dans le Sud l’homme de la situation, y tenir le rôle que Souvanna Phouma tient au Laos. Non seulement vous le pouvez, mais vous le devez, en tant que patriote. » C’est aussi le désir du dirigeant du F.N.L., Nguyen Huu Tho (voir juillet), une instance pourtant absente de cet entretien. Le ministre des Affaires étrangères est magnanime, il sait que Huu ne se convertira pas au communisme mais propose de se revoir en terrain neutre et neutraliste, à Ventiane par exemple. Quelques jours plus tard, Tran Van Huu tiendra une conférence de presse où il exprimera des propositions prudentes : neutralité du S-V garantie par les grandes puissances ; 15 à 20 ans pour atteindre la réunification (délai validé par Hanoi) ; démocratisation du pays ; nouvelle conférence de Genève pour reconnaître la neutralisation du S-V à l’égale de celle du Laos et du Cambodge. Pour autant, Huu ne dit rien du programme du F.N.L. que lui avait exposé son dirigeant en juillet et ce dernier lui reprochera de ne pas condamner clairement l’actuelle politique américaine au S-V. Quant à DiemDiem le qualifiera d’« ancienne marionnette des Français, soutenue par le Vietcong » (Chaffard, 1969, pp. 267-272 ; un doute sur la date chez Chaffard qui mentionne cette rencontre le 22 juillet, p. 261 puis le 22 août, p. 267).
Fin août 62 : Les chefs d’état-major interarmes estiment qu’aucun retrait de troupes américaines ne doit être accompli. 2 camps se dessinent dans l’administration pour former les S-V : le premier estime qu’il faut rester jusqu’à ce que les troupes s-v soient formées ; le second est favorable à une limitation de l’effort pour une période déterminée avec l’intention de se retirer à terme (McNamara, 1996, pp. 61-62).