Dernière modification le il y a un mois
par Jean-François Jagielski

Août 1953

Août 53 : Saloth Sar (futur Pol Pot), membre du Parti révolutionnaire du Peuple khmer (P.R.P.K.) rejoint la guérilla issarak du F.U.I. dans le nord-est du Cambodge qui est, à cette époque, contrôlé par le VM (secteur de Krabao proche de la frontière vietnamienne). Il y demeurera un an (Richer, 2009, p. 28).


1er  août 53 : Navarre quitte la France pour Saigon en compagnie du nouveau commissaire général Dejean (Navarre, 1956, p. 10). Bao Daï quitte le Vietnam pour la France où il entend aller se reposer à Nice (Pouget, 2024, p. 104).


1er - 12 août 53 : Estimant que la base aéroterrestre de Na San n’avait plus sa raison d’être, le commandement français, sur suggestion de Cogny (commandant des T.F.I.N.), décide de la replier. Selon Navarre, dès sa prise de commandement du Tonkin, Cogny avait exprimé ce désir que Salan n’avait pu accomplir (Navarre, 1979, p. 298). Le VM a construit une route qui permet de l’éviter, contournant le camp retranché et desservant Yen Bay, Tuan Giao, Dien Bien Phu. La base aéroterrestre de Na San n’est donc plus un obstacle efficace. Navarre estime que sa défense est devenue « une trop lourde charge » au vu des faibles moyens généraux mis à sa disposition. Il pense également que le VM veut la faire tomber d’ici la fin de l’été.

Cet abandon doit toutefois être compensé par un autre point d’appui pour protéger Luang Prabang, ce sera Dien Bien Phu. L’évacuation de Na San permet par ailleurs à Navarre de récupérer 6 bataillons et un groupe d’artillerie pour renforcer ses maigres forces de manœuvre (Navarre, 1956, pp. 156-157). Les observateurs du VM placé autour de Na San mettent un certain temps à se rendre compte que les avions arrivent à vide et repartent chargés de troupes et de matériel (voir 6 août). Les troupes d’arrière-garde thaïes prévues en cas d’accrochage avec les forces du VM n’ont finalement pas à intervenir (Rocolle, 1968, p. 161).

Sans directives venant de Paris, mais avec l’approbation du commissaire général Dejean et de Cogny (commandant des forces terrestres du Tonkin), la vallée de Dien Bien Phu est donc retenue comme nouveau « point d’amarrage pour [des] actions politico-militaires dans le nord-ouest du Tonkin », quitte à abandonner 2 autres bases aéroterrestres, Na San et Laichau (De Folin, 1993, p. 236 ; Gras, 1979, p. 516). Les maquis voisins profrançais occupent Son La par surprise, sans réaction du VM.


3 août 53 : Arrivée de Navarre à Hanoi. Il est accueilli par Cogny. On évoque l’évacuation en cours de Na San. Une partie de la base aéroterrestre sera évacuée par avions sur Hanoi. Ceux qui ne pourront être évacués de cette manière (3e bataillon thaï) devront se disperser dans la jungle et rejoindre les maquis ou… disparaître (Pouget, 2024, pp. 93-94).


4 août 53 : Cogny passe chercher Navarre pour aller visiter un ensemble de postes sur la route de Phu Ly qui bordent le Delta à l’ouest. Cogny revient sur l’évacuation de Na San. Il est inquiet et ressort des fiches d’état-major défavorables au projet. Étonné, Navarre lui demande s’il a de nouveaux éléments. Réponse négative. Selon Pouget, « Cogny désire toujours abandonner Na San mais… » (Pouget, 2024, p. 95) Nouvelle tergiversation du commandant des F.T.V.N. (voir 2 juillet).


5 août 53 : Suite à une prise d’armes marquant le succès de l’opération Hirondelle sur Langson, Navarre donne, contre son gré, une de ses rares conférences de presse. Selon Pouget, avec sa froideur habituelle, il répond à quelques questions « sans découvrir la moindre parcelle  de sa personnalité, de ses intentions […] Ses invités étaient sortis grinçant des dents. Et le soir même, la censure « caviardait » leurs papiers sans se laisser attendrir par les mots flatteurs à l’adresse du commandant en chef. » (Pouget, 2024, pp. 100-101).

Déclenchement à l’aube de l’opération Tarentaise dans le delta du Tonkin (secteur de  Bui Chu, zone des Évêchés). Cette zone test pour les Français, en secteur catholique, est désormais contrôlée par les T.D.K.Q. (bataillon légers vietnamiens). Selon Le Page, « […] le Viêt-minh s’acharne sur les premières formations installées ; il lui faut les écraser tout de suite pour qu’elles perdent la face devant la population et les autres militaires. C’est pourquoi deux régiments, parmi les plus aguerris dont dispose le général Giap (les TD 46 et TD 50), eurent pour mission d’écraser les nouvelles unités vietnamiennes disposées dans la province. Le bilan fut des plus lourds ; en effet, sept T.D.K.Q. volèrent en éclats et il fallut deux groupes mobiles pour dégager la zone. » (Le Page, 2008, p. 8) Les combats se poursuivront jusqu’en octobre, avec enlèvements et pertes de nombreux postes (Pouget, 2024, pp. 109-111)


6 août 53 : Opération d’intoxication à Na San. Les Français font débarquer quelques parachutistes pour donner l’impression aux observateurs du VM que les Français renforcent le camp. Des problèmes de transmission font que ces observateurs ne peuvent transmettre immédiatement ces informations (Pouget, 2024, pp. 97-98)


7 août 53 : Les observateurs du VM constatent que des familles de tirailleurs thaï sont embarquées à Na San. Mais l’opération d’intoxication française se poursuit dans le même temps (Pouget, 2024, pp. 98).

Navarre quitte Hanoi pour Saigon (Pouget, 2024, p. 101).


8 août 53 : Ce n’est qu’à ce moment que les observateurs du VM ont la certitude absolue que les Français évacuent Na San (Pouget, 2024, p. 98).

Navarre accompagne Dejean (commissaire général) pour le Laos et le Cambodge. Ce dernier doit remettre aux autorités en place ses lettres de créances (Pouget, 2024, p. 101). Dejean se rend d’abord à Vientiane où il est reçu par le prince Savong, héritier de la couronne.  Son père le roi Vivanong Vong est en France depuis le 22 mai. Il y négocie les accords bipartites prévus par la déclaration du 3 juillet. Ils se rendent en avion à Luang Prabang qui, faute de route sûre, n’est accessible que par la voie des airs. Ils visitent alors une ville d’un autre temps (Pouget, 2024, pp. 104-105). Puis ils se rendent à Phnom Penh, où l’accueil risque d’être plus compliqué. La présentation des lettres de créance du commissaire général est pour Sihanouk l’occasion de dire au commissaire général qu’il a déjà agréé un ambassadeur français et qu’il ne voit pas pourquoi devoir le faire pour un deuxième. Sihanouk prend du bout des doigts les lettres de créances et les remet à un domestique… Puis les choses s’apaisent (Pouget, 2024, pp. 106-108).


9 août 53 : Le poste émetteur défaillant du VM autour de Na San est réparé au soir (Pouget, 2024, p. 98).


10 août 53 : Giap reçoit les télégrammes lui annonçant l’évacuation de Na San. Il est trop tard pour alerter les troupes régionales et régulières afin de contrarier l’évacuation de la base aéroterrestre qui touche d’ailleurs à sa fin (Pouget, 2024, p. 98).


12 août 53 : Fin de l’évacuation de Na San. Cogny, bon communiquant de l’école De Lattre, pourtant jusqu’alors très hésitant quant à la réussite de l’opération (voir 2 juillet et 4 août), ne résistera pas au plaisir d’aller annoncer la bonne nouvelle aux journalistes, plaisantera avec eux, contant la ruse qui lui a permis de jouer le VM (Pouget, 2024, p. 98). Une attitude qui irrite Navarre. Il a connu les hésitations de Cogny et a, de plus, horreur des journalistes.

L’U.R.S.S. fait éclater sa première bombe H.


18 août 53 : Un décret prive le maréchal Juin de la présidence du comité des chefs d’état-major, désormais confiée au général Ély, nouveau chef d’état-major général des Forces armées. Juin deviendra alors conseiller militaire du gouvernement.

Le gouvernement français adresse un mémorandum à Eisenhower. Il demande à ce que les États-Unis contribuent « au financement des charges militaires des États associés par une aide dont les modalités seraient à déterminer et dont le montant devrait atteindre 135 millions de francs […] » (Rocolle, 1968, p. 65). Par cette contribution, les U.S.A. entendent s’immiscer en Indochine comme ils l’ont fait en Corée du Sud en y envoyant des instructeurs américains. Ce qui ne convient guère aux Français mais qui doivent cependant se soumettre bon an mal an (voir 29 septembre).


19 août 53 : Cogny (commandant les F.T.N.V.) adresse une lettre à Navarre exprimant la crainte d’une importante menace d’infiltration dans le Delta. Ce qui entraînera une importante concentration des forces françaises dans ce secteur et ma mise en place d’actions préventives : attaque des bases des divisions du VM de Moyenne et Haute Régions (villages fortifiés contenant d’importants dépôts d’armes, de munitions et de ravitaillement) (voir 15 octobre – 7 novembre) (Navarre, 1979, pp. 300-301).


25 août 53 : Les Français se décident à lâcher politiquement du lest au Cambodge. 2 délégations franco-cambodgiennes se rencontrent pour la première fois et progressent dans les négociations vers l’indépendance du pays (voir 17 octobre) (Cambacérès, 2013, p. 93).


27 août 53 : Un Conseil national vietnamien réuni à l’initiative de Bao Daï réclame toujours l’indépendance totale du Vietnam, remettant ainsi une nouvelle fois en cause son appartenance à l’Union française (voir 6 juin).


28 août 53 : Bao Daï sait que son régime et ses espoirs d’indépendance sont tributaires de la situation militaire contre le VM. Il rencontre le président de la République Vincent Auriol de façon informelle. A la question de ce dernier, « Quelle est la définition de l’indépendance que vous souhaitez ? », Bao Dai, en apparence conciliant, répond : « Moi, je ne vous demande rien. La seule chose que je viens vous demander, c’est de donner au Vietnam la garantie que la France continuera à l’aider dans la bataille et le conduire à la victoire sur le Vietminh. Il nous faut une aide financière pour créer notre armée et conduire la lutte. En revanche, nous vous donnerons au point de vue économique tout ce que vous désirez. » (cité in Auriol 7, pp. 313-314)


29 août 53 : Au Cambodge, accord franco-khmer sur le transfert des compétences judiciaires et de police.


30 août - 10 septembre 53 : Une conférence de 140 délégués n-v montagnards se réunit pour évoquer la question des minorités du Nord au Tonkin. Ils obtiennent des communistes la reconnaissance d’un gouvernement autonome et d’une représentation particulière de ces minorités à l’assemblée nationale de la R.D.V.N.

💬 Commentaires

Chargement en cours...