Août 40 : HCM conclut une alliance antijaponaise avec les communistes chinois. Le P.C.I. doit créer en Indochine des organisations pratiquant la guérilla et nouer des alliances avec d’autres formations non-communistes anticoloniales. Le P.C.C. alloue 50 000 dollars chinois au P.C.I. pour mener à bien ces actions (Marangé, 2012, p. 131).
1er août 40 : Le ministre japonais de la Marine, l’amiral Matsuoka, annonce en présence de journalistes, la nouvelle « direction politique nationale fondamentale » qui expose la future politique étrangère du Japon. Elle rappelle celle du Lebensraum allemand empreinte, comme son homologue allemande, de racisme et de xénophobie (voir 27 septembre) (Cadeau, 2019, p. 52).
2 août 40 : Decoux reçoit le colonel japonais Sato qui commande par intérim la mission de contrôle. Les exigences contenues dans le mémorandum remis sont les mêmes qu’au temps de Nishihara mais le ton a changé : la 5e division d’infanterie quittant sa zone de stationnement dans la région de Nanning (Chine) s’est mise en route vers la frontière tonkinoise et entend la franchir. Les Japonais se préoccupent de moins en moins des autorités françaises et agissent à leur guise : l’aviation n’attend plus les autorisations françaises pour faire ce qu’elle a à faire ; les troupes japonaises utilisent Haïphong pour ravitailler et renforcer leurs effectifs (Cadeau, 2019, pp. 61-62).
22 août 40 : Malgré les demandes du gouvernement de Vichy, les U.S.A., neutralistes, font savoir à Decoux qu’ils sont dans l’impossibilité d’intervenir en Indochine. Ils considèrent en conséquence qu’ils ne peuvent reprocher aux Français d’accorder certaines facilités militaires aux Japonais.
6 août 40 : Ayant rejeté l’offre américaine de neutralisation de l’Indochine, le Japon fait une contreproposition. Il propose de retirer ses troupes mais seulement après avoir réglé, selon la terminologie japonaise du moment, « l’incident chinois ». Il demande une reconnaissance de la position spéciale du Japon en Indochine, y compris après le départ de ses troupes. Les Américains rejettent cette contreproposition. Progressivement, les deux pays s’engagent dans une course à l’affrontement diplomatique (Isoart, 1982, p. 162).
26 août 40 : Paul Baudoin (Affaires étrangères) confirme à Charles Arsène-Henry (ambassadeur à Tokyo) son désir d’obtenir « un accord politique » comportant une convention militaire auprès du gouvernement japonais. Il ignore le peu de « valeur » de ce type de demande face à une armée japonaise très autonome par rapport au pouvoir politique et diplomatique japonais. Il éprouve même des craintes côté chinois : « L’attitude des troupes chinoises était inquiétante. N’allaient-elles pas tenter de pénétrer en Indochine ? » (Valette, 1993, pp. 58-60).
27 août 40 : À Vichy, un conseil des ministres est consacré à l’Indochine. Summer Welles (sous-secrétaire d’État) a fait savoir le 22 qu’il n’y aurait pas d’intervention américaine dans la contrée. Une menace d’intervention chinoise se précise au cas où des facilités seraient accordées aux Japonais par les Français (Valette, 1993, p. 60).
L’amiral Decoux adresse un télégramme au gouvernement français : « Je suis extrêmement surpris que malgré les avis les plus nets que je n’ai jamais cessé d’exprimer depuis ma prise de fonction [le 20 juillet], les négociations franco-japonaises semblent s’orienter vers des concessions dangereuses pour l’existence même de l’Indochine française. » Decoux refuse de céder à deux nouvelles injonctions : la libre circulation des troupes nippones au Tonkin et la mise à disposition de plusieurs aérodromes. Vichy estime que le risque de choc frontal avec le Japon est trop important. Un accord est prévu (voir 30 août). Pétain répondra aux préoccupations de Decoux le 2 septembre. (Zeller, 2021, p. 21).
30 août 40 : Un accord est conclu entre Charles Arsène-Henry (ambassadeur de France à Tokyo) et le ministre des affaires étrangères nippon Yosuke Matsuoka. Une convention doit être signée à Hanoï (Zeller, 2021, p. 21). Dans un échange de lettres, le gouvernement japonais reconnaît les « droits et intérêts de la France en Extrême-Orient, particulièrement l’intégrité territoriale de l’Indochine et la souveraineté de la France sur la surface entière de l’Union indochinoise. » En échange, le Japon exige la tenue de négociations et une déférence à son égard des autorités françaises en Indochine (Toinet, 1998, pp. 44-45). De son côté, le gouvernement de Vichy reconnaît la « position prééminente » du Japon en Extrême-Orient et lui accorde des facilités de transit par le Tonkin. Un accord militaire doit être signé entre les deux parties mais les Français, pris à la gorge, vont laisser traîner volontairement les choses. L’occupation japonaise n’empêche pas les rouages administratifs français de fonctionner. L’occupant connaît les charges et difficultés liées aux territoires conquis (résistance) et s’adapte. Il ne peut occuper toute l’Indochine faute d’effectifs suffisants (voir 22 et 34 septembre) et cherche donc à obtenir une occupation « peu coûteuse » (Franchini 1, 1988, p. 162). Gras voit à juste titre dans cette présence japonaise moins « une occupation militaire » qu’« un stationnement opérationnel » permettant aux nippons de mener leurs opérations militaires à partir de l’Indochine (voir 23 juillet) (Gras, 1979, p. 15 ; Toinet, 1998, pp. 45-46).
31 août 40 : L’amiral Decoux câble au ministère des Colonies : « J’estime que le débarquement prétendu pacifique de ces troupes détruirait la seule chance qui nous reste de sauver la colonie et je persiste à penser que si nous devons courir le risque de perdre l’Indochine, il vaut la perdre en la défendant qu’en la trahissant. » (cité in Cadeau, 2019, p. 64)