Ély Paul (général) : Né en 1897 à Salonique où son père était directeur de la poste française. S’engage en 1915 au 46e R.I. Peloton d’aspirants en 1916. Admis à Saint-Cyr en 1919. Stagiaire à l’École de Guerre en 1928. Capitaine en 1930. Grièvement blessé en 1940 comme officier d’état-major. Commande en 1941 le 10e bataillon de Chasseurs. Décoré de la Francisque après que ce bataillon ait été chargé de la Garde d’Honneur à Vichy. S’engage dans l’Organisation de la Résistance armée (O.R.A.) en 1942. Chef-adjoint de la zone Sud. Envoyé à Londres le 4 février 1944, jour même où sa femme est arrêtée puis déportée. Il tente sans succès de convaincre De Gaulle du double jeu de Pétain. Promu général en 1945 et directeur de cabinet d’Edmond Michelet (ministre de la Défense). Chef d’état-major de De Lattre.
Chef d’état-major général de la Défense nationale en 1949. Général d’Armée en 1953. Commissaire général et commandant en chef en Indochine de juin 1954 à juin 1955, il remplace le général Guillaume en février 1956 au poste de Chef d’état-major général des Forces armées.
Nommé Chef d’état-major général des Forces armées en octobre 1953, Ély se trouve immédiatement confronté au problème de l’Indochine et au plan ambitieux du général Navarre qui vise à la fois à contrer l’offensive vietminh vers le Laos et développer les armées nationales qui seront chargées de pacifier le pays.
Il accompagne Pleven (ministre de la Défense) en Indochine du 7 au 28 février 1954, se rend à Dien Bien Phu dont il apprécie la solidité des défenses mais demeure réservé sur cette initiative de Navarre qui est en limite du rayon d’action de l’aviation qui plus est, critiquée par Cogny, commandant les Forces terrestres du Nord-Vietnam. Au moment de la chute de Dien Bien Phu, il est envoyé aux États-Unis pour obtenir un soutien de l’aviation américaine en intervenant auprès de l’amiral Radford. Il obtient un accord conditionnel d’Eisenhower et Foster Dulles. Le plan d’intervention de l’aviation américaine sur Dien Bien Phu échoue (opposition des Britanniques et réticences des Américains).
Pendant la bataille de Dien Bien Phu, un Comité de guerre est créé à Paris à l’instigation d’Ély qui déplore la dispersion des décisions entre plusieurs ministres. Les moyens de renforcer le camp retranché sont examinés par le gouvernement Laniel. L’opération Vautour de bombardement américain ayant été abandonnée, on étudie une opération terrestre de secours (Condor) puis une sortie de la garnison assiégée vers le Laos (Albatros). Elles n’aboutiront pas.
Alors que la conférence internationale de Genève a débuté et que la défaite est envisagée à Dien Bien Phu, le Comité de Défense nationale propose le 15 mai 1954 la constitution de trois divisions légères (constituées d’appelés) en vue d’une rétraction du dispositif sur le « Tonkin utile ». Ély repart le 18 mai pour Saïgon et fait le point de la situation avec Navarre et Cogny. Le 25 mai, il est de retour à Paris et rend compte au gouvernement. Il est nommé le 3 juin commissaire général et commandant en chef. Il est à Saïgon le 8 juin, charge Salan des problèmes militaires, prend contact avec les autorités vietnamiennes et rend compte à Georges Bidault de la situation inquiétante au Nord-Vietnam.
Le 18 juin, Ély revient à Paris pour rencontrer Mendès France investi le même jour. Il rencontre Koenig, nouveau ministre de la Défense, ainsi que Bao Daï et Diem, futur Premier ministre du Sud. Le Comité de Défense nationale du 28 juin décide l’envoi du contingent, une loi sera soumise au Parlement en ce sens. Le même jour, de Paris, Ély fait déclencher l’opération Auvergne de rétraction du dispositif au Tonkin. Grâce à Cogny et Vanuxem, cette opération est un succès, elle surprend le VM qui subit de lourdes pertes. Elle permet, en outre, d’évacuer la zone des Évêchés.
Pendant les négociations de Genève, plusieurs messages sont échangés entre Ély et Mendès-France. Il demande l’avis du commandant en chef sur les délais d’évacuation du Nord-Vietnam et sur la constitution de la ligne de séparation entre le Nord et le Sud. Le Vietminh proposait initialement le 14e parallèle et la France le 18e. Le 20 juillet, Mendès demande à Ély son accord sur les clauses militaires et politiques des accords de Genève, et c’est au nom du commandant en chef que les accords sont signés le 21 juillet.
Ces accords comportent le cessez-le-feu dans les 15 jours, la démarcation au niveau du 17e parallèle (avec conservation de Tourane et Hué), l’évacuation de Hanoï dans un délai de 10 mois, l’échange des prisonniers et le libre choix des populations en attendant des élections générales dans un délai d’un an ou deux. Avec l’appui des Anglo-Saxons, c’est au dire d’Ély le meilleur accord que l’on puisse espérer après la défaite de Dien Bien Phu.
Un million de réfugiés, surtout catholiques ou membres des minorités, sont à évacuer. Malgré les obstacles opposés par le Vietminh, le déplacement et l’hébergement de ces populations furent menés à bien par Gambiez et Cogny, avec le soutien financier des Américains, d’officiers et d’administrateurs et de l’Église.
Ély se trouve alors confronté à trois séries de difficultés politiques, de la part des gouvernements français, vietnamien et américain. La première est la désignation de Sainteny comme délégué général au N-V, ce qui laisse supposer que la France s’oriente vers une politique d’équilibre entre le Nord et le Sud, alors que tout devrait être fait pour promouvoir un gouvernement démocratique au Sud et gagner les élections. Ély va à Paris, rencontre Mendès France et Sainteny et fait, le 31 août 1954, une déclaration à France-Presse indiquant que la France ne reconnaît qu’un gouvernement, celui du Sud.
Avec Diem les relations sont difficiles. Dans un pays en pleine anarchie, seules les Sectes sont organisées. Alors qu’Ély souhaiterait un gouvernement d’union nationale, sous l’arbitrage de Bao Daï, Diem veut éliminer les sectes. En avril-mai 1955, il attaque les positions des Bin Xuyen et constitue des maquis anti-gouvernementaux.
Dans cette situation, Ély recherche le soutien des Américains. Il entretient progressivement de bonnes relations avec le général Collins, chef de Mission sans liberté d’action. Ély se rend à Washington, où Bedell Smith (sous-secrétaire d’État) accepte que le soutien américain à Diem soit assorti de la coopération avec tous les Vietnamiens.
Fin octobre 1954, Eisenhower promet un soutien à Diem. En mai 1955, les conversations franco-américaines de Paris aboutissent à une politique de compromis qu’Ély réfute. « Il faut un homme nouveau », dit-il et quitte Saïgon le 2 juin 1955.
Dans ses mémoires (cf. bibliographie), Ély porte un jugement sur la politique de la France, confrontée à une guerre révolutionnaire dans laquelle il aurait fallu soutenir les nationalistes modérés plutôt que de s’attacher inutilement à la fiction de l’Empire français. Il a joué un rôle politique et militaire éminent, tant en recherchant l’appui des Américains pour sauver Dien Bien Phu qu’en tentant d’établir une démocratie au Vietnam. La mission reçue était celle du sacrifice que certains lui reprocheront bien qu’il s’en soit acquitté au mieux. Il est à l'origine d'un important rapport sur les « enseignements de la guerre d'Indochine » (cf. bibliographie).