Dernière modification le il y a 2 semaines
par Jean-François Jagielski

Navarre Henri (général)

Version datée du 20 novembre 2025 à 15:10 par Jean-François Jagielski (discussion | contributions) (Page créée avec « '''Navarre  Henri (général) :''' Saint-Cyrien et cavalier, spécialiste du renseignement durant la SGM en Afrique du Nord. Général de brigade en 1945, il est nommé général de corps d’armée en 1952. Avant son arrivée en Indochine, le général Juin l’a nommé chef d’état-major des forces Centre-Europe. Rien donc dans sa carrière ne le prédispose à prendre le commandement du C.E.F.E.O. à la suite du général Salan le 8 mai 1953. Navarre ne pr... »)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)

Navarre  Henri (général) : Saint-Cyrien et cavalier, spécialiste du renseignement durant la SGM en Afrique du Nord. Général de brigade en 1945, il est nommé général de corps d’armée en 1952. Avant son arrivée en Indochine, le général Juin l’a nommé chef d’état-major des forces Centre-Europe.

Rien donc dans sa carrière ne le prédispose à prendre le commandement du C.E.F.E.O. à la suite du général Salan le 8 mai 1953. Navarre ne prend en fait ce poste qu’à contrecœur. Mayer l’a désigné pour liquider le conflit et lui a confié : « Cette guerre traîne. On reste là-bas trop attaché à des questions territoriales et coloniales. Il faut en finir en trouvant une solution à ce problème qui pompe nos finances, oppose les partis politiques, et crée un mauvais climat à l’Assemblée. Il va falloir couper, à vous de voir et de m’en rendre compte. » (cité in Salan 2, 1971, pp. 407-408) Le général Gras ne voit pas en lui un « baroudeur ou entraîneur d’hommes » mais « un technicien froid d’état-major » qui, contrairement à son prédécesseur, ne connaît strictement rien de l’Indochine. Il a d’ailleurs été choisi pour cette raison. Navarre en est conscient et le fait savoir lors d’un entretien avec le président du Conseil René Mayer : « Rien, dans ma carrière, ne me désignais pour ce poste. Je n’avais jamais servi en Extrême-Orient, et ne connaissais du problème indochinois que ce qu’en savait tout Français à peu près informé. »  Pour autant, Mayer fait comprendre à son interlocuteur qu’il veut  un homme nouveau qui regarderait les problèmes « avec des yeux neufs. » On lui demande simplement de trouver « une sortie honorable » au conflit  indochinois, mais sans d’ailleurs vraiment savoir laquelle (Navarre, 1956, p. 2). Il part donc sans la moindre directive gouvernementale ignorant de plus que le gouvernement Mayer va devoir céder la place à celui de Joseph Laniel au moment même de sa prise de commandement.

Arrivé sur place, il est confronté à un vide causé par le départ de Salan et de son état-major constitué de bons connaisseurs de l’Indochine. Il doit notamment remplacer De Linarès au poste-clé de commandant du Tonkin et choisit, selon ses termes, « faute d’autre candidat possible » le général Cogny « qui, depuis plusieurs mois, commandait la Zone Nord du Delta »  (Navarre, 1956, p. 6).  Il constate rapidement que le corps expéditionnaire s’épuise dans des tâches de pacification qui l’oblige à mobiliser l’immense majorité de ses troupes à tenir des postes statiques. L’armée vietnamienne en qui il fonde ses espoirs renâcle à accomplir cette tâche. Il ne dispose donc que peu de troupes capables d’effectuer des opérations offensives et sait d’entrée que la métropole ne lui enverra que peu de renforts et tout aussi peu de moyens. Tout en en tentant d’augmenter son nombre de G.M. qui passeront sous son commandement de 7 à 18, il se voit donc contraint à devoir poursuivre la tactique des « hérissons » de son prédécesseur, par ailleurs tant décriée par Paris.

Le 2 juillet, il se rend dans la capitale française pour présenter au gouvernement ce que l’on nomme alors le « plan Navarre » (carte in Navarre, 1956, p. 83). Le Conseil de Défense du 24 juillet, indécis, ne l’adoptera qu’en décembre et sans grande conviction. Dans les faits, Navarre est assez pessimiste. Il lui faut : éviter la bataille générale au nord du 18e parallèle pendant la campagne 1953-1954 en gardant une attitude défensive pour constituer des forces mobiles ; assainir le Sud et le Centre par des opérations ponctuelles ; à partir de l’automne 1954, une fois les forces reconstituées, prendre l’offensive au nord de ce même parallèle. Au mieux, Navarre espère-t-il donc un « coup nul » (Fall, 1967, p. 147). Sur le plan opérationnel, Navarre, tout comme son prédécesseur, identifie une menace sur le Laos que le gouvernement Laniel perçoit mal. Ce dernier met de plus une pression sur le nouveau commandant en chef lors de la conférence de Berlin (25 janvier-18 février 1954) qui annonce celle de Genève où l’on entend régler le sort de la Corée et de l’Indochine. Il faut donc pouvoir négocier mais en position de force.

Dès la fin novembre 1953, Navarre concentre donc ses forces en tentant de barrer la route du Laos au VM en renforçant le camp retranché de Dien Bien Phu dont il espère une bonne tenue comparable à celle de Na San. Giap décide alors de lâcher le delta et de concentrer le gros de ses troupes pour cerner et détruire cette nouvelle base aéroterrestre. Navarre, sceptique et mesurant mal la détermination et l’immense effort logistique dont le VM saura faire preuve, comprend mal cette manœuvre et disperse ses troupes en déclenchant l’opération Atlante dans le Centre-Annam le 20 janvier 1954. Or dès la fin décembre 1953, Dien Bien Phu est cerné et seul un pont aérien peut encore ravitailler la base. Son avenir dépendra donc du maintien de la piste d’atterrissage dont l’anéantissement devient l’objectif majeur de Giap et ce, dès le tout début de la bataille. Cette piste sera mise hors d’état le 11 mars et les collines qui constituent les points d’appui défensifs de la base tomberont les uns après les autres jusqu’au 7 mai.

Navarre est tenu responsable de cette défaite cuisante qui marque les prémices de la fin de la présence de la France en Indochine. Il doit quitter ses fonctions. S’estimant être le seul bouc-émissaire, il demande et obtient laborieusement la création d’une commission d’enquête que le gouvernement Mendès France lui refuse dans un premier temps. Menaçant de révéler publiquement les carences gouvernementales, elle ne rendra finalement ses conclusions qu’en décembre 1955. Navarre et Cogny, son adjoint, sont épinglés pour leurs erreurs. Commandant en chef, Navarre est naturellement le plus mis en cause. Quant aux réelles carences du pouvoir politique, elles sont gommées de cette enquête à caractère purement militaire. Le pouvoir politique décidant d’étouffer cette affaire gênante décide d’ailleurs que les conclusions ne seront pas rendues publiques. Navarre ne sera même pas destinataire du rapport, d’où la démission de l’armée de l’intéressé le 12 octobre 1956. Une nouvelle polémique renaîtra entre Navarre, son adjoint et le pouvoir politique à l’occasion de la publication en 1956 de l’ouvrage incisif de l’ancien commandant en chef intitulé Agonie d’Indochine (1953-1954).

💬 Commentaires

Chargement en cours...