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par Jean-François Jagielski

Mars 1975

1er mars 75 : Seconde attaque des N-V sur Ban Me Thuot qui s’emparent progressivement de la ville et de sa région.

Le général s-v Pham Van Phu déclenche une attaque s-v contre le quartier général n-v situé aux abords de Pleiku. Il prépare un assaut général contre cette ville mais le général Van Tien Dung (commandant en chef n-v) lui coupe la route en attaquant d’abord Ban Me Thuot dont il isole la garnison de faible effectif. Trois divisions n-v (320, 316 et 10) marchent sur la ville et y entrent facilement avec leurs chars comme cela avait été le cas à Phuoc Long. Les S-V ne peuvent leur opposer que leur 23e division et 6 groupes de rangers. De nombreux soldats s-v s’enfuient avec leurs familles vivant dans la garnison et se dirigent alors vers la cote. C’est l’amorce d’un exode massif des S-V vers le littoral, militaires et civils confondus, dans une parfaite confusion.


4 mars 75 : La ville de Pleiku qui aurait dû être libérée est désormais directement menacée par les N-V.

Avant même d’avoir pris le pouvoir, les KR règlent avec les Vietnamiens leurs contentieux frontaliers en occupant l’île de Phu Quoc dans le golfe du Siam, c’est l’amorce d’un long conflit frontalier (Richer, 2009, p. 62).


5 mars 75 : Les N-V étendent leur offensive et attaquent les montagnes du Centre sans rencontrer de véritable résistance.


7 mars 75 : A Saigon, la C.I.A. (Snepp) analyse mal la situation militaire dans la zone des Hauts-Plateaux faute de renseignements : la division n-v 320 est en train de glisser de Pleiku vers Ban Me Thuot. Le général s-v Pham Van Phu est lui-même totalement égaré par le fait que trois localités peuvent être attaquées : Pleiku, Kontum et Ban Me Thuot.

Un sondage Gallup montre que 78 % des Américains sont opposés à toute aide financière supplémentaire au S-V ou au Cambodge (Todd, 1987, p. 159). Pour l’opinion publique américaine, l’heure est au retrait.


9 mars 75 : Le général Van Tien Dung (commandant en chef) prévient le Politburo d’Hanoi et Giap (ministre de la Défense) que l’attaque principale se portera sur Ban Me Thuot le 10 mars (Todd, 1987, p. 146).


10 mars 75 : Les troupes n-v sous les ordres du commandant en chef Van Tien Dung déploient 4 divisions dans le centre du S-V. En face de lui, le général s-v Pham Van Phu, commandant de la 2e région militaire, sait qu’il a peu de chance de résister face à un déploiement de troupes supérieur aux siennes : seuls 1 200 hommes défendent Ban Me Thuot. Après la coupure de la route 14 qui relie la ville à Pleiku, c’est le début d’un pseudo siège de la capitale provinciale de Ban Me Thuot qui, en fait, tombe le soir même vers 17 h 30 (Burns Sigler, 1992, p. 134).

Après la récente visite catastrophique de membres du Congrès au S-V (voir fin février), William Colby, directeur de la C.I.A., déclare aux membres du Congrès : « Je doute que le Cambodge puisse survivre, même avec une aide additionnelle. » (Todd, 1987, pp. 160-161)


11 mars 75 : Thieu fait retirer ses troupes du Nord pour mieux défendre le Sud, et notamment Saigon. Cette décision prise à l’emporte-pièce provoque un effet de panique et sape le moral des troupes s-v qui est déjà très bas.


11 - 12 mars 75 : Van Tien Dung (commandant en chef) informe le Politburo à Hanoi qu’il entend non seulement garder Ban Me Thuot mais également étendre ses opérations au nord-est de la province de Pleiku. Il envisage d’isoler Pleiku et Kontum afin de s’emparer des hauts plateaux occidentaux en contrôlant ainsi les voies de communication des autres villes clés.

Il s’agit donc de la mise en place d’une offensive généralisée et d’une modification radicale des plans stratégiques conçus jusqu’alors (voir 18 décembre) avec désormais un espoir de victoire rapide. Le Duan convainc les membres du parti de la nécessité d’une vaste offensive qu’il déclare dans l’immédiat limitée mais pleine de perspectives. Le comité militaire valide cette décision (Snepp, 1979, pp. 154-155).


12 mars 75 : La défense de Saigon étant faible (3 divisions et 2 brigades fraîchement constituées face à 6 divisions n-v), Thieu ordonne au général Truong (commandant la 1ère région militaire) stationné à Da Nang d’envoyer une division aéroportée vers la capitale (Snepp, 1979, p. 151). Cet ordre lui interdit donc d’organiser correctement sa défense sur place et ajoute de la confusion à la confusion.

Thieu convoque le président de la Chambre des députés Nguyen Ba Can et demande la convocation de l’état d’urgence pour provoquer un électrochoc dans la population. Le président manifeste la volonté de se rendre au Q.G. de la 2e région militaire à Pleiku défendue par le général Pham Van Phu mais le secteur est déjà encerclé et défendu par une puissante D.C.A. On l’en dissuade pour des raisons de sécurité. Il se rendra finalement à Cam Ranh (voir 14 mars) (Tood, 1987, p. 153).

Face à la menace n-v, le consul américain de Quang Duc reçoit l’ordre de quitter son poste (Snepp, 1979, p. 156).

A la chambre des Représentants, une motion démocrate se déclarant opposée à « toute autre assistance militaire au Vietnam et au Cambodge pour l’année 1975 » est adoptée par 189 voix contre 49 (Todd, 1987, pp. 161-162).


13 mars 75 : Lors d’un C.N.S., après un mois d’hésitation, Thieu se décide à se débarrasser de certaines parties des 1ère et 2e régions militaires afin de renforcer la défense de Saigon selon une stratégie qu’il nomme celle du « camp retranché ». Il envisage en même temps de reprendre Ban Me Thuot qui donne accès par l’ouest à Saigon mais la dispersion de ses troupes s-v le lui interdit. Il faut donc également abandonner Pleiku et Kontum (Snepp, 1979, p. 151). Alors qu’il faudrait se porter au Nord, Thieu entre dans une période de tergiversations décisionnelles qui va nuire à la défense des 1ère et 2e régions militaires qu’il perdra l’une après l’autre en se focalisant uniquement sur la défense de Saigon.

À Pleiku, les fonctionnaires du consulat américain quittent à leur tour leurs locaux (Snepp, 1979, p. 157).

A Phnom Penh, les autorités françaises, « en accord avec le G.R.U.N.K. », décident de fermer l’ambassade. Une partie du personnel diplomatique et certains ressortissants français seront évacués par avions militaires le 17. A cette époque, il n’y ait déjà plus d’ambassadeur français au Cambodge du fait de la rupture des relations diplomatique entre la France et le gouvernement de Lon Lol en 1970, juste après le coup d’état contre Sihanouk. Il n’y a donc qu’une simple représentation consulaire à Phnom Penh. L’ambassade est alors dirigée par le vice-consul Jean Dyrac et un personnel très restreint : 2 gendarmes, un représentant du S.C.E.C.E., 2 secrétaires, un militaire et un chiffreur. Elle ne fermera pas et sera d’ailleurs la seule à demeurer en fonction après l’arrivée des KR jusqu’à son évacuation complète le 6 mai (Meslin, 2020, p. 27 ; Le Monde du 16 janvier 2007).


14 mars 75 : Thieu se rend en avion dans l’ancienne base aéroportuaire américaine de Cam Ranh située au sud de Da Nang pour rencontrer le commandant de la 2e région militaire, le général Pham Van Phu, et lui exposer sa tactique du « camp retranché » de Saigon. Phu, un protégé de Thieu peu compétent, dresse un tableau sombre de la situation : les axes routiers sont coupés, Ban Me Thuot est tombée, Pleiku est assiégée et de nouvelles divisions n-v surgissent de partout. Mais il pense pouvoir tenir entre 4 à 6 semaines avec un soutien aérien et du ravitaillement. Thieu ne peut rien lui promettre car il n’y a guère de réserves et la moitié de la flotte des 130 hélicoptères n’est pas opérationnelle, faute de pièces de rechange. Il faut donc amorcer un repli vers Saigon.

Or deux axes principaux menant vers la 3e région militaire, les routes 19 et 14, sont coupées. Il ne reste que la route 7 B dans la province de Phu Bon, « une route de bûcherons » d’une longueur de 200 km dont on ne sait trop si elle est praticable et qui ne résistera ni aux engins militaires ni au flot imprévu de réfugiés. Les décisions sont prises là encore par Thieu à l’emporte-pièce et manquent de clarté et de discernement : on n’évoque pas la date précise pour l’évacuation, on ignore le potentiel des forces s-v engagées à Pleiku et Kontum, deux villes clés abandonnées à leur sort et dont les garnisons ne doivent pas être mises au courant de ce repli (Snepp, 1979, pp. 158-159 ; Todd, 1987, pp. 153-155).

Le consul général américain, Moncrief Spear, et son équipe de Pleiku apprennent par les S-V que la principale voie d’accès vers le Sud est coupée et que des milliers de réfugiés se dirigent vers le littoral par des voies secondaires chaotiques (Snepp, 1979, p. 157). Il doit donc à son tour évacuer son personnel.


15 mars 75 : Le général s-v Pham Van Phu (commandant de la 2e région militaire) quitte son P.C. de Pleiku et part par avion pour Nha Trang. C’est en fait une désertion masquée sous prétexte d’aller organiser la défense à l’Ouest. Ses subordonnés, dépités, décident de ne plus respecter ses ordres (Snepp, 1979, p. 161). Pleiku est d’ailleurs sur le point d’être prise. Les quartiers nord et ouest de la ville sont déjà tenus par les N-V.

Ordre est donné d’évacuer le consulat de Pleiku et le personnel de la C.I.A. L’évacuation se fait dans la précipitation et la confusion (Snepp, 1979, p. 162).

L’ambassadeur Martin, absent pour cause de repos en Caroline du Nord suite à une intervention chirurgicale, est mis au courant de la gravité de la situation par le secrétaire à la Défense Schlesinger. Imperturbable optimiste, il lui déclare : « Cela fait longtemps que Phu projette de retirer une partie de l’état-major des Hauts Plateaux. Ce n’est rien d’autre. » (cité in Snepp, 1979, p. 162) Malgré les rapports alarmistes qu’il reçoit, il pense que les S-V tiendront au Sud étant enfin débarrassés des régions septentrionales du S-V jugées par lui comme économiquement improductives. Ce point de vue, pour le moins optimiste, est partagé par certains militaires américains et par Colby lui-même (directeur de la C.I.A.) (Snepp, 1979, pp. 189-190).

Aux États-Unis, la commission sénatoriale des Affaires étrangères vote à 9 voix contre 7 une aide de 82 millions de dollars pour la Cambodge. Cependant toute aide militaire devra cesser pour le 30 juin (Todd, 1987, pp. 162-163). C’est une aide assez dérisoire au vu de la situation catastrophique qui se profile.

Le général Pham Van Phu (commandant de la 2e région militaire) a élaboré bien trop tardif plan de repli de Pleiku qui doit s’échelonner du 16 au 19 mars. À Saigon, le premier ministre Khiem se plaint de n’avoir pas été mis au courant de cette décision. Seuls Thieu et le chef d’état-major Vien sont au courant. Le tout début du repli des troupes s-v se déroule relativement bien mais les choses se compliqueront sur la route 7 B dont l’état de viabilité n’a pas été vérifié avec sérieux (Todd, 1987, pp. 167-169 ; carte de cette route p. 170).

L’ambassade de France à Phnom Penh commence à évacuer une partie de son personnel, des personnalités cambodgiennes et des diplomates étrangers par avion vers Bangkok. Un deuxième contingent partira le 30 puis un troisième début avril (Affonço, 2005, p. 34).


16 mars 75 : Le général n-v Van Tien Dung (commandant en chef) apprend que Pham Van Phu (commandant de la 2e région militaire s-v) s’est honteusement réfugié à Nha Trang. Il apprend également par le biais de la délégation hongroise de la C.I.C. que les S-V ont lâché les Hauts Plateaux. Il reproche à ses subordonnés de ne pas avoir anticipé cette retraite et en veut particulièrement au général Kim Tuan, commandant de la 320e division, qu’il avait questionné auparavant sur le caractère praticable de la route 7 B. Ce dernier lui avait pourtant répondu qu’elle ne l’était pas (Snepp, 1979, p. 169).

Les N-V interceptent des messages radio d’aviateurs s-v quittant Pleiku dont l’aéroport n’a pas encore été bombardé. Ils constatent que ces avions ne reviennent pas à leur base de départ. Le général Dung apprend également que les Américains ont quitté la ville. Autant d’indices qui prouvent que la ville ne se transformera pas en camp retranché (Todd, 1987, pp. 169-171).


Nuit du 16 au 17 mars : Après une erreur d’analyse de son commandant (voir 16 mars), la division n-v 320 fonce en direction de la route 7 B pour couper la retraite des S-V (Todd, 1987, p. 172).


17 mars 75 : Pleiku et Kontum sont abandonnées sans combat par les forces s-v. D’importants dépôts de matériel, de munitions et d’armes sont laissés sur place. La fuite des civils de Pleiku et Kontum vers la cote par la route 7 B d’une viabilité incertaine et dont certains ponts ont été détruits provoque d’immenses embouteillages qui gênent l’action des troupes s-v. Les hélicoptères sont cloués au sol, souvent faute de pièces de rechange et/ou de carburant. Ce repli ne servira à rien car les troupes en déroute mêlées aux civils sont attaquées et réduites à presque rien au fur et à mesure de leur recul.

A Phnom Penh, suite à la décision des autorités françaises du 13 et sur demande G.R.U.N.K., évacuation d’une partie du personnel diplomatique et de ressortissants français de l’ambassade au moyen de deux avions militaires. Selon Meslin, « en fait, Les Khmers rouges tiraient des salves d’obus d’intimidation, mais pas sur la piste et les avions. » (Meslin, 2020, p. 28)


18 mars 75 : Les directives données aux armées n-v leur ordonnent de marcher sur Saigon après avoir sécurisé la route côtière n° 1. Les chars et l’infanterie n-v traversent la D.M.Z. Les unités qui ont pris Ban Me Thuot envahissent sans presque combattre la totalité de la région des Hauts-Plateaux et atteignent rapidement la côte vers Qhui Nhon-Nha Trang.

Le commandant n-v de la 320e division, Kim Tuan, mis en cause par Duong (voir 16 avril), prend la ville de Cheo Reo sur la route 7 B et coupe ainsi la colonne s-v venue des Hauts Plateaux en repli vers la côte (Snepp, 1979, p. 170).

Le premier ministre s-v Khiem et des membres son équipe s’envolent vers les 1ère et 2e régions militaires pour faire un rapport sur les progrès du « camp retranché » de Saigon. Rien n’avance. Le général Phu, replié à Nha Trang dans son nouveau Q.G. totalement désorganisé de la 2e région militaire, a perdu toute capacité de commandement. Il « commande » d’ailleurs un 2e corps qui n’existe quasiment plus que sur le papier.

La situation à Da Nang est toute aussi catastrophique. À son retour, Khiem conseille à Thieu d’abandonner Hué pour défendre la ville et de remplacer Phu. Thieu refuse (Snepp, 1979, pp. 173-174 ; Tood, 1987, p. 179).

À l’ouest, la ville d’An Loc située dans la 3e région militaire s-v est abandonnée laissant ainsi la voie libre aux troupes n-v pour s’en prendre à Tay Ninh (Snepp, 1979, p. 172).


19 mars 75 : Dans la 1ère région militaire, 150 000 habitants de Quang Tri et de sa région refluent sur Hué par la route n° 1. Leur arrivée dans la ville provoque un vent de panique (Snepp, 1979, p. 172).

Thieu réunit Khiem (premier ministre), le général Vien (chef d’état-major) et le général Quang (conseiller à la Sécurité) ainsi que Tran Van Huong (vice-président). Le général Truong commandant la 1ère région est également convoqué. Il évoque des enclaves de résitance et pense pouvoir tenir Hué et Da Nang. Après s’être rendu à Da Nang, il apprendra que Hué n’est plus défendable et que ses espoirs sont donc vains (Tood, 1987, p. 179).

L’adjoint de l’ambassadeur américain à Saigon qui assure son intérim, Wolfgand  Lehman, apprend que Thieu doit s’adresser à la nation. Ce dernier l’informe que le gouvernement a décidé de lâcher Quang Tri et très probablement Hué d’où les unités de chars s-v se replient. Le projet de contre-offensive s-v sur Ban Me Thuot n’est donc plus d’actualité. Lehman envoie son attaché militaire, le général Homer Smith, prendre la température au Q.G. des forces vietnamiennes à Saigon. Les officiers d’état-major sont mécontents de la précipitation avec laquelle les forces s-v ont lâché Pleiku et Kontum où l’on a détruit ou abandonné trop de munitions et de matériel. Ils déplorent également le lâchage des Américains (Todd, 1987, pp. 179-180).


20 mars 75 : La tête de la colonne de repli de la route 7 B est bloquée au niveau du guet de la rivière Ba. On attend l’arrivée par hélicoptères de plaques métalliques qui permettraient de la franchir. La demande de soutien aérien tourne au fiasco : les pilotes s-v se trompent d’objectifs et bombardent leurs propres troupes (Todd, 1987, p. 174).

Deux divisions s-v ont été rassemblées pour la défense de Tay Ninh que Thieu veut garder à tout prix. Mais il refuse pour autant de déplacer des renforts issus du Delta (Snepp, 1979, p. 151).

À Hanoi, le Politburo et le Comité militaire central donnent le feu vert au commandant en chef Van Tien Dung pour poursuivre son offensive avec la plus grande célérité : il faut empêcher Thieu de contracter sa défense sur Saigon (Todd, 1987, p. 181).

Après avoir rencontré Thieu, le général Truong, commandant le 1er Corps et la 1ère région militaire, se rend de son Q.G. situé à Da Nang pour Hué. Les chars n-v sont à une cinquantaine de kilomètres au nord de l’ancienne capitale impériale. Truong reçoit des ordres contradictoires : il est chargé de préparer la défense de la ville mais également d’évacuer sur Da Nang le matériel lourd assurant la défense de Hué… À 13 h 30, il entend le discours de Thieu qui annonce sa décision de tenir la ville. Mais, au retour à son Q.G., il reçoit un câble signé de Vien qui lui indique tout le contraire… Cette confusion fera naître une polémique entre Thieu, Vien et Truong sur leur responsabilité dans l’ordre d’évacuation de la ville. Polémique stérile puisque Thieu en porte la seule responsabilité (Todd, 1987, p. 186).


21 mars 75 : Au Cambodge, mise en place du gouvernement Long Boret 3 qui demeurera jusqu’au 12 avril (Jennar, 1995, p. 167).


21 – 25 mars 75 : Sur la route 7 B, les unités de rangers s-v parviennent tant bien que mal à repousser les attaques n-v. Bien que la colonne soit tronçonnée, les rangers parviennent à contre-attaquer et leur avant-garde atteint Tuy Hoa le 25. 60 000 des 200 000 civils atteignent la cote mais les pertes militaires sont très lourdes : seuls 5 000 hommes de ce qui constituait le 2e corps sont parvenus pour l’instant à atteindre la cote (Todd, 1987, p. 175).


22 mars 75 : Les N-V coupent la route n° 1 près de Phu Loc interdisant ainsi tout repli vers le sud en provenance de Hué. Ce qui reste de la 1ère division s-v ne peut donc se replier sur Da Nang comme prévu. Des milliers de civils déferlent sur la côte et prennent d’assaut les bateaux venus théoriquement pour embarquer troupes et matériels. Le même scénario va se reproduire à Da Nang pour la 2e division en déliquescence : les soldats pensent alors plus à sauver leurs familles qu’à de mener le combat (Snepp, 1979, p. 184).

Au cours d’un dîner diplomatique donné à Hanoi, le premier ministre n-v Pham Van Dong sollicite l’ambassadeur français Philippe Richer pour donner un rôle à la France dans la situation au S-V. On évoque l’idée d’une « troisième force » pour se débarrasser de Thieu (Todd, 1987, p. 185).


23 mars 75 : Thieu reçoit un courrier de Gerald Ford. Ce dernier, après avoir rappelé le soutien des U.S.A. à la cause s-v, ne lui promet rien d’autre qu’une aide matérielle. Dans sa réponse du 25, Thieu rappellera que les S-V ont signé les accords de Paris non parce qu’ils croyaient aux engagements n-v mais parce qu’ils tablaient sur l’engagement des États-Unis promis par Nixon et Kissinger et dont Ford est le continuateur. Il demande donc au président américain « d’ordonner un bombardement aérien bref mais intensif de B-52 contre les concentrations et les bases logistiques de l’ennemi au Sud-Vietnam. » Aucune réponse américaine ne sera jamais donnée à ce courrier (Todd, 1987, pp. 188-189).


24 mars 75 : Hué est pilonnée par l’artillerie n-v. Le général s-v Truong, commandant de la 1ère région militaire, donne finalement l’ordre d’évacuer la ville.

La 147e brigade de marines s-v et des éléments de la 1ère division du général Truong progressent vers la péninsule de Vinh en vue d’une évacuation de l’ancienne capitale. Mais ils y sont rattrapés par un flot de réfugiés. Ces derniers sont pris à partie par les militaires. Un pont en construction est pilonné par l’artillerie n-v. Le général américain Homer Smith du Defense Attache Office à Saigon organise des convois de bateaux pour récupérer ce qu’il reste des troupes de la 1ère région militaire. Pour contourner l’amendement du Congrès, on n’utilise que des embarcations civiles (Snepp, 1979, pp. 187-188).

Les dirigeants d’Hanoï transmettent au général Van Tien Dung (commandant en chef) leur intention de voir libérer Saigon avant la saison des pluies qui commence en mai. Il faut prendre la ville avant que les troupes s-v se regroupent (Snepp, 1979, p. 188).


25 mars 75 : Hué tombe. Les troupes de la 1ère division se précipitent en désordre complet vers les plages avec leurs familles. Le général Truong demande l’autorisation d’abandonner la ville. Le drapeau du G.R.P. flottera sur la citadelle dès le 26. Le repli des troupes de l’ancienne capitale impériale sur Da Nang est minime : seuls un régiment et 600 marines y parviennent avec leurs armes.

Da Nang, seconde ville du S-V, est à son tour frappée par des roquettes n-v. Un vent de panique souffle sur une cité surpeuplée par l’afflux de réfugiés (deux millions d’habitants). Contrairement à Hué, la ville possède deux ports en eau profonde permettant des évacuations directes et trois aéroports (Snepp, 1979, p. 193 ; Todd, 1987, p. 203). Les mouvements de panique d’une armée en déroute et de civils aux abois gommeront ces avantages.

Lors d’un conseil des ministres, masquant la réalité d’une situation militaire devenue catastrophique, Thieu entend cependant remanier le gouvernement… Khiem réagit et oblige le président à revenir sur la situation militaire plus que préoccupante. Thieu ne veut désormais plus reculer : il faut créer des enclaves dans la 1ère région militaire (à Da Nang, prête à tomber !) et dans la seconde région, sur une ligne allant de Qui Nhon-nord à Nha Trang-nord jusque Dalat. Le président s-v prononce le soir même une tardive allocution de fermeté (Todd, 1987, pp. 182-183).

Gerald Ford et Kissinger accueillent à Washington une délégation s-v menée par l’ambassadeur Tran Kim Phuong. On les rassure en affirmant que l’on fera tout ce qui est possible au niveau du Congrès pour obtenir une aide financière supplémentaire. Ford promet d’envoyer à Saigon son chef d’état-major, le général Weyand. Mais la veille, le Congrès a voté une loi de 3,7 millions de dollars pour l’aide à l’étranger mais qui exclut totalement le S-V de l’enveloppe. La délégation repart déçue. Les États-Unis se contentent désormais d’envoyer des lettres de protestation aux N-V évoquant une vague « réaction » mais qui n’aura aucun impact du fait de sa très faible crédibilité (Todd, 1987, p. 189).

Une réunion à la Maison Blanche a lieu en présence de Kissinger, son adjoint Brent Scowcroft, le général Weyand (commandant l’armée américaine du Pacifique) et l’ambassadeur Graham Martin, toujours en convalescence, mais qui a été sommé d’être présent. Le secrétaire à la Défense James Schlesinger, en conflit avec Kissinger, n’a pas été convié. Malgré les informations alarmantes envoyées par son adjoint Lehman, Martin demeure imperturbablement confiant. On prévoit d’envoyer des navires au large des côtes s-v en respectant les eaux territoriales et le général Weyand à Saigon (Todd, 1987, p. 175).

Le Bureau politique d’Hanoi précipite les choses : « Notre offensive générale a commencé par la campagne des Hauts Plateaux. Le moment stratégique attendu est arrivé. Toutes les conditions sont réunies pour réaliser le plus tôt possible notre ferme décision de libérer le Sud. Le Bureau politique préconise de réaliser dans les plus brefs délais une concentration d’effectifs, d’armes et de matériel pour libérer Saigon avant la saison des pluies. » (cité in Todd, 1987, pp. 194-195).


26 mars 75 : Les S-V abandonnent la région de Bin Dinh située près de la côte. La 3e division se replie sur Qui Nonh, troisième ville du S-V. Un vent de panique s’en empare. Un nouveau flot de réfugiés s’enfuit le long du littoral vers Nha Trang par la route n° 1 ou au moyen de bateaux (Snepp, 1979, p. 198).

Le commandant en chef n-v Van Tien Dung qui avait demandé un délai pour nettoyer les poches de résistance dans la 1ère région militaire se rend compte que sa demande devient inutile avec l’annonce de la chute de Hué (Todd, 1987, p. 198).

Le commandant de la 2e région militaire s-v, le général Pham Van Phu, semble avoir perdu totalement le sens des réalités en transformant dans ses propos en semi-victoires de cuisants échecs comme celui de la route 7 B. Son discours devient complètement incohérent (Todd, 1987, p. 198).

Le général Nguyen Cao Ky, ministre de l’Armée de l’air, comploteur et vieux rival de Thieu, réunit ses amis à Tan Son Nhut et en appelle à un nouveau « régime capable de rallier l’armée et de négocier en force. » L’hydre du coup d’État renaît malgré la situation catastrophique du S-V (Snepp, 1979, p. 199).


26 - 28 mars 75 : Les unités n-v qui ont pris Ban Me Thuot envahissent sans presque combattre la totalité de la région des Hauts Plateaux et atteignent rapidement la côte du côté de Qhui Nhon-Nha Trang. Le S-V est désormais coupé en deux. On évacue par avions et bateaux les derniers Américains et quelques troupes s-v.


27 mars 75 : Da Nang est pilonnée. Un climat de panique s’y installe.

Au Cambodge, l’U.R.S.S. rompt ses relations diplomatiques avec le régime de Lon Nol et accepte la présence d’un ambassadeur du G.R.U.N.K. à Moscou (Ponchaud, 2005, p. 187).


28 mars 75 : Retour de l’ambassadeur Martin à Saigon après une assez longue convalescence aux États-Unis (Snepp, 1979, p. 208).

Le général Weyand (commandant l’armée américaine du Pacifique) est également du voyage et entame une tournée au S-V jusqu’au 4 avril. Plusieurs rencontres auront lieu entre cette délégation et les autorités s-v. L’ambiance est souvent tendue. Weyand produit un rapport qui sera remis à Gerald Ford (voir 5 avril). Il a été chargé de transmettre à Thieu un message de Ford indiquant que les États-Unis aideront de leur mieux le S-V mais spécifiant qu’ils n’interviendront pas militairement. Dans le même vol se trouve également le sous-secrétaire d’État à la Défense Eric Von Marbod dont la mission première est de récupérer le maximum de matériel américain sensible encore détenu ou abandonné par les forces s-v en déroute (Todd, 1987, p. 196).

La 3e division s-v en position au sud-ouest de Da Nang est en totale déliquescence. Frappée du « syndrome familial » et harcelée par les tirs n-v, l’unité s’est littéralement « désintégrée » (Snepp, 1979, p. 211).


29 mars 75 : Edward Daly, président de la compagnie aérienne World Airways, fait atterrir sur initiative personnelle et contre l’avis de l’ambassadeur Martin un avion-cargo qui est pris d’assaut à Da Nang. De nombreuses personnes accrochées au train d’atterrissage meurent en tombant au sol au moment du décollage de l’appareil (Snepp, 1979, p. 206 ; Todd, 1987, pp. 207-208).

Daly envoie cependant deux Boeing 747. Le premier est pris d’assaut et endommagé dans la totale confusion qui règne alors, peut-être par un tir de grenade. Là encore, des personnes accrochées au train d’atterrissage chutent et d’autres qui s’y sont réfugiées seront trouvées mortes à l’atterrissage. Le second avion ne peut même pas atterrir du fait des tirs n-v (Snepp, 1979, pp. 216-217). Les caméras du monde entier diffuseront ces images déplorables.

Gerald Ford annonce que 4 navires de transport de la Marine américaine et plusieurs bateaux loués se rendent sur zone pour procéder à l’évacuation des ports encerclés. L’action est qualifiée de « strictement humanitaire », les navires se tenant à l’écart de la zone de combat dans les eaux internationales. C’est Daniel Parker de l’U.S.A.I.D. qui est chargé des évacuations. Les N-V qualifient cette action de violation des accords de Paris et intensifient les bombardements sur Da Nang. L’ambassade américaine à Saigon organise de son côté un deuxième pont aérien.


30 mars 75 : Da Nang est définitivement aux mains des N-V. Il demeure un million d’habitants et de réfugiés dans la ville. Seuls 50 000 civils et 16 000 militaires ont pu être évacués (Todd, 1987, p. 210).

Une vingtaine de navires de secours américains, japonais et vietnamiens parviennent au large des côtes de la 1ère région militaire. Ils procèdent à des évacuations hors des eaux territoriales. Ceux-ci ne sont donc pas contrariées par les N-V (Snepp, 1979, p. 220).

Après la chute de Da Nang, le Bureau politique du P.C.V. prend la résolution de terminer la campagne dans un délai d’un mois. Giap estime que le nombre de divisions au Sud est suffisant mais Le Duan insiste pour que l’ensemble du 1er corps d’armée basé à Ninh Binh et au nord de la région de Than Hoa fasse mouvement au Sud, à l’exception de la 318e division. Giap acquiesce  (Bui Tin, 1999, p. 124).


​31 mars 75 : Kissinger lâche le S-V en mettant entre parenthèses l’aide d’urgence du Congrès. Son attention se fixe désormais sur le Cambodge où la situation est toute aussi catastrophique. Les Américains lancent l’opération Eagle Pull visant à évacuer de Phnom Penh. Elle concerne 300 Américains et 200 Cambodgiens. La mise en route de cette opération demeure une priorité et se fait au détriment des évacuations au S-V.

6 nouveaux bateaux américains et s-v repartent pour Da Nang effectuer des évacuations.

Aux États-Unis, 25 % des Vietnam era vets (dont ceux qui n’ont jamais mis un pied au Vietnam) entre 20 et 24 ans sont au chômage. Ce chiffre atteint les 32 % si l’on considère les vétérans issus des minorités ethniques (Gibault in collectif, 1992, p. 76).

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